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Alcool au volant: la solution

Le plus gros non-sens politique (ou social) pourrait se régler en claquant des doigts, et pourtant, on tente de le régler depuis toujours de toutes les façons, sauf la bonne.
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Dois-je m'adresser au ministre des Transports, ou à celui de la Sécurité publique, ou à Éduc-Alcool? Je ne sais pas trop. Ce que je sais, c'est que le plus gros non-sens politique (ou social) pourrait se régler en claquant des doigts, et pourtant, on tente de le régler depuis toujours de toutes les façons, sauf la bonne. Est-ce par mauvaise foi? Pour protéger les amis du pouvoir? Par ignorance? Pour éviter de froisser l'électorat?

Chers exécutants de l'autorité gouvernementale, je vous fais part de vos propres données sur la question de l'alcool au volant.

L'alcool au volant concerne tout le monde: hommes, femmes, jeunes et moins jeunes. C'est l'une des deux principales causes d'accidents au Québec. Chaque année, les accidents dus à l'alcool causent en moyenne:

• 160 décès;

• 370 blessés graves;

• 1 900 blessés légers.

De 2009 à 2013, 36% des conducteurs décédés avaient un taux d'alcool dans le sang supérieur à 80 mg par 100 ml (0,08). Uniquement en 2013, 41% des conducteurs décédés sur la route avaient bu de l'alcool. Parmi eux, la majorité avait plus de 150 mg d'alcool par 100 ml de sang (0,15) dans l'organisme.

On estime à 90 millions de dollars par année les coûts d'indemnisation des victimes de la route.

Jusqu'ici, je crois qu'on se comprend. En 1960, je comprends aussi qu'il n'était possible de contrer ce fléau qu'en faisant appel à la raison des citoyens. En 2015, par contre, j'estime que toute personne censée non seulement comprend le danger relié à la conduite avec facultés affaiblies, mais quiconque avec un minimum d'intelligence et qui aura tenté d'empêcher un ami, un parent, un client sous l'influence de l'alcool pourra témoigner de la difficulté à raisonner avec une personne ivre. En fait, les gens reconnaîtront facilement l'analogie avec celle de tenter de faire prendre un bain à un chat.

J'ai géré des bars pendant plus d'une décennie. En citoyen responsable, j'ai expérimenté diverses méthodes pour tenter de convaincre de nombreuses personnes qu'elles ne pouvaient, ne devaient pas conduire. Et ce en suivant les suggestions des autorités.

Par la discussion : la personne ivre contestera le constat selon lequel elle n'est pas apte à conduire.

En tentant d'enlever les clefs du véhicule : la personne vous menace verbalement et parfois physiquement.

Le conducteur désigné : fonctionnel, mais rarement utilisé. Qui veut regarder ses amis s'amuser sans être en résonance avec la fête?

Mon truc le plus efficace? Prendre deux pièces de un dollar, et, comme avec un enfant de cinq ans, amener la personne à souffler dans un alcootest tel qu'on les retrouve dans plusieurs bars et restaurants (mais pas tous). En constatant son taux réel d'alcoolémie, il est beaucoup plus difficile pour quelqu'un de nier la réalité comme quoi la limite légale a été dépassée. Sinon, il s'agit pour la personne ivre d'une estimation basée sur des critères subjectifs: «Je suis capable. J'ai déjà conduit en étant bien pire que ça. J'vais pas loin.»

On a tous entendu, et certains, prononcé, ces phrases typiques du conducteur ivre. Récemment, en tentant de raisonner - comme nos brillants fonctionnaires nous le suggèrent - un ami qui avait largement dépassé la limite légale, je dirais même la décence élémentaire, je l'ai convaincu, à force de crier et en impliquant au moins deux amis et un pur étranger, de m'accompagner à la machine d'alcootest du bar où nous étions.

Malheur! La machine semblait fonctionner, mais elle était défectueuse.

Saoul et en colère, mon ami s'est mis en tête de la réparer... avec quelques coups de poings bien sentis. Un portier est intervenu autoritairement, et la situation est passé près de dégénérer, si ce n'était que du fait que nous connaissions personnellement bon nombre des membres du personnel de l'endroit et que j'ai réussi à expliquer que j'avais besoin d'un coup de main pour convaincre mon ami de ne pas conduire. Finalement, c'est la montée de tension et la suggestion de plusieurs portiers qui a fait réaliser à cet ami qu'il n'avait plus toute sa raison.

Mais pour un qu'on a réussi à empêcher de conduire, sur les centaines de personnes dans l'établissement, combien l'ont fait quand même?

Pouvez-vous m'expliquer, vous les responsables de la sécurité et de la santé publique, pourquoi, en 2015, l'anti-démarreur éthylométrique, pièce de technologie si simple, n'est pas en équipement standard sur tous les véhicules?

Pouvez-vous m'expliquer, à moi, vétéran de l'industrie de la restauration et des bars, comment, derrière vos statistiques et vos voeux pieux, vous évincez carrément du débat l'aspect biologique et psychologique non seulement évident à l'œil mais aussi scientifiquement démontré, de l'alcool sur la capacité à raisonner et les comportements qu'il entraîne. Et même si la tendance va en s'améliorant, si on peut éviter l'entièreté des décès et des blessures maintenant et pour de bon, pourquoi ne pas le faire?

Est-ce pour vous protéger vous-mêmes, qui aimez conduire malgré votre consommation d'alcool? Est-ce pour faire plaisir à l'industrie automobile, qui ne veut pas rajouter une petite interface peu coûteuse en comparaison avec le coût total d'un véhicule? Est-ce pour donner aux citoyens l'impression qu'ils sont assez matures - et ainsi nier toute la science comportementale derrière la consommation d'alcool - pour prendre ce genre de décisions en toute sagesse? Est-ce réellement pour éviter de pénaliser les bons citoyens (le tiers ont avoué conduire avec les facultés affaiblies)?

Il est où le problème?

Dois-je citer à nouveau vos statistiques qui n'existent, en fait, que parce que vous refusez carrément de prendre les mesures qui s'imposent pour mettre fin à un fléau?

Sérieusement, devra-t-on poursuivre les autorités en justice pour avoir refusé, devant l'abondance de faits, l'évidence de la problématique et la simplicité de la solution, de légiférer sur la question? Les amis, les parents, les gens qui ont à cœur la sécurité routière, devront-ils fermer les yeux et cesser de tenter de faire prendre un bain aux chats, histoire de vous faire réaliser que sans nos petits gestes qui souvent nous gâchent une soirée, le bilan serait pire que jamais?

Sérieusement, l'insouciance ne peut être mise sur la faute du citoyen consommant une substance légale mais altérant gravement le jugement. La solution ne peut non plus reposer sur les amis, les familles ou des barrages policiers (pour lesquels les gens se préviennent à l'avance, au cas où vous ne réaliseriez pas l'absurdité de la méthode).

La solution se résume pratiquement à une seule phrase. Simple. À intégrer dans la loi, ou le code de sécurité routière, ou peu importe. Si vous avez peine à la formuler, je vais volontiers vous en faire cadeau :

«Les véhicules motorisés doivent être obligatoirement équipés d'un anti-démarreur éthylométrique.»

Bien sûr, il s'en trouvera pour critiquer cette atteinte à la liberté. Auxquels vous n'aurez qu'à répondre que si expirer dans une paille pendant huit secondes est une atteinte à leur liberté, ils ont peut-être besoin d'une thérapie...

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