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Yves-François Blanchet déplore la politisation de la crise du COVID-19

Il y a eu trop de «tataouinage», selon lui.
Le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchet pose des drapeaux du Québec sur le lutrin avant sa conférence de presse, lundi 20 avril.
Adrian Wyld/CP
Le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchet pose des drapeaux du Québec sur le lutrin avant sa conférence de presse, lundi 20 avril.

Les Canadiens excédés par l’incapacité des élus fédéraux à déterminer où, quand et comment ils reprendront leurs travaux ont trouvé un allié improbable en la personne d’Yves-François Blanchet.

En conférence de presse lundi matin, le chef du Bloc québécois a livré le message franc que certains attendaient d’un océan à l’autre.

De toute évidence, Blanchet était peu impressionné par les négociations multipartites qui ont duré toute la fin de semaine, sans donner d’autre résultat qu’une séance extraordinaire à la Chambre des communes lundi.

« Ça envoie le message qu’on est un peu déconnecté », a-t-il déploré.

Désaccords au sujet de la reprise des travaux

Les motions qui ont fait des allers-retours entre le Parti libéral, le NPD et le Parti conservateur, à l’effet qu’il faut résoudre le problème du calendrier rapidement pour passer aux vrais enjeux, ressemblent pourtant à la proposition du Bloc.

Selon Blanchet, « l’utilisation et la prise d’otage des institutions parlementaires à des fins partisanes, avec ce qui a l’air d’être une grave insensibilité à ce que vivent en particulier les Québécoises et les Québécois, ce n’est certainement pas de nature à enthousiasmer les gens sur nos institutions et les personnes qui les occupent ».

Le Bloc s’efforce d’être «digne de confiance », a-t-il ajouté. «Que les gens sachent et reconnaissent que lorsque les gens du Bloc québécois prennent la parole, c’est pour servir leurs intérêts de la population et non les intérêts partisans.»

Ceux qui ne comprenaient pas de quoi il était question n’ont pas eu à attendre bien longtemps. Blanchet a pointé le doigt dans une direction bien précise. « Si on n’avait pas établi en avance les moments où on vient au parlement, bien... On aurait eu chaque fois la séance de chantage et de prise d’otages des conservateurs. »

Il y a eu trop de « tataouinage », a-t-il affirmé, afin de mieux illustrer la lenteur et le manque de rigueur des négociations. « Les joutes politiques, les joutes partisanes sont très souvent du tataouinage. »

Les conservateurs sont-ils responsables de ce tataouinage, lui a alors demandé la journaliste Julie Van Dusen, de CBC, en anglais.

« Je dirais qu’ils ont développé une grande expertise », a répondu Blanchet.

En désaccord avec la plupart des partis fédéraux sur ce sujet, le chef du Bloc ne voit pas pourquoi les députés fédéraux devraient siéger physiquement à Ottawa, si ce n’est pour voter, puisque les règles ne permettent pas de voter à distance. Après tout, plusieurs secteurs de l’économie peuvent fonctionner virtuellement, sauf l’agriculture et la construction pour des raisons évidentes.

« Même si on peut prétendre que le parlementarisme est un service essentiel, ce à quoi je veux bien adhérer, ça peut se faire à distance, de façon virtuelle comme la plupart des autres fonctions. »

Blanchet affirme s’être déplacé à Ottawa pour « utiliser cette tribune », parler des besoins urgents des Québécois en matière de soins aux aînés, exiger plus d’investissements dans la recherche scientifique, et venir en aide aux étudiants oubliés par la prestation canadienne d’urgence.

« Je suis venu dans le seul et unique but de servir mes concitoyens. Je n’ai pas l’intention de perdre du temps avec des tractations obscures, dans le coin d’une pièce, pour aider à sauver la face de ceux qui ne peuvent se tenir debout face à leurs propres menaces. »

Lorsque le Bloc, le NPD et le Parti libéral ont convenu de siéger physiquement une journée par semaine, ainsi que deux fois virtuellement, les conservateurs ont insisté pour que la Chambre des communes se réunisse physiquement deux fois par semaine au minimum. Leur amendement a été défait par 22 voix contre 15.

Andrew Scheer prenant la parole le 20 avril 2020, lors de la période de questions à la Chambre des communes.
Adrian Wyld/CP
Andrew Scheer prenant la parole le 20 avril 2020, lors de la période de questions à la Chambre des communes.

Avant de faire son entrée à la Chambre, le chef conservateur Andrew Scheer a tenu sa propre conférence de presse, dans laquelle il a accusé le chef du Bloc de ne pas faire partie de « Team Canada ».

« Au lieu de travailler en équipe, comme nous, pour faire des gains pour les Canadiens, lors des négociations, la première fois que nous avons eu une séance de la Chambre des communes, pendant le temps que les conservateurs ont essayé de travailler, d’empêcher le gouvernement d’obtenir trop de pouvoir dans cette crise, M. Blanchet a quitté les négociations pour aller souper », a-t-il affirmé.

Scheer a répété les mêmes accusations lors de la séance elle-même, ce qui ne semble pas avoir indisposé Blanchet. Ce dernier a récidivé en se disant peu intéressé à savoir quel serait le temps de parole de chacun, quel parti pourrait poser trois questions ou plus le mardi ou le mercredi, ou si la Chambre siégerait deux journées et demie plutôt que deux jours.

