Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Fiat luxe ou l'argent de l'église

Depuis son élection, on le sait, François n'a cessé de multiplier les gestes de simplicité, contraires aux us et coutumes ostentatoires du Vatican, créant la surprise, l'admiration, mais parfois aussi une certaine incompréhension parmi les prélats du Saint-Siège
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Depuis son élection, on le sait, François n'a cessé de multiplier les gestes de simplicité, contraires aux us et coutumes ostentatoires du Vatican, créant la surprise, l'admiration, mais parfois aussi une certaine incompréhension parmi les prélats du Saint-Siège.

Ainsi, il est allé régler lui-même la facture de la chambre qu'il occupait dans une maison religieuse à Rome avant son élection. À peine élu, il a refusé de monter dans la voiture officielle du pape, préférant prendre le minibus avec les autres cardinaux. Et refusant le vaste appartement, récemment rénové pour lui au troisième étage du palais apostolique, il est resté vivre à la résidence Sainte-Marthe, occupée par les cardinaux durant le conclave. Auparavant, le Vatican était la terre promise des concessionnaires Mercedes, fournisseur officiel des notabilités profanes comme ecclésiastiques. Mais depuis qu'il a pris la direction du saint garage papal, François se déplace au quotidien à l'arrière d'une modeste Ford Focus.

Pour ce pape, «l'argent doit servir, et non pas gouverner». Lors d'une homélie, il a souligné : «Si nous refusons de partager ce que nous avons avec l'affamé et avec le pauvre, alors nous transformons ces biens en une fausse divinité. Combien de voix, dans notre société matérialiste, nous disent que le bonheur se trouve en s'appropriant le plus grand nombre possible de biens et d'objets de luxe ! Mais cela signifie transformer les biens en fausses divinités». En une autre occasion, le pape a déclaré : «Les dirigeants de l'Église sont souvent apparus comme des narcissiques, flattés par leurs courtisans et caressés dans le sens du poil». François plaide donc pour une église plus humble, accordant plus d'attention aux pauvres et aux exclus. Et quelques sommités du Vatican en auraient, parait-il, eu les dents passablement agacées.

«Monseigneur Bling-bling»

Un qui s'en contrefoutait des leçons de modestie et de simplicité de François, c'est bien «Monseigneur Bling-bling», évêque de Limburg, en Allemagne, de son nom courant, Mgr Franz-Peter Tebartz-van Elst. Il est au cœur d'une polémique sur ses goûts dispendieux qui font les gros titres des journaux outre-Rhin.

À l'origine du scandale se trouve ce qui ressemblait d'abord à un banal dérapage des coûts pour la construction du nouvel évêché, commandé par le prélat aux environs de Francfort: 5,5 millions d'euros étaient initialement prévus pour un ensemble d'édifices comprenant un musée, des salles de conférences, une chapelle et les appartements privés de Monseigneur. La semaine dernière, on apprenait que la facture s'élèvera sans doute à 31 millions d'euros, 40 millions même, selon le quotidien conservateur Die Welt. Le quotidien populaire Bild dresse la liste des dérapages: 578 000 euros pour les robinets en or des salles de bains, 15 000 euros pour une baignoire, 25 000 euros pour une table, 63 mètres carrés de salle à manger, 2,9 millions d'euros pour la chapelle privée de l'évêque... Le système de suspension de la couronne de l'avent coûtera à lui seul 100 000 euros, et le jardin censé inciter à la méditation 783 000 euros ! Bild rappelle que «l'évêque de luxe» a voyagé en première classe, en payant un supplément de 3 500 euros, lorsqu'il s'est rendu en Inde auprès des pauvres, et révèle la passion de l'ecclésiastique pour les voitures de collection. Il utilise pour ses déplacements une BMW avec chauffeur. Misère...

Dans le diocèse de Monseigneur Bling-bling, des fidèles se sont mobilisés pour réclamer son départ et l'on voit exploser le nombre de personnes ne souhaitant plus être enregistrées comme catholiques. Si ce mouvement s'étendait à toute l'Allemagne, il finirait par coûter très cher à l'Église. «Je n'ai jamais vu une telle vague de départs», reconnaissait dans le quotidien local Frankfurter Neue Presse, Rüdiger Eschoffen, responsable des inscriptions et désinscriptions religieuses au tribunal administratif de Limburg.

