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Les jumeaux siamois, des pipelines et Québec solidaire

Est-ce que les bloquistes se souviennent des agissements de leur parti en 2008, quand Gilles Duceppe s'était dit ouvert à des «alliances ponctuelles» avec le gouvernement Harper?
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Bien avant que la campagne électorale ne commence le 4 août dernier, plusieurs bloquistes avaient déjà trouvé des coupables pour la future défaite du Bloc ou le pipeline d'Énergie Est: c'est la faute aux partisans de Québec solidaire qui appuient en majorité le NPD!

Mathématiquement, ça ne tient pas la route. Il y a même plus de péquistes qui vont franchir la ligne fédéraliste que de solidaires, mais ceci est un détail qui n'a pas d'importance. C'est au niveau symbolique que ces accusations deviennent intéressantes, puisqu'elles peuvent presque toutes être renvoyées à l'expéditeur facilement.

Commençons par établir quelques faits. Est-ce que les bloquistes se souviennent des agissements de leur parti en 2008, quand Gilles Duceppe s'était dit ouvert à des «alliances ponctuelles» avec le gouvernement Harper?

Est-ce que les bloquistes se souviennent de 2011, quand ces mêmes conservateurs ne voulaient pas de leur aide pour éviter une élection? Voyez cet extrait de l'article du Devoir de l'époque, on sent que l'effort y était vraiment:

«Je ne crois pas que nous aurons une entente sur l'harmonisation des taxes à temps pour le budget, indique cette source au Devoir. Je ne sens pas d'empressement pour régler ce dossier d'ici au dépôt du budget.» En fait, les conservateurs seraient carrément réticents à gagner l'appui du Bloc québécois en réglant le dossier. Ils estiment que le Canada hors Québec accepterait mal que le gouvernement s'évite une élection grâce aux séparatistes d'ordinaire honnis, et ce, après avoir versé les milliards. «Je ne crois pas que ça nous aiderait», conclut cette source.

Les stratèges bloquistes font d'ailleurs la même lecture. «Ils ne veulent pas donner l'impression qu'on a obtenu un gain», indique une autre source. «L'impact dans le ROC [rest of Canada] serait: "Bon encore! Le Québec a chialé". Ce n'est pas bon pour eux.»

Puisqu'il fait campagne avec le Bloc, qu'il s'implique dans la campagne en tant que chef d'un parti siamois et qu'ils ont les mêmes supporteurs, permettez-moi d'y joindre PKP dans le tableau. Voici une date beaucoup plus funeste à ceux qui accusent les membres de Québec solidaire de «soutenir le fédéralisme»: le 18 avril 2011.

Que s'est-t-il donc passé de si grave en cette journée? Québecor, par sa filiale du Groupe TVA, est devenu actionnaire majoritaire à 51% de la sympathique défunte chaîne de télévision Sun News. Une chaîne qui était ouvertement pro-Harper, pro-conservateurs et pro-redneck. Tout en étant contre Radio-Canada, la protection de l'environnement, la gauche, la science et, surtout, contre le Québec.

Le réseau de télévision de Pierre Karl Péladeau en Ontario était la plus grande source de mensonges au quotidien et d'attaques gratuites envers le Québec que je n'aie jamais vu. C'était autant de mauvaise foi réunie en un seul endroit que dans le Canada au complet. Comme j'avais lu dans une excellente chronique en anglais dont j'oublie la provenance, Sun News était le Fox News du Canada, mais sans le budget et sans le talent pour la propagande.

J'aimerais pouvoir ajouter que Pierre Karl nous a au moins importé de la richesse ontarienne avec cette chaîne de télévision, mais ce n'est pas le cas. Le projet devait cependant lui tenir bien à cœur, car il n'a pas hésité à perdre plusieurs millions dans l'aventure. Les mauvais résultats du Groupe TVA en 2011 ont été la «conséquence directe des changements de programmation découlant du lancement du service spécialisé d'informations Sun News». Un «service spécialisé», j'adore la tournure de phrase du communiqué. Spécialisé en quoi déjà? Ils ont même eu le culot d'aller demander une subvention de 18 millions par année pour survivre, avant de mourir étranglé par la main invisible du marché.

