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Une amie proche m’a brisé le coeur en disparaissant de ma vie sans explications

Je n’en étais pas à mon premier coup de foudre amical, mais il était déjà arrivé que les apparences soient trompeuses. En amitié comme en amour, il faut faire preuve de discernement.
«S’il est souvent compliqué de créer des liens étroits à l’âge adulte, je m’étais fait mes amies les plus proches à la trentaine.»
Courtoisie
«S’il est souvent compliqué de créer des liens étroits à l’âge adulte, je m’étais fait mes amies les plus proches à la trentaine.»

À 38 ans, j’avais un solide cercle d’amies. Entre nous, c’était à la vie, à la mort. Comme nous étions toutes mariées ou dans des relations sérieuses, les mélodrames étaient plutôt rares. S’il est souvent compliqué de créer des liens étroits à l’âge adulte, je m’étais fait mes amies les plus proches à la trentaine.

Je les avais rencontrées en diverses circonstances, comme un club de lecture sur internet, une colocation, une fête d’anniversaire d’un ami commun ou encore un programme artistique.

En vieillissant, se faire des amis relève un peu de la drague: on rencontre quelqu’un, on sent instantanément que le courant passe, et c’est parti! Tout d’un coup, on se retrouve à échanger des textos, faire des projets en commun et même penser à l’autre.

C’est excitant de rencontrer quelqu’un qui vous plaît mais, en amitié comme en amour, il faut faire preuve de discernement. On peut s’embarquer dans une relation un peu trop intense ou se rendre compte qu’après tout on n’est pas compatibles.

Quand je dis à mon mari en rigolant qu’il n’est pas conforme à l’image qu’il m’avait donnée au départ, il me rétorque toujours (tout à fait sérieusement) qu’il tentait simplement de vendre sa marchandise. Dans les amitiés féminines, il en va de même: nous nous vendons en nous présentant sous notre meilleur jour à quelqu’un qui semble avoir des points communs avec nous, que ce soit des valeurs, le sens de l’humour ou une passion pour les cornets de glace photogéniques.

La rencontre

J’ai rencontré Kate (appelons-la ainsi) lors d’un événement professionnel il y a cinq ans. Après avoir échangé quelques mots, nous ne nous sommes plus quittées de la soirée, et j’ai tout de suite senti le courant passer. Je n’en étais pas à mon premier coup de foudre amical pour une femme, mais il était déjà arrivé que les apparences soient trompeuses.

Généralement, je ne baissais pas la garde mais, au fond, je restais une fille sensible qui s’éprend vite des gens, en amour comme en amitié, et ne se protège pas toujours suffisamment.

«J’ai rencontré Kate lors d’un événement professionnel il y a cinq ans.»
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«J’ai rencontré Kate lors d’un événement professionnel il y a cinq ans.»

À la fin de la soirée, nous étions comme deux meilleures amies d’enfance qui se sont enfin retrouvées, sans compter que nous nous étions découvert beaucoup de points communs, du quartier où nous vivions à nos loisirs, jusqu’au besoin aigu d’authenticité (du moins, c’est ce que je croyais). Nous avons échangé nos numéros, mais je restais d’un optimisme prudent, redoutant de me livrer complètement. Rencontrer quelqu’un d’intéressant, ou une amie avec qui vous êtes vraiment complémentaire, est chose rare, surtout à New York. Consciente de cela, j’ai fini par faire taire mes craintes et me suis laissée aller à notre idylle.

Bien vite, je me suis lancée à corps perdu dans cette relation naissante, de textos en cafés, de cafés en dîners, de dîners en fêtes où nous allions ensemble.

“Quand on peut passer un dîner avec quelqu’un et que la conversation se fait naturellement, on sait qu’on est sur la même longueur d’ondes, et c’était exactement mon sentiment.”

Notre duo a évolué et nous avons fait connaissance avec nos amis et proches respectifs. Nous nous soutenions mutuellement et sans réserve dans nos projets, comme le feraient de bonnes amies. Nous nous retrouvions pour un cours de yoga le matin, un café à midi et des conversations à cœur ouvert à toute heure. Nous avons aussi voyagé ensemble, l’épreuve ultime de toute amitié nouvelle. Quand je me suis mariée, à l’hiver 2017, nous étions toujours aussi unies.

Ce n’était pas comme à 20 ans, où tout repose sur des activités quotidiennes communes et des brunchs interminables le dimanche. J’avais l’impression que le lien qui nous unissait était plus solide. Que nous ayons des styles de vie différents ne me paraissait pas très important. J’étais de nature plutôt casanière, bien avant même de rencontrer celui que je venais d’épouser, alors qu’elle était célibataire et très sociable. Je pensais que nous avions bâti notre relation sur des bases solides et que nos liens profonds allaient au-delà de ces considérations.

