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Raif Badawi est vraiment Charlie, lui

Le blogueur saoudien Raif Badawi a été condamné à 10 ans de prison et 1000 coups de fouets. Il vient de recevoir les 50 premiers. Son crime? Défense de la liberté d'expression. Et donc «insulte à l'islam».
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Abdallah ben Abdelaziz ben Abderrahman ben Fayçal ben Turki ben Abdallah ben Mohammed ben Saoud (c'est son nom complet) n'est pas, n'a jamais été et ne sera jamais Charlie. Évidemment, c'est le roi d'Arabie saoudite, le gardien des deux saintes mosquées, en fonction depuis le 1er août 2005. C'est pas un mauvais bougre, notez. Il a activement promu le dialogue interreligieux, en recherchant les voix modérées du Moyen-Orient et en ouvrant un canal diplomatique vers les autres nations et civilisations non arabes. Le 6 novembre 2007, il a été reçu par le pape Benoît XVI au Vatican. C'est la première fois qu'une rencontre avait lieu entre un souverain d'Arabie saoudite et un pape. L'entrevue avait pour objet le dialogue interreligieux, avec en toile de fond la question de la liberté religieuse pour les chrétiens présents en Arabie saoudite. La liberté religieuse saoudienne, ça ressemble quand même furieusement à un méga-oxymore...

À l'instar du Qatar, l'Arabie saoudite n'était représentée dimanche 11 janvier que par un sous-fifre, Nizar al-Madani, numéro deux de la diplomatie de Riyad. "C'est l'affaire des caricatures qui est au centre des récriminations contre la France, explique à Georges Malbrunot dans Le Figaro, un expert français du Golfe. La majorité de la population est farouchement wahhabite, c'est-à-dire partisane d'un islam ultra-rigoriste qui ne peut tolérer qu'on insulte le Prophète. Il était donc difficile pour leurs dirigeants de s'afficher à Paris".

Donc soutien à la France dans la lutte contre le terrorisme, mais certainement pas défense de la liberté d'expression. Demandez donc au blogueur saoudien Raif Badawi ce qu'il en pense. J'attige. Vous ne pourrez jamais le lui demander et il n'a pas le droit de dire ce qu'il pense.

Arrêté en 2012, accusé d'avoir appelé à la liberté de religion, Raif Badawi a été condamné en mai 2014 à dix ans d'emprisonnement et à recevoir 1000 coups de fouet, à raison de 50 coups par semaine tous les vendredis après la prière. Son crime? Avoir "insulté l'islam" en créant en 2008 un forum en ligne "Free Saudi Liberals" destiné au débat public. Le jeune Saoudien est musulman. Il n'a pas changé ou renoncé à sa religion. Il essayait de changer les mentalités en invitant les internautes à débattre sur différents sujets sociétaux, il n'a jamais été question de blasphème ou de reniement de sa foi. Mais pour les fondamentalistes du royaume, prôner l'égalité entre les croyances et encourager une "libéralisation religieuse", équivaut à une hérésie. Raif Badawi a frôlé la peine de mort pour apostasie. L'apostasie, le fait de renoncer à sa religion, est passible de la peine de mort, selon la charia, la loi islamique en vigueur en Arabie saoudite. "Je ne pensais pas que cela pourrait se produire", a confié à l'époque Ensaf Haidar, sa femme, partie vivre au Liban avec leurs trois enfants, et interrogée sur CNN.

La peine a donc été autre et Raif Badawi a reçu ses premiers coups de fouet à Djeddah, a rapporté Amnesty International, vendredi 9 janvier. Selon un témoin, après la fin des prières, Raif Badawi, enchaîné, a été extrait d'un véhicule et transporté jusqu'à une place publique, devant la mosquée. Entouré d'une foule formée de simples particuliers et d'agents des forces de sécurité, il a reçu sur le dos 50 coups consécutifs. Cette épreuve a duré environ 15 minutes. Ensuite, il a été emmené dans le même véhicule. Pendant vingt semaines d'affilée, il va donc recevoir 1.000 coups de fouet.

Amnesty International précise considérer Raif Badawi "comme un prisonnier d'opinion et demande que les coups de fouet -un acte d'extrême cruauté, prohibé par le droit international- cessent". "Nous craignons pour sa vie. On ne croit pas que quelqu'un puisse survivre à ce traitement, il ne pourra pas guérir d'une semaine à l'autre", a déclaré une représentante d'Amnesty International.

Les proches de Raif Badawi tentent de lui éviter une autre flagellation vendredi prochain. Dans les manifestations pour Charlie au Canada et en Europe, beaucoup affichaient leur soutien. Des médias internationaux comme le New York Times en parlent. L'Union européenne se mobilise. La France se... ah, je ne sais pas. Ça a dû m'échapper. Non, je ne dirais pas qu'ils ont d'autres chats à fouetter. C'est sûr, en ce moment, Raif Badawi est un peu éclipsé dans l'actualité. J'ai trouvé trois lignes dans Le Monde.

Bon, quand il sera mort, je ne doute pas de l'indignation générale.

Pour l'instant, il est vivant. Aujourd'hui, mardi 13 janvier 2015, c'est son anniversaire. Il a 32 ans.

Ce billet est également publié sur le site Fait Religieux.

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