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Le Monopoly des grandes entreprises

La vieille rivalité entre Coke et Pepsi me fascine parce que j'y ai toujours vu un monopole de façade plutôt qu'une rivalité. Je pense que l'objectif de ces deux entreprises n'est pas de convaincre que l'une offre un meilleur produit que l'autre, mais bien de s'assurer de ne jamais voir un troisième joueur venir perturber leur domination. Et les deux entreprises ne sont pas les seules à procéder ainsi.
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La vieille rivalité entre Coke et Pepsi me fascine depuis toujours parce que j'y ai toujours vu un monopole de façade plutôt qu'une rivalité. Je pense que l'objectif de ces deux entreprises n'est pas toujours de convaincre que l'une offre un meilleur produit que l'autre, mais bien de s'assurer de ne jamais voir un troisième joueur venir perturber leur domination depuis des décennies. J'ai la même impression dans plusieurs autres secteurs de l'économie également. Les grandes entreprises semblent rarement menacées, même par d'autres nouvelles grandes entreprises.

J'ai fait une petite analyse en regardant uniquement les dates de fondation des plus grandes entreprises au monde ainsi qu'au Canada. J'ai éliminé quelques fusions dans la compilation des données. Par exemple, ExxonMobil a été fondée en 1999, mais Exxon et Mobil proviennent en réalité de la StandardOil (fondée en 1870) qui fut démantelée en plusieurs entreprises par la justice américaine pour monopole illégal en 1911, date que j'ai utilisée pour établir la réelle fondation d'ExxonMobil.

J'ai utilisé le classement de Forbes, mis à jour depuis l'an 2000, pour établir la liste des 100 plus grandes entreprises au monde et des différents classements par pays ou types d'entreprises.

J'ai aussi regardé le top 100 mondial provenant d'une autre source et sur une autre donnée; la capitalisation boursière. Ce qui donne la chance à plus d'entreprises technologiques (comme Facebook) d'être dans le top 100 et faire grimper l'année de fondation moyenne. Seulement 54 entreprises du top 100 de Forbes se sont retrouvées dans le classement de la capitalisation boursière et j'arrive encore à 1919 comme année moyenne de fondation.

Globalement, voir des dinosaures de 1817 encore bien vivants n'est pas si étonnant. Ce qui est incroyable, c'est de voir le peu d'entreprises, hors d'Asie, qui ont réussi à atteindre les sommets mondiaux en venant s'immiscer dans la vieille compétition, et ce depuis la Première Guerre mondiale dans les secteurs économiques déjà existants à l'époque.

Parmi tous les secteurs que j'ai étudiés, il n'y a que les télécommunications qui m'ont paru «normal», avec quelques entreprises du 19e siècle ayant survécu jusqu'à nos jours, quelques joueurs récents, mais surtout une majorité du top 25 fondées autour de 1980 partout à travers le monde. Difficile de dire ce qui est normal ou pas, puisque nous plongeons dans l'inconnu chaque jour depuis longtemps.

Bien des facteurs peuvent expliquer ce résultat. Des brevets détenus par les veilles entreprises ont certainement mis un frein à la compétition. Plusieurs de ces entreprises ont été des pionnières dans leurs domaines devenant aussi riches les premières. Le temps que la compétition se forme et les rattrape, elles avaient déjà réussi à passer au niveau supérieur avec le capital accumulé.

L'avance du départ des veilles entreprises semble toutefois longue (même impossible) à combler dans plusieurs secteurs, ce qui tend aussi à démontrer que l'économie agit comme dans le jeu du Monopoly avec moins de chance impliqué dans le résultat. Les riches s'enrichissent rapidement et les autres suivent difficilement la partie ensuite. Nous le savions pour le 99%, mais le phénomène est peut-être aussi vrai chez les grandes entreprises. Lobbyismes et mauvaises interventions des États en leur faveur sont aussi responsables. Dans le jeu du Monopoly, ce serait une carte disant: «L'État passe une loi en votre faveur. Veuillez récolter plus de profit et acquérir la compétition qui sera incapable de soutenir le nouveau rythme imposé.»

Même en informatique, la place est occupée par les premières entreprises à être apparues dans ce secteur avec IBM (1911), Samsung (1938), Hewlett-Packard (1939), Intel (1968), Microsoft (1975), Apple (1976) ou Oracle (1977). Canon (1937) et Xérox (1902) dominent «à la Coke et Pepsi» dans le domaine de la fourniture de matériel de bureau. Rien de majeur n'est apparu depuis les années 80, soit depuis que l'informatique a vraiment pris son envol à tous les niveaux.

Un cartel économique est probablement la définition qui correspond le mieux à la situation:

« Le cartel désigne une entente formelle existant entre des entreprises qui contrôlent un marché. Ces entreprises, indépendantes les unes des autres, mais ayant des activités comparables sur un même marché, s'entendent donc en vue de contrôler un marché, dans le but de rendre plus difficile l'entrée de nouveaux concurrents et de maximiser leurs profits. »

Ils n'ont même pas besoin d'une entente formelle dans une pièce sombre à l'abri des regards. Des gens intelligents peuvent très bien calculer chacun de leur côté qu'il est plus payant ne pas s'attaquer mutuellement entre géants et ainsi créer une guerre des prix vers le bas. Tout comme Coke et Pepsi ne s'attaquent plus directement dans les publicités depuis très longtemps. Dire que l'autre goûte dégueulasse reviendrait à descendre son propre produit tant les différences sont minimes entre les deux.

Présenter le tout comme une grande conspiration serait de la pure folie. Dire que tout ceci n'est que le fruit du hasard et du bon travail de toutes ces vieilles entreprises le serait encore plus. La vérité est toujours grise. On peut donner le bénéfice du doute à quelques secteurs, mais ceux qui font de l'argent avec de l'argent, c'est-à-dire les banques, les assurances et dans l'investissement, semblent jouir d'un monopole collectif hors du commun, qui non seulement repousse la compétition depuis plus d'un siècle, mais fait de ces entreprises les plus grandes au monde et du Canada.

Le plus ironique dans tout ça, c'est que le jeu qui est à l'origine du Monopoly fut créé pour alerter les gens contre certains principes économiques qui finissent à coup sûr par avantager les plus riches au détriment des autres.

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