“Pourtant, au printemps de l’année suivante, tout a subitement changé. Il n’y a pas eu de grands signes avant-coureurs, de problèmes ou même de désaccords entre nous.”

Ça a commencé, comme souvent, par des petites choses qui ont pris de l’ampleur jusqu’à se transformer en énorme vide. Pas de mises au point ni de règlements de comptes autour d’un déjeuner.

La disparition

De nos jours, dans les relations de séduction, il n’est pas rare de voir l’autre disparaître sans laisser d’adresse, un risque dont on est bien conscient en s’embarquant dans une histoire. On dirait que toute relation amoureuse naissante comporte une part de crainte sous-jacente, la crainte de voir l’autre partir sans explication alors qu’on a investi du temps dans cette relation.

Mais l’idée que dans une amitié entre femmes, chose si fragile, l’une des deux puisse disparaître de la vie de l’autre juste parce qu’elle refuse de faire face à quelque chose (ou ne veut pas admettre qu’elle ne tient plus vraiment à vous) était difficile à accepter.

«Elle m’envoyait de moins en moins de messages et d’invitations.»
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«Elle m’envoyait de moins en moins de messages et d’invitations.»

Pourtant, nous en étions là: elle m’envoyait de moins en moins de messages et d’invitations, et je sentais confusément que notre amitié périclitait. Devant ce constat, j’ai réagi comme toute personne qui se sent délaissée: je lui ai demandé si tout allait bien. Elle a eu la réponse typique de celui ou celle qui vous évite (sauf dans les rapports amoureux, où le silence est parfois la seule réponse qu’on obtient): «Tout va bien, juste super occupée.» Six petits mots tout simples mais lourds de sous-entendus.

Je me creusais la tête, cherchant une explication. Avais-je, sans le vouloir, fait quelque chose pour la repousser? Avait-elle simplement des affaires personnelles à régler? Hélas, aucune indication, aucun signe ni message ne fournissaient d’explication plausible. En insistant, j’ai réussi à convenir d’un déjeuner ensemble et, l’espace d’un instant, j’ai cru m’être fait des films.

Au déjeuner, tout paraissait normal dans l’ensemble, mais je savais que ce n’était pas le cas. Notre conversation n’était pas vraiment laborieuse, mais elle semblait différente. Pourtant, nous n’avons rien relevé. L’ambiance était plus tendue. Après le déjeuner, nous nous sommes promis de nous revoir bientôt. Nous avions cinq ans d’amitié derrière nous et c’était, sans que je le sache à l’époque, la dernière fois que nous nous voyions en face à face.

Environ un mois après, notre amitié a pris un dernier tournant. J’avais enfin des nouvelles à lui annoncer: nous essayions avec mon mari d’avoir un enfant (comme elle le savait) et j’étais enceinte de quelques mois. Enfin prête à partager la nouvelle, j’ai décidé d’en parler à Kate en personne.

Malgré la distance qui s’était instaurée entre nous, je pensais que c’était la bonne chose à faire. Mais en lui proposant de se voir, elle n’a manifesté aucun enthousiasme, autre indication claire que quelque chose avait changé entre nous. Nos emplois du temps semblaient incompatibles et elle, complètement débordée. À contrecœur, j’ai fini par lui annoncer la nouvelle par texto, qu’elle a accueillie par un «Félicitations!» assorti d’un smiley. Une réaction plutôt sympathique mais qui semblait anormale après tout ce silence.

Elle m’a recontactée une seule fois, pour me demander un service, que je lui ai gentiment rendu. Je n’attendais pas de remerciements, et je n’en ai pas eu. Je n’exige pas beaucoup d’attention de mes amis, mais j’attends qu’ils soient vraiment à la hauteur de mon estime et là, je commençais à trouver ça bizarre.

Je ne comprenais pas pourquoi mais, apparemment, mon annonce de grossesse avait porté le coup de grâce à notre amitié déjà mal en point. J’ai alors su que notre relation n’était plus du tout la même et que nos chemins, qui se sont croisés comme tant d’autres dans cette ville, avaient définitivement divergé.

Une fois que j’ai accepté ce fait, j’ai arrêté d’essayer de la contacter. Bien sûr, j’étais triste de l’avoir vu s’éloigner sans aucune raison claire mais, avec les années, je m’étais endurcie et, pour le meilleur ou pour le pire, j’avais appris à me séparer des gens sans regrets (mais pas toujours sans émotion).

«La vie me réservait encore une épreuve en me confrontant à l’inimaginable.»
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«La vie me réservait encore une épreuve en me confrontant à l’inimaginable.»