Il faut savoir qu'en Allemagne, les contribuables doivent déclarer s'ils sont catholiques, protestants ou sans religion. L'État prélève alors 8 à 10% supplémentaires d'impôts sur le revenu des croyants déclarés, selon les États régionaux, avant de reverser les sommes collectées aux différents cultes. Chacun peut cependant se faire retirer des listes au prix d'une démarche administrative.

L'Église allemande va le payer

L'Église catholique allemande, qui commençait à peine à se remettre de révélations sur des abus sexuels sur des enfants et adolescents dans des institutions qui lui appartenaient, craint que le scandale de Limburg ne relance un mouvement de défiance. «Il y a un risque réel pour l'Église», reconnaît Detlef Pollack, sociologue pour le groupe de recherche en religion et politique de l'Université de Münster, interrogé par l'AFP. «Beaucoup de gens disent qu'ils ne veulent pas continuer à soutenir (financièrement) l'Église si c'est pour assouvir l'appétit de luxe d'un évêque», assure-t-il. La cerise sur le gâteau, c'est une déclaration de l'évêque allemand faite avant le scandale : «Ceux qui me connaissent savent que je n'ai pas besoin d'un style de vie grandiose!» C'est quoi «grandiose» pour lui ?

Les quelque 23 millions d'Allemands se disant catholiques ont rapporté 5,2 milliards d'euros à l'Église en 2012 avec l'impôt religieux, qui représente sa principale source de revenus. Outre les dépenses de fonctionnement du clergé, cet argent sert à financer ses hôpitaux, crèches, et autres organismes d'aide sociale. Plusieurs diocèses allemands ont annoncé leur intention de publier leur patrimoine, afin de ne plus entretenir le soupçon sur leur train de vie.

«L'évêque de Limburg ne peut plus assumer sa fonction dans son diocèse. Le mieux serait certainement qu'il renonce de lui-même à son poste» juge Detlef Pollack. Mais un tel geste reste difficile à envisager pour l'Église, estimait le quotidien Die Welt, mardi 15 octobre. « Démissionner après le moindre méfait réel ou supposé est une pratique répandue et admise en politique et dans l'économie (...) Jusqu'à aujourd'hui, ce n'était pas encore le cas dans l'Église», souligne le journal conservateur.

Le cardinal Burke habillé pour l'hiver

En tous cas, ça chauffe pour Mgr Franz-Peter Tebartz-van Elst. Le parquet de Hambourg a en effet demandé une ordonnance pénale, car il l'accuse d'avoir menti sous serment. Et Monseigneur Bling-bling a été convoqué au Vatican. «On ne fait pas la connaissance de Jésus en voyageant en première classe !» C'est ce que l'on peut appeler une prémonition... En prononçant cette phrase, le 26 septembre dernier, au cours d'une messe dans la chapelle de la Maison Sainte-Marthe au Vatican, le pape François ne se doutait pas qu'il sermonnait par avance l'évêque allemand. Ce dernier pourrait être reçu jeudi 17 octobre pour se faire remonter la chasuble par le souverain pontife. Par précaution, il a préféré prendre un vol sur Ryanair pour se rendre à Rome. Trop tard, Franz-Peter. Tu y aurais été à genoux en robe de bure que cela aurait été pareil...

Il y en a un autre qui pourrait faire ce voyage. C'est le cardinal américain Raymond Leo Burke, anciennement archevêque de Saint-Louis dans le Missouri,qui fut nommé en 2008 préfet à la Signature apostolique, le plus haut tribunal de la religion catholique. Burke est connu pour ses prises de position extrêmes - il considère le mariage homosexuel comme l'œuvre de Satan et trouve le gouvernement Obama totalitaire parce qu'il rembourse les contraceptifs selon le Affordable Care Act, mais il surprend aussi par l'extravagance de ses tenues (un peu comme le défunt Liberace, vous voyez ?).

Le site Global Post a calculé ce que coûtent les tenues d'un tel cardinal. En prenant pour référence, les prix de Barbiconi, le tailleur romain déjà spécialisé dans les vêtements liturgiques, on avoisine très vite les 12.000 euros. Par unité. Misère...

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Le Vatican en photos

Retrouvez les articles du HuffPost sur notre page Facebook.
Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.