Dites-moi sans rire que le tandem Duceppe-Péladeau n'a rien à se reprocher et n'a pas aidé d'une façon quelconque le Parti conservateur de Stephen Harper au cours des 10 dernières années pour en arriver là où nous sommes aujourd'hui? Le premier en le maintenant au pouvoir pour des gains de pacotille, gains qui alimentent bien le mythe que nous pouvons demeurer dans le Canada, en passant. L'autre en perdant de l'argent volontairement pour devenir une dépense électorale non comptabilisée 365 jours et nuits par année de Stephen Harper et de l'idéologie conservatrice.

Je suggérerais aux partisans bloquistes de méditer sur ces points la prochaine fois qu'ils veulent faire la leçon à quiconque souhaite soutenir un parti fédéraliste.

Les attaques bloquistes prennent une tournure burlesque quand vient le temps de parler de pétrole et de pipeline. J'ai retrouvé ce petit texte de Gilles Duceppe, écrit dans le journal de l'autre, pas plus tard que le 21 janvier dernier. Lisez-le attentivement et trouvez-moi le passage où Gilles Duceppe affirme clairement qu'il est contre le projet Énergie Est. Non seulement vous ne trouverez rien dans l'article qui ressemble à un homme prêt à devenir le nouveau révolutionnaire contre le pétrole qui se déchire la chemise aux 5 minutes, mais vous aurez la surprise de constater que le chef bloquiste ne jurait que par des études environnementales avant qu'on le sorte des boules à mites pour un regain de 10% dans les sondages, déjà fondu depuis:

«Il sera intéressant de voir si le gouvernement Couillard, qui s'est dit au départ favorable au projet, exigera d'avoir le temps nécessaire pour mener ses études et contestera la compétence exclusive de l'ONE ou s'il se résignera à accepter les diktats de l'ONE et d'Ottawa. -Gilles Duceppe, 21 janvier 2015.

Pourquoi Duceppe a même besoin d'une étude pour prendre position? Pourquoi Pierre Karl Péladeau a aussi besoin d'une étude concernant Old Harry? Est-ce que les frères siamois n'ont pas finalement, eux aussi, la même position que Tom Mulcair et le NPD sur les projets concernant les énergies fossiles? Parler des deux côtés de la bouche aux bons endroits, ne pas froisser les entreprises, s'en laver les mains et attendre la bénédiction ou le châtiment environnemental d'un groupe non élu?

Et pour les partisans bloquistes et péquistes, j'ai sèchement envie de vous rappeler que, durant la dernière campagne électorale au Québec, vous nous avez accusés d'être des rêveurs sans cervelle lorsque Québec solidaire proposa un plan de sortie du pétrole sur 15 ans en nous faisant la petite leçon qu'on devra «malheureusement» continuer avec les énergies fossiles pendant encore plusieurs décennies. J'ai aussi un vague souvenir de Daniel Breton qui défendait habilement l'exploration pétrolière de l'Anticosti.

Maintenant, c'est nous les traîtres, car on n'encouragera pas le Bloc, supposément le seul parti anti-pétrole et capable d'arrêter la construction d'Énergie Est? S'il-vous-plaît, gardez-vous une petite gêne.

Cessez aussi de rêver à votre tour. Des bloquistes à Ottawa, ce sont des chevaliers avec des épées en mousse. Deux ou 49 élus du Bloc ne changeront rien à la décision finale concernant le projet d'Énergie Est. Préparez vos chaînes, bannières avec de l'équipement de camping si vous voulez vraiment empêcher ce projet d'être réalisé, advenant le feu vert d'Ottawa.

Par contre, la loi C-51 de Stephen Harper fera peut-être de vous des terroristes en essayant de bloquer physiquement un projet économique du Canada, je tiens à vous le rappeler.

