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Je suis jaloux de la politique française

Il est vrai que si l'ont ne s'arrête qu'au duel entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, il n'y a pas de quoi être emballé face à ces choix, mais ce qui se passe là-bas est bien plus spectaculaire et imprévisible qu'ici.
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Oui, vous avez bien lu le titre! Pendant que tout le monde se désole pour les Français, moi je suis jaloux de la politique française avec ce que j'y vois depuis plusieurs années. Il est vrai que si l'ont ne s'arrête qu'au duel entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, il n'y a pas de quoi être emballé face à ces choix, mais ce qui se passe là-bas est bien plus spectaculaire et imprévisible qu'ici.

Éteignez la partisanerie et rangez le cynisme pendant quelques minutes. Considérez toutes les options politiques sur un pied d'égalité, tant en France qu'au Québec ou au Canada, et vous verrez ce que je veux dire.

Commençons par le Parti socialiste, qui passe du gouvernement à la cinquième place des primaires en 2017. Essayez simplement d'imaginer au Québec ou au Canada qu'un parti actuellement au pouvoir finisse cinquième lors de l'élection suivante. Si votre imagination bloque, c'est bien normal, parce qu'un tel résultat est impossible ici. Aussi mauvais qu'ils puissent être, les gouvernements sortants finissent toujours avec l'opposition officielle en poche, préparant déjà la prochaine alternance.

Poursuivons avec Macron et son mouvement En marche! fondé le 16 avril 2016. Faites tourner votre imagination encore une fois, et tentez de trouver le scénario qui permettrait à un(e) ministre actuellement au pouvoir de tourner le dos à son parti en créant un nouveau parti un an avant l'élection générale. Un petit lien pourrait être fait avec François Legault puisque comme Macron, il n'a rien inventé et pige dans les députés des vieux partis qu'il s'évertue maintenant à combattre, mais nous sommes loin du même exploit. Legault n'a fait que prendre une formation qui tournait autour de 14% pour l'amener vers le 25% d'intention de vote sans jamais s'approcher réellement du pouvoir.

Ensuite, l'UMP a décidé de changer de nom pour Les Républicains. Un changement de nom venant d'un parti qui a gagné deux des trois dernières élections, c'est quand même audacieux. En France, les partis politiques réagissent quand les perceptions sont négatives tandis qu'ici, ils se réfugient encore plus fort dans l'image de marque du parti, et les réalisations du passé, comme une compagnie de boisson gazeuse. Ce qui est encore plus audacieux qu'un changement de nom, c'est le courage de l'électorat français qui les a boudés lors du premier tour. Se débarrasser du gouvernement est une chose, renier le parti d'alternance est une autre!

Il y a aussi Jean-Luc Mélanchon qui se présentait sous Le Front de gauche en 2012 qui a créé La France insoumise il y a environ un an, voyant son score passer de 11% à 19% lors du premier tour. De quoi faire passer les gains de Québec solidaire depuis l'arrivée de Gabriel Nadeau-Dubois pour une anecdote.

Soulignons aussi la montée de Nicolas Dupont-Aignan et son parti Debout la France qui passe de 1,8% en 2012 à 4,7% en 2017. Option nationale doit bien se demander quelle est la recette pour celle-là? Décidément, les Français ont plus d'audace que les Québécois quand vient le temps de voter pour des partis qui n'ont aucune chance de former le prochain gouvernement.

Il reste le Front national qui patiente depuis 45 ans en grugeant quelques votes à la fois à chaque élection. Leurs électeurs et électrices ont été d'une fidélité déconcertante et le parti n'a pas cherché à se dénaturer pour plaire et rechercher la victoire à tout prix. Ils ont certainement adapté le discours et Marine Le Pen est une politicienne plus habile que son père pour présenter le parti sous son meilleur angle, mais personne là-bas n'a réclamé la convergence ou un recentrage dans le but de simplement battre un autre parti.

Ce n'est pas parfait, mais il en existe aucun qui est pire que le scrutin uninominal qui favorise les vieux partis.

Finalement, je suis aussi jaloux du système électoral français. Le vote du premier tour laisse place à moins de pragmatisme et les gens peuvent voter plus librement. Ce n'est pas parfait, mais il en existe aucun qui est pire que le scrutin uninominal qui favorise les vieux partis.

Maintenant, voilà le difficile retour à la réalité. Notre réalité. Là où vous pouvez prendre un sondage de 2013 et le présenter comme si c'était le dernier encore tout chaud qui vient de sortir. Voici des sondages Léger marketing de mars 2013 et mars 2017. Les différences entre les deux sont microscopiques.

Rappelez-vous que depuis 20 ans, sur la scène provinciale et fédérale, les deux événements les plus exotiques que vous avez vus sont les percées de l'ADQ en 2007 et du NPD en 2011. Bref, vous avez vu la deuxième opposition officielle grimper d'un rang pour être l'opposition officielle. Dans les deux cas, on a présenté le tout comme un séisme politique et l'anomalie n'aura duré qu'une seule élection avec la logique du bipartisme revenant encore plus forte lors de l'élection suivante.

C'est ça, le Québec et le Canada, un trou politique sans fond, avec un électorat très conservateur qui préfèrent ses vieilles guenilles à essayer la nouveauté.

Les Français ont peut-être deux mauvais choix sous la main, mais au moins il y a de l'action, du mouvement et des évolutions dans la pensée de l'électorat. Peut-être que leurs 1001 émissions où il y a des débats politiques et philosophiques en sont la raison. Aucune chance qu'on les copie ici, on n'aime pas trop la chicane et ce n'est pas payant de mettre une émission trop sérieuse en onde.

Bienvenue au royaume où la Poule aux œufs d'or peut rester soixante ans à l'antenne et que les émissions politiques, avec de réels débats, pas seulement les mêmes panélistes qui nous abreuvent à tous les coups, sont inexistantes.

Les raisons de l'état de nos politiques sont nombreuses, mais je ne peux passer sous silence l'incroyable analphabétisme politique qui règne en maître incontesté par ici. Allez faire un tour sur le baromètre des personnalités politiques que la firme Léger marketing publie chaque année. Le dernier datant du 10 juin 2016 est éloquent lorsqu'on s'attarde à la colonne «Je ne connais pas». En gros, il y a une dizaine de politiciens dans tout le pays qui est connue d'à peu près tout le monde. Ensuite, c'est une autre histoire. J'en ai choisi quelques-uns pour l'illustrer.

Sérieusement, il faut vivre dans une grotte ou être allergique à l'information politique pour ne pas connaître ces gens, même en date de juin 2016.

Après, vous vous demandez pourquoi les intentions de vote restent figées dans le temps, que les politiciens nous parlent avec la cassette comme si nous étions des enfants et qu'une idée révolutionnaire au Québec, c'est dire qu'on va s'occuper de la santé et de l'économie?

Notre population est bourrée d'analphabète politique, la situation politique actuelle n'est que le reflet de ce fait incontestable. Ce n'est pas seulement au Québec ou au Canada, mais j'ai parfois l'impression qu'on est vraiment en queue de peloton dans le G-20.

Je souhaite quand même bonne chance aux Français pour le prochain quinquennat qui s'annonce laborieux, mais j'échangerais volontiers leur situation politique avec la nôtre. Si les Français vont se prendre 5 ans de calvaire, chez nous la politique ressemble de plus en plus à une pénitence à perpétuité.

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