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Battons-nous pour que l'espoir reste dans le cœur des Afghans

Laquelle, entre les succès des chirurgiens pour sauver des vies et les succès des insurgés pour semer la mort, marquera de son empreinte l'avenir du pays?
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Le 1er août à Kaboul, Ayesha et Sidiqa, deux petites sœurs siamoises venant de la province éloignée du Badakhshan, ont été séparées avec succès. Cet événement médical, extraordinaire, inimaginable... s'est déroulé à l'Institut médical français pour l'enfant de Kaboul, construit par La Chaîne de l'Espoir, une ONG dédiée aux enfants malades des pays les plus pauvres de la planète.

Plus extraordinaire encore, l'opération à haut risque pour ces nouveaux-nés de 15 jours, a été menée par une équipe exclusivement afghane conduite par le Dr Jalil Wardak.

Ce succès chirurgical afghan n'a pas été rapporté à sa juste mesure par la presse. Pourtant, l'équipe qui a séparé les deux fillettes a été formée par des équipes médicales françaises qui, depuis plus de dix ans, viennent régulièrement en mission dans cet hôpital de Kaboul pour non seulement sauver des enfants, mais pour l'équiper des instruments les plus performants et transmettre leur savoir-faire et leurs connaissances à leurs confrères afghans.

J'étais le week-end dernier à Kaboul, alors même que le Pr Gilles Grollier, cardiologue au Centre hospitalier universitaire de Caen, en France, venait tout juste de réaliser dans son hôpital une intervention complexe sur l'artère pulmonaire d'une jeune fille afghane lui sauvant ainsi la vie. Je devais inaugurer, en présence, notamment, de la première dame afghane, Mme Rula Ghani, et du ministre afghan de la santé publique, le Dr Firozuddin Feroz, un nouveau centre de cardiologie pour adultes installé dans notre hôpital.

Cette inauguration a été annulée au dernier moment suite à cette terrible explosion dans la nuit du 7 au 8 août à 1h20. Les jours suivants, trois autres attentats ont été perpétrés à Kaboul et ont causé la mort de soixante-dix personnes et en ont blessé près de cinq cents autres.

Durant ces quelques jours où cette folie destructrice a ravagé Kaboul, j'ai été appelé à l'aide par nos confrères chirurgiens afghans de l'hôpital militaire pour participer aux soins des nombreux blessés. J'ai partagé leur détresse face à cette violence effrénée.

À cette occasion, l'Afghanistan a fait de nouveau les grands titres de la presse internationale, mais quelle nouvelle, au fond, a le plus d'importance? Laquelle, entre les succès des chirurgiens pour sauver des vies et les succès des insurgés pour semer la mort, marquera de son empreinte l'avenir du pays?

À court terme, bien sûr, la terreur l'emporte. La loterie de l'attentat, la peur d'être au mauvais endroit au mauvais moment, est en train de changer la physionomie d'une ville en pleine croissance, dotée d'une énergie extraordinaire que symbolise un horizon de constructions modernes et de centres commerciaux. Mais partout, des grilles s'élèvent, des murs coiffés de barbelés entourent les immeubles, des chicanes et des blocs de béton protègent les entrées de bâtiments et de rues.

Kaboul, donc, se protège, mais ne plie pas. Cette ville a aujourd'hui opté pour la vie face aux commandos de la mort.

L'inquiétude demeure, l'angoisse est rampante, j'en suis le témoin mais l'espoir est toujours là, lui aussi, j'en suis persuadé. Le désir de vivre, d'être en famille, en paix, avec les siens. L'histoire récente, de l'invasion soviétique à la guerre entre les factions armées, et enfin le règne des talibans, n'est pas oubliée, mais le peuple afghan la veut révolue. C'est cet espoir d'une histoire nouvelle qu'il faut observer et entretenir, parce qu'il est quasi général, tandis que l'obsession mortifère des partisans de l'obscurantisme, elle, apparait comme une anomalie.

Un hôpital est un poste d'observation privilégié pour saisir l'essence d'une société humaine. Nous y voyons depuis plus de dix ans des parents angoissés, riches ou pauvres, pachtounes, tadjiks ou hazaras, venus d'une lointaine vallée ou d'un quartier de Kaboul. Tous nous présentent un enfant malade pour lequel ils s'inquiètent, nous prient de le soigner, de le sauver si sa vie est en danger, ce qui est souvent le cas, hélas. Tous ces gens dans leur diversité partagent le même sentiment éminemment humain: l'amour de leurs enfants. Certains de ces parents étaient peut-être des talibans?

La médecine, à Kaboul, est une arme de paix.

Donc, battons-nous pour la vie, pas seulement dans un hôpital comme nous savons le faire, mais dans les médias, les réseaux sociaux et les débats publics, battons-nous pour que l'espoir reste dans le cœur des Afghans. Arrêtons de ne parler que de barbaries quand nous parlons d'Afghanistan. Ce pays est peuplé de millions de gens inquiets, souvent très pauvres mais toujours dignes, qui aspirent à la paix et à la vie. Ils sont l'avenir de l'Afghanistan.

Restons à leur côté, racontons leurs histoires, leurs aspirations, leurs nombreux succès, les défis qu'ils affrontent. Les insurgés revendiquent notre attention. Détournons-la pour nous préoccuper plutôt de ceux qui ont besoin de notre écoute et de notre fraternel soutien. C'est ce que je m'efforce de faire depuis trente-cinq ans...

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