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COVID-19: ce que l'on sait des morts en Norvège après des injections du vaccin

Les autorités norvégiennes ont souligné lundi qu'il n'y avait pas de lien établi entre le vaccin et les décès.
Une dame reçoit le vaccin Pfizer-BioNTech à Villeneuve-Loubet, en France.
Eric Gaillard / Reuters
Une dame reçoit le vaccin Pfizer-BioNTech à Villeneuve-Loubet, en France.

Alors que le monde entier est lancé dans une course au vaccin visant à limiter le bilan mortel du coronavirus, la Norvège a jeté un froid ce vendredi 15 janvier. Dans un communiqué, l’agence de santé publique nationale explique avoir recensé “23 morts associés à la vaccination” contre la COVID-19. “Des effets indésirables courants peuvent avoir contribué à une évolution sévère chez les personnes âgées fragiles”.

Si ces déclarations peuvent faire peur, il ne faut surtout pas tirer de conclusion hâtive. “Il n’y a aucune connexion certaine entre ces morts et le vaccin. Cela pourrait être une coïncidence, mais nous n’en sommes pas sûrs”, a précisé au British Medical Journal Steinar Madsen, directeur de l’agence norvégienne du médicament.

Il serait même assez logique que ces morts n’aient pas grand-chose à voir avec le vaccin. Il est pour autant nécessaire que les autorités sanitaires enquêtent, notamment car cela concerne des personnes très âgées.

Pas de lien direct établi

La Norvège a souligné lundi qu’il n’y avait pas de lien établi entre le vaccin Pfizer/BioNTech contre la COVID-19 et des décès de personnes vaccinées recensées dans le royaume, tout en recommandant une évaluation médicale avant de vacciner les personnes âgées et très fragiles.

Depuis le début de la campagne de vaccination fin décembre, le pays scandinave a enregistré 33 décès de personnes âgées ayant reçu une première dose, selon le dernier pointage des autorités.

Parmi les 13 cas étudiés de plus près pour l’instant, “ce sont tous des gens qui étaient très âgés, fragiles et avaient des maladies graves”, a souligné la directrice de l’autorité norvégienne de santé publique, Camilla Stoltenberg, lors d’une conférence de presse.
- Agence France Presse

On meurt tous les jours

La première chose à rappeler, c’est que la mort frappe tous les jours partout dans le monde. Que quelqu’un décède par hasard juste après avoir reçu une dose de vaccin Pfizer/BioNTech est donc loin d’être inconcevable. Surtout que la Norvège vaccine en priorité les personnes âgées avec des maladies sérieuses. Et que les médecins ont pour consigne de déclarer d’éventuels effets indésirables même si les relations de cause à effet sont peu claires.

Les autorités norvégiennes rappellent ainsi que 400 personnes meurent chaque semaine en moyenne dans les équivalents des CHSLD dans ce pays. Cela pourrait donc être un simple hasard. Pour en avoir le coeur net, il faut trouver le signal dans le bruit ambiant.

“Pour vérifier s’il y a une surmortalité liée au vaccin, il faudra des études qui comparent le nombre de décès attendus ce mois-ci dans cette population et la mortalité observée alors qu’on a vacciné ces personnes”, rappelle au HuffPost Jean-Louis Montastruc, membre de l’académie nationale de médecine en France et spécialiste de la pharmacovigilance des vaccins.

“L’analyse individuelle d’une observation ne suffit pas, ce sont des gens fragiles qui peuvent décéder au moindre événement mais auraient pu également décéder sans vaccination”, précise-t-il.

Il faudra donc attendre pour pouvoir dire avec certitude s’il y a ou non un lien entre la vaccination et ces décès chez des personnes fragiles et âgées.

“Il faut également se rappeler de la balance bénéfice-risque. La COVID, ça tue, le vaccin, on n’a pas d’évidence que ça tue”, rappelle Jean-Louis Montastruc. Imaginons un instant que ces 23 décès soient effectivement liés directement au vaccin. Sur les 42 000 personnes vaccinées en Norvège, cela implique un taux de mortalité de 0,05%. Or, le taux de mortalité moyen de la COVID-19 est estimé aux alentours de 4,6% pour les personnes de 75 ans et de 15% pour les 85 ans et plus. Même si la contamination par la COVID-19 n’est pas une certitude, l’ampleur de l’épidémie, couplée à sa mortalité importante sur cette tranche d’âge, donne des arguments aux vaccins.

Les cas ailleurs

En Allemagne, l’institut Paul Ehrlich enquête également sur dix décès survenus peu de temps après une vaccination contre la COVID-19. Ici aussi, les personnes étaient gravement malades, les autorités s’attendent donc à ce que la mort soit liée à leur état de santé antérieur et non à la vaccination. En clair, vaccin ou pas, ces patients seraient décédés prochainement dans tous les cas.

Et en France? Jointe par Le HuffPost, la Direction générale de la santé (DGS) n’a pas encore pu nous fournir d’éléments complémentaires sur le sujet. Cet article sera mis à jour en fonction de cette réponse. Jean-Louis Montastruc nous précise que la campagne actuelle de vaccination est évidemment suivie de près, comme nous l’expliquions récemment dans notre article dédié.

“La semaine dernière, une personne est décédée peu après une vaccination, mais elle était âgée, hypertendue, diabétique, et prenait des médicaments pouvant entraîner une mort subite. Dans un tel cas isolé, le vaccin n’est pas suspect”, rappelle-t-il, précisant qu’il n’y a actuellement “aucune alerte en France en termes de nombre de décès”.

La grande inconnue des 85 ans et plus

Mais pourquoi surveille-t-on autant les vaccinés, alors même que les essais cliniques réalisés sont censés assurer la sûreté des vaccins? D’abord, il faut bien comprendre que des effets indésirables très rares peuvent ne pas être perçus dans les essais cliniques.

Si le risque est de 1 pour 100 000, on ne le verra pas avec 30 000 patients volontaires. C’est principalement cela que l’on recherche. “Pour l’instant, tout ce que l’on voit, ce sont quelques allergies fortes, mais que l’on sait traiter, alors que la COVID, on ne sait pas la traiter”, pondère Jean-Louis Montastruc.

Si ces décès norvégiens sont si scrutés, c’est aussi pour une autre raison. Lors d’un essai clinique de phase 3, on inclut des milliers ou dizaines de milliers de personnes représentatives de la population. Donc de différentes tranches d’âge. Ce fut le cas pour le vaccin de Pfizer, avec plusieurs centaines de personnes âgées de 75 ans et plus. Mais aucune de plus de 85 ans. Et les patients étaient tous en bonne santé (même si certains avaient des maladies chroniques, comme le diabète).

“Quel était le profil des personnes très âgées décédées en Norvège? Quelles étaient leurs autres pathologies? Pourquoi les a-t-on vaccinées?”, interroge Morgane Bomsel, spécialiste en virologie à l’Institut Cochin. “On navigue à vue sur ces populations sur lesquelles les vaccins n’ont pas été testés. Il y a donc un risque, il faut en être conscient, mais cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas vacciner, tout est une question de rapport bénéfice-risque”, précise-t-elle.

Jean-Louis Montastruc rappelle que c’est le cas de la majorité des essais cliniques: “les nouveaux médicaments ne sont jamais étudiés sur les personnes très âgées, c’est pour cela qu’il faut prendre un peu de temps. Mais le plus important reste la balance bénéfice-risque. Et elle est pour l’instant largement positive”.

Ce texte a été publié originalement sur le HuffPost France.

À VOIR AUSSI: Accès inégal au vaccin: l’OMS alerte contre un ”échec moral catastrophique”

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