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Mon voyage sur la planète Pandémie

J’aime bien avoir un clash de culture quand je voyage, et bien j’ai été servie sur Pandémie! Je comprends maintenant que tout est permis chez moi, sur la planète Abondance...
Audrey Perron
Courtoisie/Audrey Perron
Audrey Perron

J’ai voyagé ce printemps. Dans un endroit qui n’existait pas avant 2019. En fait, j’ai découvert cet endroit sur une nouvelle planète; la planète «Pandémie».

Sans vraiment faire de choix de destination, je m’y suis retrouvée, un peu contre mon gré, mais en acceptation du nouveau territoire dans lequel on m’a projetée.

Mon arrivée fut tout de même brutale. Le paysage ne m’était pas tout à fait inconnu, mais changeait drastiquement chaque jour. Dès le début, j’ai dû être flexible dans mes valeurs et mes croyances, ainsi que dans mes habitudes de vie.

Sur Pandémie, je ne pouvais pas marcher où je le voulais. Je ne pouvais pas profiter de la nature, des sentiers de randonnée qui, chez moi, sur la planète «Abondance», me font le plus grand bien. Je ne pouvais pas non plus manger au restaurant, chose si banale sur ma planète. Le souper en tête à tête avec Netflix est très prisé sur Pandémie, alors j’ai fait comme je fais à chaque voyage, je me suis adaptée et j’ai mis en pratique cette habitude.

C’est aussi la première fois que je visite un lieu où les rues sont vides, et je dois dire que ça a son charme. Il n’y a enfin plus de touristes en background sur mes photos. Un point positif!

C’est aussi la première fois que je visite un lieu où les rues sont vides, et je dois dire que ça a son charme. Il n’y a enfin plus de touristes en background sur mes photos. Un point positif!
Courtoisie/Audrey Perron
C’est aussi la première fois que je visite un lieu où les rues sont vides, et je dois dire que ça a son charme. Il n’y a enfin plus de touristes en background sur mes photos. Un point positif!

Autre point qui m’attire de cet endroit: la moitié des gens semblent en congé. Ils sont si paisibles, à marcher seuls sur le côté de rue, en ville... n’ayant aucun souci de rendement. Je me dis que j’aimerais essayer. J’imagine qu’on ne se tanne pas d’être toujours en congé… qui sait!

J’ai aussi appris une nouvelle technique de marche qui s’appelle «distanciation sociale». J’ai trouvé ce truc assez olé olé au début, mais c’est surprenant comment on peut s’adapter rapidement à de nouvelles habitudes.

Alors ici, on doit changer de côté de rue quand on croise quelqu’un sur le trottoir. En fait, les gens s’aident en se donnant un approximatif de deux mètres de distance. Personne ne mesure vraiment, par contre certains y tiennent mordicus. J’ai même assisté à plusieurs conflits entre inconnus qui ne se méfiaient pas de ladite distance. Il va sans dire, je marchais les fesses serrées, et espérais avoir le compas dans l’oeil pour être à deux mètres des autres!

Je vous épargne les détails de ce que l’on doit faire quand on va faire les courses... un vrai casse-tête! Parlant de casse-tête, c’est un passe-temps très tendance ici, ainsi que faire son propre pain (j’adore l’idée), des compétitions de bagels, partir des semis, faire du café qu’on appelle Dalgona (pardon?) et des appels vidéo sur une plate-forme qu’ils appellent Zoom, apparemment en plein essor.

“Contrairement à mes voyages précédents, ici, je ne découvre pas de nouvelle religion, mais plutôt un mode de vie auquel il semble crucial d’adhérer, qui s’appelle «confinement».”

J’en suis encore à mes premières semaines ici, alors je n’ai pas tout expérimenté leurs passe-temps, mais ça viendra, car mon voyage n’est pas près de prendre fin.

Contrairement à mes voyages précédents, ici, je ne découvre pas de nouvelle religion, mais plutôt un mode de vie auquel il semble crucial d’adhérer, qui s’appelle «confinement». Le principe est assez simple, il suffit de rester chez soi, seul, ne pas voir d’amis ou de membre de la famille, et encore moins les personnes âgées.

D’ailleurs, je me demande bien comment elles font à Noël. Elles doivent s’envoyer les cadeaux par la poste quelques semaines avant, et ensuite faire une réunion cacophonique sur ce Zoom. Je trouve ça un peu désolant pour elles, mais bon, quand on ne connaît pas quelque chose, on ne sait pas ce que l’on manque, alors ils doivent être heureux comme ça. Mais sur ce point, on n’a rien à leur envier, je ne pourrais jamais m’imaginer me passer de rassemblements familiaux! Sous aucun prétexte! On est si bien sur Abondance quand je nous compare à Pandémie.

J’ai eu la chance de discuter avec un local, qui me disait être hésitant face à cette croyance au Confinement. Il m’a avoué aller parfois à l’encontre de cette dernière pour voir quelques amis, qui comme lui, sont dans le doute. Ils se rassemblent en secret et discutent de la situation de leur planète. Ils se sentent marginaux dans leur envie de se retrouver en groupe, de se donner de l’affection sans raison matrimoniale, ou encore de vouloir partager un repas ensemble. Une belle grande tablée est ce dont ils fantasment, comme ils ont vu dans les films sur Netflix. Ils en rêvent tous en cachette.

Ce local m’expliquait le sentiment d’excitation que ça lui procure de voir ses amis en secret. C’est particulier d’échanger avec lui, notre mode de vie sur Abondance étant si différent!

J’aime bien avoir un clash de culture quand je voyage, et bien j’ai été servie sur Pandémie! Je comprends maintenant que tout est permis chez moi. Moi qui croyais vivre dans un monde rempli de règlements et de codes de conduite, je réalise maintenant que j’avais tort! Sur Abondance, on ne manque jamais de rien. On peut voir les gens qui nous sont chers sans limite ou restriction.

“Ce voyage, je ne suis pas prête de l’oublier. Il m’a forcée à me recentrer sur moi-même, à être bien dans la solitude, et à ne rien tenir pour acquis.”

J’ai tenté de lui parler un peu de comment on vivait chez moi. Il a bien ri et m’a enviée quand je lui ai dit qu’on partage des repas en groupe souvent à même une seule assiette. Sa plus forte réaction d’envie fut au moment de lui décrire nos étés, avec tous les festivals que nous avons. Plusieurs inconnus se bousculent, côte à côte pour être encore plus près les uns des autres... qui aurait cru qu’on aurait pu nous envier pour ce sentiment si intrusif!

Il va sans dire que ce voyage, je ne suis pas prête de l’oublier. Il m’a forcée à me recentrer sur moi-même, à être bien dans la solitude, et à ne rien tenir pour acquis. C’est un peu ce que chaque voyage m’apporte, mais toujours sous un angle différent. Jamais je n’arrêterai de voyager. Bon, vous allez me dire qu’il ne faut jamais dire jamais.

En bref, ce que je retiens par-dessus tout de mon voyage sur Pandémie est une simple leçon qui m’est maintenant très chère. Si tous les habitants d’Abondance la chérissaient, nous améliorerions la qualité de notre vie en communauté: le bonheur se trouve dans les petites choses.

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