Hélas, la vie me réservait encore une épreuve en me confrontant à l’inimaginable. À cause d’une prolifération de fibromes assortie d’une multitude d’autres problèmes apparus par malchance, j’ai perdu le petit garçon que j’attendais. Ma famille et mes amis proches m’ont entourée, formant un rempart protecteur autour de moi, quand j’étais fragilisée et anéantie de douleur. Face à la mort, il est facile de se laisser enfermer dans la noirceur et la solitude. Le soutien des autres est vital pour se reconstruire. Heureusement, j’ai eu l’aide nécessaire pour finir par me relever.

Par la suite, j’ai repensé à Kate et me suis rendu compte que, d’une certaine façon, j’avais espéré un geste d’elle. Qu’elle me contacte, pas pour s’expliquer mais pour me signifier discrètement qu’elle me souhaitait le meilleur et pour me demander des nouvelles de ma grossesse. Un petit geste que, même après ce qu’on avait vécu, j’aurais accueilli favorablement. Il était peut-être présomptueux de croire qu’elle était au courant de mon épreuve, mais je ne pouvais pas m’empêcher d’attendre un petit signe de soutien ou d’attention de sa part. C’est ce que j’aurais fait. Mais ce n’est jamais venu, confirmant ce que je savais déjà.

J’ai toujours vu l’amitié comme un jardin. Certaines n’ont pas besoin de soins constants. Avec certaines amies, on peut ne pas se parler pendant des mois. Pourtant, on retrouve toujours notre complicité en un clin d’œil.

D’autres, en revanche, risquent de s’étioler faute d’attention. Au fil des années, je me suis efforcée de repérer les relations qui ont besoin de soins et celles qui peuvent s’épanouir plus facilement. J’ai beaucoup donné pour entretenir mes amitiés et je leur accorde beaucoup de valeur.

Je me voyais aussi comme quelqu’un de perspicace, qui peut se targuer d’un entourage de personnes mûres, un cercle d’amis soigneusement choisi. Malgré cela, j’ai été rejetée sans explications.

“C’est fou comme quelqu’un dont on a été si proche peut devenir, du jour au lendemain, un parfait inconnu.”

On continuait de se croiser dans le monde virtuel, mais elle n’était plus qu’un Tweet insignifiant parmi d’autres, une photo à la pose parfaite de plus dans mon fil Instagram. Votre ancienne complice dans la vie devient une publication lambda noyée dans vos réseaux sociaux.

Avant, je me serais retourné le cerveau, essayant de comprendre ce que j’avais bien pu faire, ou ce qui aurait pu se passer différemment. À présent, j’ai fixé un seuil de tolérance strict et assez bas. Si, au début, j’ai pris à cœur la mort de notre relation, je suis ensuite devenue une spectatrice apathique qui regardait notre amitié dépérir sans jamais attraper l’arrosoir pouvant la raviver.

Je ne sais pas vraiment comment l’expliquer, sinon qu’en vivant le pire on apprend qu’il est plus facile de lâcher prise que de s’épuiser à lutter. Je n’avais pas assez d’énergie à consacrer à cette situation et d’autres choses plus importantes exigeaient mon attention, alors c’est ce que j’ai fait.

Au début, j’aurais pu essayer de lui parler simplement pour savoir ce qui se passait, et j’aurais peut-être dû, ne serait-ce que pour obtenir des réponses et passer à autre chose, comme on le souhaite tous désespérément à chaque rupture inattendue. Peut-être qu’en d’autres circonstances, je l’aurais fait. Mais ma vie a pris un tournant et en empruntant ce nouveau chemin, je n’ai jamais regardé en arrière.

Une collègue m’a dit qu’à la quarantaine, on compte ses amis les plus proches sur les doigts d’une main. Sur le coup, j’étais sceptique, mais aujourd’hui je comprends parfaitement ce qu’elle voulait dire. En rencontrant des personnes dans la vie, on joue souvent à Boucle d’or, essayant différentes relations pour trouver celle qui nous convient. Certaines perdurent, d’autres se dégradent. D’autres encore s’arrêtent sans aucune explication. Mais, même dans ces cas-là, il ne faut pas hésiter à aller de l’avant.

Être abandonnée sans raison par une très bonne amie n’est jamais agréable, mais la vie est trop courte pour ressasser les expériences négatives. Ce qui compte le plus, c’est d’offrir votre temps à ceux qui sont à vos côtés et qui vous font du bien. Drake pourrait bien avoir vu juste en chantant: “No new friends”. Mais je ne ferme pas totalement la porte à de nouvelles amitiés.

Ce blog, publié initialement sur le HuffPost américain, a été traduit par Valeriya Macogon pour Fast ForWord et publié sur le HuffPost français.

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