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Les cinq vérités incontournables d'Adrien Pouliot

Une seule chose me semble une vérité incontournable: le chef du Parti conservateur du Québec ne sera jamais qualifié pour diriger un gouvernement, parce qu'il ne saisit pas la différence entre une entreprise privée et un État.
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Le chef du Parti conservateur du Québec, Adrien Pouliot, a publié cette photo sur sa page Facebook il y a quelques jours en ajoutant que c'était vrai «même au Québec»:

#pcq #PolQc Cinq vérités incontournables... même au Québec!

Posted by Adrien Pouliot on Saturday, August 22, 2015

Cinq «vérités incontournables», ou cinq vieux clichés conservateurs inspirés par le «gros bon sens»? Je vais répondre en commencant par la cinquième «vérité incontournable», en remontant jusqu'à la première.

5- 50% de travailleurs, 50% qui profitent des autres

Quand on lit une telle affirmation, on peut en conclure que 50% ou moins de travailleurs au sein d'une nation représenterait un seuil critique qui mène vers la catastrophe, car la moitié profiteront des autres qui, eux, seront découragés.

On peut aussi extrapoler que celui ou celle qui prononce une telle phrase s'attend à ce que beaucoup plus que 50% des gens travaillent à l'intérieur d'une économie. Allons donc vérifier partout dans le monde si de telles affirmations font face à la réalité en comparant les ratios de la population de 15 ans et plus qui travaillent:

• Canada: 62%

Québec: 60%

• Suède: 59%

• États-Unis: 58%

• Royaume-Uni: 57%

• Allemagne: 57%

• Japon: 57%

• France: 50%

• Grèce: 39%

• Boznie-Herzégovine: 33%

La première partie tend à donner raison à cette cinquième vérité incontournable. Ceux qui pataugent autour de 50% n'ont pas la réputation d'avoir des économies très puissantes en ce moment, et quand vous êtes à 40% ou moins, c'est souvent signe qu'il y a eu une guerre dans votre pays. Dans le cas de la Grèce, il y a effectivement eu une guerre économique dans les dernières années pour que tant de gens perdent leur emplois: c'était stable autour de 47% jusqu'à ce que la crise de 2008 arrive et que la Troïka, avec l'aide de l'Allemagne, achèvent le pays.

Allons donc aussi vérifier qui possède des économies en bien meilleure santé, côté ratio de la population de 15 ans et plus au travail:

• Tanzanie: 86%

• Quatar: 86%

• Rwanda: 85%

• Bénin: 72%

• Corée du Nord: 72%

• Chine: 68%

Évidement, cela ne dit pas le montant d'impôts prélevé à chacun des travailleurs et les crédits d'impôts qui leurs sont retournés, mais il y a plusieurs modèles différents sur la table, et la norme pour un pays industrialisé semble être quelque part entre 55 et 63% de travailleurs dans la population.

Quel est le ratio idéal que le Québec devrait atteindre, Monsieur Pouliot? Est-ce qu'il faudrait descendre à 57% comme les Allemands, dont je suis certain que vous adorez le modèle de gouvernance économique, ou bien votre idéal du «gros bon sens» se situe près de l'économie tanzanienne, où 86% des gens travaillent?

4- On ne multiplie pas la richesse en la répartissant

L'Histoire et l'actualité ne sont pas de votre avis, Monsieur Pouliot. Plutarque déclarait il y a près de 2000 ans que «le déséquilibre entre les riches et les pauvres est la plus ancienne et la plus fatale des maladies des républiques».

Aujourd'hui, Thomas Piketty est devenu une star internationale en répétant la même chose:

«La concentration du capital semble effectivement repartie à la hausse. Mais soyons précis. D'une part, les inégalités de patrimoine restent nettement en dessous de ce qu'elles étaient il y a un siècle. D'autre part, ce creusement des inégalités est en partie mécanique: dans les sociétés qui connaissent une croissance lente - entre 1% et 2%, comme chez nous -, le capital accumulé dans le passé prend rapidement une importance démesurée. On peut dire que «le passé dévore l'avenir», car le patrimoine fait des petits plus vite que le travail. Celui qui n'a que son salaire pour s'enrichir se retrouve dans une situation très défavorable par rapport à celui qui hérite. Cette inégalité fondamentale, qui fut celle de toutes les sociétés du passé jusqu'à la Grande Guerre, est de retour.»

3- L'État ne peut donner que ce qu'il a pris ailleurs

À l'exception du temps ou des sentiments, il y a peu de chose qu'on peut donner sans l'avoir pris ailleurs. L'argent que l'État prend aux gens et aux entreprises trouve certainement son origine de quelque chose qui a aussi été pris ailleurs dans la nature.

La richesse, c'est la nature qui a été transformée en quelque chose de supposément plus utile à la société. La nature est gratuite et appartient à tous, tous devraient donc aussi en bénéficier et s'assurer de la maintenir dans un état qui permettra aux prochaines générations d'en jouir également.

«Il faut réfléchir sur ce concept de savoir qui crée vraiment la richesse? La richesse n'est créée que lorsqu'elle est privée. Comment qualifieriez-vous de l'eau propre ou de l'air pure? Ne sont-ils pas des richesses? Pourquoi ça devient une richesse quand un organisme l'entour d'une clôture et décrète que c'est à lui? Ce n'est pas de la création de richesse, mais bien de l'usurpation de richesse»

-Elaine Bernard, directrice du Labor and Worklife Program, Faculté de droit de Harvard. Citation extraite du film The Corporation.

2- Si quelqu'un recoit sans travailler, quelqu'un a travaillé sans recevoir.

J'ai l'impression que les assistés sociaux étaient visés par cette phrase. Mais ce ne sont pas eux qui reçoivent le plus d'argent sans travailler. Monsieur Pouliot, êtes-vous actionnaire d'une entreprise où vous n'avez jamais mis les pieds pour y travailler, physiquement? Transférer des fonds en quelques clics de souris pour y injecter du capital et le retirer plus tard n'est pas du travail.

Je pourrais citer Piketty de nouveau, mais un professeur inconnu me semble une aussi bonne idée. Le gros bon sens, tout le monde peut le trouver:

«Ceux qui qualifient les chômeurs et les dépendants du système de parasites ne comprennent rien à l'économie et aux parasites. Un parasite ayant réussi sa mission passe inaperçu et exploite son hôte à son insu sans apparaître comme un fardeau. Telle est la définition de la classe dirigeante dans une société capitaliste.»

-Jason Read, professeur de philosophie américain.

1- Les lois qui enrichissent les pauvres pour appauvrir le riche.

Vieux débat. Certains disent même que c'est Machiavel qui a créé les premiers économistes en affirmant que «la richesse du prince est fondée sur l'appauvrissement de ses sujets», et tous les penseurs ont alors commencé à se demander comment enrichir le prince sans déposséder les sujets?

Une chose est certaine, cette question - et les autres - ne sont toujours pas réglées à l'heure actuelle et ne peuvent se résumer à des vérités de quelques mots, ou un billet de blogue qui en contient mille. L'équilibre parfait ne sera jamais trouvé, et quand on regarde l'Histoire sous un point de vue économique, on n'y voit que des inégalités qui mènent aux guerres, des périodes de paix, la montée des inégalités qui reprend... et la roue tourne ainsi depuis des milliers d'années.

Une seule chose me semble être une vérité incontournable au travers de tout ça. Adrien Pouliot a sûrement du talent pour diriger une entreprise, mais il ne sera jamais qualifié pour diriger un gouvernement. Parce que justement, il ne saisit pas la différence entre une entreprise privée et l'État.

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