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La solution oubliée contre le surendettement

L'annulation des dettes est une activité que nous avons collectivement oubliée depuis trop longtemps. Je peux facilement comprendre les riches d'en avoir eu assez de se faire couper la tête comme moyen de paiement et que des lois ont été créées en conséquence, mais en chemin, le peuple a aussi perdu son pouvoir de se libérer des abus et des erreurs financières.
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Suite à mon billet de la semaine dernière, quelques personnes m'ont reproché d'avoir l'accusation facile sans donner de solutions. J'accepte la remarque et je corrige le tir cette semaine.

Nous nous posons les mauvaises questions quand vient le temps d'aborder les problèmes d'argent. Prenons la construction d'un pont en l'honneur de Samuel de Champlain, par exemple. Le financement ne devrait même pas faire partie de la liste des problèmes si construire un pont est réellement notre désir. En commençant toujours par se demander si nous avons suffisamment d'argent pour un projet, il y a de fortes chances que la réponse soit non. Pourquoi focaliser sur le moyen de paiement entre les individus au lieu de la réalité? Les vraies questions qu'on devrait plutôt se poser ressemblent à:

  • Est-ce que nous possédons la technologie ou les outils nécessaires pour construire un pont?
  • Est-ce que nous avons les ressources naturelles et matériaux en quantité suffisante pour le construire?
  • Est-ce que nous possédons des ressources humaines suffisantes pour l'ingénierie, la construction, l'administration, l'entretien et des gens en nombre suffisant pour utiliser le pont?
  • Avons-nous assez d'énergie pour le faire?

Si toutes ces questions sont répondues par l'affirmative et que la seule ressource manquante pour réaliser le pont est l'argent (le moyen d'échange), c'est signe que le système monétaire ne joue plus son rôle dans la société. Il faut que l'argent redevienne un moyen, un outil pour faciliter le commerce et les échanges.

Moderniser l'argent est tout un programme et les théories ne manquent pas non plus. Avec le temps, en comptabilisant les idées et les opinions de certains experts, j'en suis venu à la conclusion qu'on pourrait probablement créer un système monétaire parfait qui répondrait à tous nos besoins sans les symptômes négatifs. Ces changements demanderaient une révolution sociale et politique tellement grande à l'échelle mondiale que ça rendrait probablement le tout chaotique. Je pense que toutes les solutions simples et rapides, qui demandent le moins de bouleversements possible, sont les meilleures à considérer. Il en existe une qui a fait ses preuves au cours de l'Histoire, c'est la bonne vieille saignée des dettes!

Une « saignée » est le nom que le peuple français avait fini par donner aux exécutions des plus grands créanciers de l'État, entre l'an 1500 et 1800, à huit occasions, par les rois de France afin de régler les problèmes de surendettement. L'annulation des dettes est une activité que nous avons collectivement oubliée depuis trop longtemps. Je peux facilement comprendre les riches d'en avoir eu assez de se faire couper la tête comme moyen de paiement et que des lois ont été créées en conséquence, mais en chemin, le peuple a aussi perdu son pouvoir de se libérer des abus et des erreurs financières.

Comment annule-t-on concrètement une partie des dettes? L'extrait suivant provient du livre La grande saignée - contre le cataclysme financier à venir de François Morin. Il faut le lire en ayant en tête le scénario suivant : une crise interbancaire, comme celle de 2008, éclate à nouveau et la gravité de la situation fait qu'aucun État ne peut sauver ses banques de nouveau. La suite logique est la nationalisation des banques en faillite pour un dollar ou un euro symbolique. L'auteur qualifie ce scénario de «très sombre», mais «le plus probable, si l'on maintient les logiques financières actuelles».

« En prenant possession des banques, les États vont se retrouver propriétaires d'une partie substantielle de leur propre dette. Le nouvel actionnaire public pourra décompter, à travers l'actif des banques dont il prendra le contrôle, le nombre d'obligations souveraines qui s'y trouvent logées et qu'il détiendra désormais en propre. Détenteur de ses propres titres, il pourra alors les annuler. Et ce n'est pas tout. Il verra que ses banques détiennent d'autres titres souverains, émis par d'autres pays que le sien, et réciproquement. Il pourra alors, grâce à des accords avec les gouvernements concernés, les compenser avec les obligations de son pays.

Il est très difficile de dire quel montant de la dette souveraine de chaque pays sera ainsi effacé. Toutefois, quelques éléments apparaissent clairement. Les États seront vraisemblablement libérés de leur surendettement en raison des montants substantiels en cause; la valeur des titres obligatoires sera ensuite réduite à une peau de chagrin sous l'effet de l'effondrement des marchés financiers. Les États pourront alors, dans un délai assez court, racheter facilement leurs dernières dettes à des coûts relativement dérisoires pour les finances publiques. »

-François Morin, professeur émérite de sciences économiques et ancien membre du conseil général de la Banque de France

Impossible ou trop facile, vous vous dites? Si une pensée comme « on doit toujours payer ses dettes » vous traverse l'esprit à l'instant, il y a de fortes chances que vous soyez une victime de la dette. Non pas parce que vous en subissez les effets négatifs, c'est le cas de presque tout le monde, mais parce que vous y croyez dur comme fer et vous avez peur des conséquences. Vous avez la foi économique et elle pourra déplacer des montagnes cette foi, ou les vendre à rabais au privé. Une victime de la dette acceptera n'importe quelle mauvaise solution pour que la télévision cesse de parler de récession. Il est d'ailleurs irresponsable de penser ainsi et je laisse encore l'excellent livre Dette: 5000 ans d'histoire expliquer pourquoi:

« Ce qu'il faut comprendre, c'est que, même dans le cadre de la théorie économique admise, l'énoncé « on doit toujours payer ses dettes » n'est pas vrai. Tout prêteur est censé prendre un certain risque. Si l'on pouvait se faire rembourser n'importe quel prêt, même le plus stupide (s'il n'existait aucun code des faillites, par exemple), les effets seraient désastreux. Quelles raisons les prêteurs auraient-ils de ne pas consentir de prêts extravagants? (...) Mais imaginons qu'il existe une loi garantissant qu'ils seront remboursés quoi qu'il puisse se passer, même si cela m'oblige, disons, à vendre ma fille comme esclave, ou à me faire prélever des organes. Dans ce cas, pourquoi pas? Pourquoi prendre la peine d'attendre que quelqu'un vienne avec un projet viable de laverie automatique ou autre? Fondamentalement, c'est cette situation que le FMI a créée au niveau mondial et voilà pourquoi toutes ces banques sont prêtes à gaver de milliards de dollars une bande d'escrocs repérables au premier coup d'œil. » -David Graeber, économiste et docteur en anthropologie.

L'annulation des dettes n'est que la première étape. Il faudra ensuite organiser la reconstruction sans retomber dans les mêmes pièges, mais une bonne partie du problème serait déjà éliminé. Si les problèmes reviennent trop rapidement, ce sera signe qu'il faut saigner d'autres dettes, peut-être jusqu'à la dernière sans exception et repartir à zéro.

Peu importe votre solution favorite, vous avez déjà vaincu le problème si vous n'êtes pas prêt à vous sacrifier ainsi que vos semblables pour qu'on se plie perpétuellement aux caprices de la finance.

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