Quant à l'appui de Mulcair envers le PLQ aux dernières élections, que certains bloquistes ne digèrent tout simplement pas, vous vous attendiez à quoi d'autre? Qu'il se range derrière Québec solidaire, un parti qui a une réputation d'être plus communiste que Lénine à l'extérieur de Montréal, ou qu'il appuie la CAQ, le parti qui rêve d'être les conservateurs du Québec? Mettez-vous à la place de quelqu'un qui veut diriger le Canada (si, si, essayez vraiment!) et vous verrez que votre marge de manœuvre devient bien mince quand c'est le temps d'appuyer des partis provinciaux au Québec. Ne rien dire aurait été bien mieux, j'en conviens.

Je vous suggère fortement de ne pas vous concentrer sur les membres de Québec solidaire et de profiter de cette longue campagne pour justifier l'existence de ce parti. Même si vous arrivez à trouver quelques contradictions ici et là, nous pouvons vous renvoyer ces mêmes contradictions au visage et notre écœurement du gouvernement Harper l'emportera sur la fausse bonne idée d'encourager un parti obsolète qui, comme le PQ, ne sait même plus comment défendre l'indépendance et justifier sa présence.

La longue balade en vélo des frères siamois à répéter des arguments ennuyeux comme «Il est temps que le Québec fasse ses propre choix» ou «Il faut cesser d'envoyer des milliards à Ottawa», avec peu d'entrain et beaucoup de selfies au passage, n'a convaincu personne.

Les arguments sont très vrais, mais répétés des milliers de fois depuis plusieurs années. Cette opération charme en vélo était un analgésique de mauvaise qualité, qui n'a fonctionné qu'avec ceux déjà endormis par le baratin péquiste des 20 dernières années. Le disque est usé et sonne faux.

Le point qui méduse probablement le plus les bloquistes est que nous refusons de nous joindre au moins pire des partis au provincial, et qu'on s'apprête à voter pragmatiquement dans l'élection fédérale pour un choix moins pire que l'autre cow-boy.

L'erreur que les bloquistes font constamment est de comparer QS au Bloc. Québec solidaire est un projet à long terme, dont plusieurs pensent qu'il mérite d'être soutenu longtemps, contre vents et marées. Soyez assurés que s'il existait un parti sérieux de gauche qui s'appellait Canada solidaire, par exemple, capable de faire élire quelques membres un peu partout au pays, j'aurais voté pour ce parti et probablement fait sa promotion dans le Canada anglais même en cas de défaite 100% garantie.

Il est aussi ironique que les bloquistes soient les premiers à dire que ces élections ne nous concernent pas, puisque ça se passe «dans un autre pays», qu'on ne doit pas s'en mêler... mais que vous soyez en panique complète quand le résultat ne va pas dans le sens que vous souhaitez. Ça se passe ailleurs ou chez nous, alors?

Le Bloc québécois est un jouet mal utilisé par ses propriétaires, qui ne fait plus la promotion de l'indépendance du Québec adéquatement et qui offre une défaite assurée pour tout le mouvement indépendantiste, alors qu'environ 50% des indépendantistes disent maintenant «non» au Bloc.

Ce parti représente plus que jamais le meilleur ami des conservateurs en cas de gouvernement minoritaire à Ottawa. Un vote pour Bloc est un vote potentiel pour les conservateurs, non pas à cause de la fameuse division du vote, mais bien parce qu'il risque de les soutenir!

Le Bloc n'osera plus jamais s'associer au NPD ou aux libéraux, même pour un gain au Québec. Ils auraient trop peur de voir leurs appuis quitter vers un de ces partis qui peut vraiment les battre massivement. Par contre, pour négocier et arracher un petit gain aux conservateurs qui ne sont pas une menace ici, ils répondront effectivement présent. Le passé et le présent prouvent facilement cette théorie.

Pour l'ensemble de l'œuvre, non seulement je ne voterai pas pour le Bloc le 19 octobre prochain, mais je souhaite maintenant sa disparition complète. Un seul élu en sera un de trop.

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