« Ce sont de maudites niaiseries », a-t-il affirmé.

« On veut négocier et passer à la télévision. Je comprends qu’il faut nourrir sa base électorale, mais pas au détriment des intérêts de ceux qui souffrent. »

Une atteinte au privilège des députés?

D’entrée de jeu, le député du Parti vert Paul Manly a allégué que cette première séance non urgente depuis le 13 mars était inappropriée, puisque de nombreux élus étaient dans l’incapacité d’y assister. Il a demandé au président Anthony Rota de la lever immédiatement.

« Prima facie, les droits et privilèges de plusieurs membres sont violés par toute motion visant à établir des séances régulières auxquelles ils ne pourront participer », a affirmé Manly.

« Des collègues de Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve ne peuvent participer aux séances à Ottawa sans être légalement tenus de s’isoler durant 14 jours lorsqu’ils retournent dans leur circonscription. Le gouvernement du Québec a aussi recommandé aux Québécois de ne pas voyager. »

« Le Parlement n’est pas un club de discussion réservé aux grands groupes ou partis politiques. Tous les députés sont égaux. »

Bien que Manly n’ait pas insisté sur ce point, le privilège des députés a été usurpé par la direction de leurs propres partis. En plus de convenir de la procédure et de la fréquence des séances dès le 13 mars, les directions du NPD, du Bloc québécois et du Parti conservateur ont eu accès aux projets de loi avant l’ensemble de leurs élus respectifs. La motion présenté lundi a poursuivi sur la même lancée, puisque des exemplaires des projets de loi sous embargo n’ont été remis qu’aux leaders parlementaires de chaque parti, quatre jours avant la tenue des débats.

Bien que les partis politiques ne soient pas mentionnés dans la Constitution canadienne – un fait que Manly a cru bon rappeler – peu de députés ont protesté contre la restriction de leur privilège en cette période de pandémie.

Rota a donc décidé qu’il n’y avait aucune atteinte au privilège prima facie.

La période de questions et réponses

La séance de lundi a pris une tournure plus responsable. Sans doute était-ce à cause de l’horrible tragédie survenue en Nouvelle-Écosse, ou parce que les deux journées de négociations précédentes ont été perçues comme triviales par une population aux prises avec la maladie, la mort et l’insécurité financière.

« Il y a eu beaucoup trop de deuils et de tristesse dans notre pays depuis un mois », a affirmé Andrew Scheer. En effet, au moins 19 personnes ont péri face à un tireur et le bilan de la pandémie de COVID-19 atteindra bientôt les 2000 décès.

Scheer a insisté durant plusieurs jours sur l’importance de tenir une période de questions et réponses en personne. Selon lui, les ministres libéraux devaient dévoiler combien de ventilateurs ont été achetés, et expliquer pourquoi des équipements de protection personnelle ont été détruits sans être remplacés. Ce lundi, il a obtenu quelques réponses.

Le premier ministre Justin Trudeau a affirmé que le gouvernement fédéral avait fait parvenir 400 ventilateurs aux provinces et aux territoires, en plus de signer des contrats avec trois entreprises pour faire fabriquer 30 000 ventilateurs additionnels à partir du mois de mai.

Lorsque le débat a été prolongé pour discuter de la pandémie, la ministre de la Santé Patty Hajdu a estimé que le nombre de ventilateurs dont le Canada dispose actuellement « pourrait satisfaire nos besoins » si la courbe de la contamination continue de s’aplatir.

Le premier ministre Justin Trudeau répond à une question à la Chambre des communes d’Ottawa, le 20 avril 2020.
Adrian Wyld/CP
Le premier ministre Justin Trudeau répond à une question à la Chambre des communes d’Ottawa, le 20 avril 2020.

S’adressant à Scheer, Justin Trudeau a affirmé que le gouvernement faisait le nécessaire pour remplacer les équipements requis, et qu’il révisait les protocoles afin d’utiliser les équipements dont il dispose avant leur date de péremption.

« Ça ne s’est pas passé, et nous devons nous assurer de mettre en place de meilleurs protocoles pour ne plus jamais nous retrouver dans une telle situation. »

Bien entendu, la séance de lundi a aussi donné lieu à des réponses évasives qui ont laissé les députés de l’opposition et les spectateurs sur leur faim, ainsi qu’à une question facile d’un député d’arrière-ban libéral à son propre ministre, au seul bénéfice du hansard.

Toutefois, il n’y a eu ni tapage, ni chahut, ni raillerie.

La prolongation de la séance a permis aux partis politiques d’aborder des problèmes touchant plus particulièrement leur électorat.

La semaine prochaine, les députés se réuniront mardi dans un format virtuel pour interroger les ministres par le biais de ce que l’on appelle un comité spécial sur la pandémie de COVID-19, dans un format plus souple permettant davantage de questions et réponses fluides.

Un petit groupe de députés se réunira à nouveau mercredi en personne. Et chaque semaine par la suite, les députés se réuniront virtuellement les mardis et jeudis et en personne le mercredi.

À quoi cela ressemblera-t-il vraiment? Personne ne semble le savoir.

Espérons que cela conduira à plus que du tataouinage.

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