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Une ex-préposée aux bénéficiaires témoigne de la dureté du métier

Mélanie Beaudry vit encore avec les séquelles psychologiques d'une agression survenue en 2017.

Une ancienne préposée aux bénéficiaires lance un cri du coeur afin de mettre en lumière la violence souvent subie par les employés des CHSLD.

Mélanie Beaudry sait de quoi elle parle pour avoir été sauvagement agressée, en 2017, dans un CHSLD de la Côte-Nord, par un homme qui refusait de prendre son bain. Du même coup, elle fait valoir son admiration pour ceux et celles qui exercent ce métier qu’elle a malheureusement dû abandonner.

Sachant que la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais, prépare actuellement une nouvelle politique sur l’hébergement et les soins de longue durée, la Nord-Côtière a pris son courage à deux mains en décidant de publier sur Facebook une vidéo dans laquelle elle raconte en partie son agression.

«On paraît peut-être bien, mais dans ma tête, ce n’est pas bien», peut-on entendre dans la vidéo ci-dessus.

Hantée par l’agression

«En entrant dans la salle de bain, j’ai commencé à le déshabiller et quand je suis venue pour lui enlever ses pantalons, il est devenu agressif. Je n’ai pas eu le temps de lui dire que c’était correct et qu’il n’y aurait pas de bain qu’il m’a poussée contre le mur. Il a ensuite mis une main à ma gorge et avec l’autre main, il m’a roué de coups de poing au visage. Il pesait très fort sur ma mâchoire. Je lui disait de me lâcher, que j’avais mal. Il me répondait qu’il allait me tuer.»

Mélanie Beaudry continue d’être hantée par cette agression.

«Pendant un instant, j’ai vu ma vie défiler dans ma tête. Je voyais la sonnette, mais j’étais incapable de l’atteindre. Je devais rester calme et ne pas crier pour le rendre encore plus agressif. Je ne sais pas comment je suis parvenue à garder mon calme, mais je me suis penchée en espérant qu’il me lâche et il a levé les bras dans les airs et je suis partie à la course demander de l’aide.»

Résultat: trois dents cassées et la mâchoire fracturée. Pire encore, elle ne retravaillera plus jamais dans son métier, elle qui avait alors cette passion depuis huit ans.

«J’aimais vraiment mon travail», lance la femme de 42 ans au HuffPost Québec, la gorge nouée par l’émotion. «J’aimais les gens et j’étais appréciée de mes patients. Tous Alzheimer, certains ne reconnaissaient pas les membres de leur famille. Mais moi, ils me saluaient et nous faisions des blagues ensemble. (silence) Ça me manque.»

Victime d’un choc post-traumatique, elle devra manger à la paille pendant des mois, subir une opération maxillo-faciale, recevoir du botox, faire de la physiothérapie et ingurgiter de nombreux médicaments.

“Je suis allée voir un psychologue pour essayer de me remonter, parce que j’avais peur de tout. Je paniquais dès qu’il y avait quelqu’un derrière moi.”

- Mélanie Beaudry

Elle est demeurée six mois au sous-sol de sa résidence. «J’ai pleuré ma vie», raconte-t-elle d’une voix tremblotante.

Encore aujourd’hui, Mélanie Beaudry est fragile, très fragile. «Je suis toujours sur la défensive. Le sommeil est difficile car je revois constamment les images de mon agresseur. Moi, qui étais une fille enjouée, je suis maintenant bien tranquille avec ma petite famille», ajoute cette mère de famille de trois enfants.

La violence bien présente

Mélanie Beaudry dit vouer une grande admiration pour les actuels préposés aux bénéficiaires. «Je leur souhaite de pouvoir continuer leur important travail pendant de longues années encore. Moi, si je n’avais pas été battue, je serais encore dans ce métier que j’aimais tellement. Bien non, j’ai dû me trouver un autre travail loin du domaine de la santé.»

Elle souligne ne pas en vouloir à son agresseur, car il s’agissait d’une personne souffrant de la maladie d’Alzheimer qui ne savait pas ce qu’elle faisait, explique-t-elle. «Mais j’ai tout perdu. L’amour que j’avais pour mes patients, mes avantages sociaux et une qualité de vie. Je ne guérirai jamais. Les séquelles sont permanentes et je devrai prendre des médicaments pour le reste de mes jours afin de diminuer cette insupportable souffrance physique et mentale», livre-t-elle, avant un long silence.

Cette ancienne préposée aux bénéficiaires mentionne que ce n’était pas la première fois qu’elle subissait la colère d’un patient. «J’ai été préposée aux bénéficiaires pendant plus de huit ans et il n’y a pas eu une seule semaine où je suis arrivée chez moi sans une ecchymose, une morsure ou une “graffigne”. Une dame qui ne veut pas être changée de couche, mais qui doit l’être, devient très violente, voire dangereuse. Ce ne sont pas des personnes profondément méchantes, elles sont juste perdues et effrayées.»

Rappelons que la ministre Blais a annoncé mardi la création d’un comité d’experts afin de l’aider à rédiger une politique et un plan d’action sur l’hébergement et les soins de longue durée, lesquels seront déposés à l’hiver 2020-2021.

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