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Un gouvernement teflon

Ce n'est pas la première fois que l'équipe Harper méprise les institutions et renie l'engagement de «transparence» qu'elle avait érigé en étendard contre la « corruption » du gouvernement libéral précédent. Pourtant, ce manque flagrant d'éthique ne semble pas altérer l'humeur des électeurs. Un sondage Léger du 12 mars dernier révélait ainsi que 40% des Canadiens accordent encore leur confiance au gouvernement Harper, qui est perçu comme « gérant bien les finances ».
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Le 3 avril dernier, le Vérificateur général du Canada rendait public un rapport lapidaire sur le dossier du remplacement des avions de combat canadiens par des F-35. Ainsi, selon ce rapport, « des décisions clés ont été prises sans les autorisations requises et sans documents à l'appui », le ministère des Travaux publics et des services gouvernementaux « a approuvé la décision importante d'attribuer le contrat d'acquisition des F-35 à un fournisseur exclusif en l'absence des documents requis et des analyses nécessaires », « la Défense nationale n'a pas fourni de renseignements complets en temps voulu », « n'a pas non plus fourni de renseignements complets sur les coûts aux parlementaires », et « a sans doute sous-estimé les coûts complets sur l'ensemble du cycle de vie des F-35 ».

Toujours selon le Vérificateur général, le processus ayant mené à la décision, annoncée en juillet 2010 par le gouvernement Harper, d'acheter 65 F-35 suscite des interrogations quant à son intégrité. « En fait, en 2010, le Canada était trop engagé dans (...) le développement du F-35 pour lancer un processus concurrentiel équitable ». Le vérificateur s'interroge de plus sur les fluctuations de coûts du programme d'entretien, qui s'ajoute aux frais d'acquisition de 9 milliards de dollars. En effet, alors que dans ses évaluations internes de juin 2010, le ministère évaluait pour ce faire une contribution de 16 140 milliards, ses représentants avaient plutôt invoqué une somme de 5, 7 milliards devant les parlementaires en mars 2011.

En réaction à ce rapport, le gouvernement a indirectement jeté le blâme sur les fonctionnaires et annoncé la création d'un nouveau secrétariat relevant des Travaux publics pour prendre la relève de la Défense nationale dans ce dossier. Même si le rapport se contente de dénoncer les ministères et ne fait jamais allusion à la sphère politique, il est pourtant fort difficile de ne pas y voir une admonestation à l'encontre du cabinet Harper, qui faisait corps avec les militaires et s'obstinait dans sa décision, en balayant les objections et en jetant un écran de fumée sur les coûts réels du contrat.

Un mépris flagrant des institutions et de l'éthique

Ce n'est pas la première fois que l'équipe Harper méprise les institutions et renie l'engagement de «transparence» qu'elle avait érigé en étendard contre la « corruption » du gouvernement libéral précédent.

Passons sous silence le scandale des appels électoraux frauduleux, où aucune preuve n'a encore été apportée d'une intervention directe des Conservateurs, même si l'ombre des adeptes de Karl Rove plane sur le dossier. Passons également sur les mensonges de la ministre Bev Oda, qui avait nié pendant plusieurs mois être intervenue dans le refus de son ministère d'octroyer une subvention au groupe Kairos, pour ensuite reconnaître en février 2011 qu'elle avait bel et bien modifié le formulaire ministériel.

Attardons-nous plutôt au rapport de la vérificatrice générale Sheila Fraser qui, en juin 2011, écorchait Tony Clement et John Baird pour le détournement d'un montant de 45,7 millions de dollars du Fonds d'infrastructure frontalière pour des infrastructures soi-disant liées au G8. Alors que le rapport dénonçait le fait que les demandes de financement pour des projets d'infrastructures n'avaient pas été précisées de manière claire ou transparente, on apprenait que les projets retenus avaient été approuvés personnellement par le ministre Clement, notamment pour son comté, sans que les hauts fonctionnaires du ministère ne soient consultés et sans même que des liens avec les besoins du sommet n'aient été démontrés.

Ce rapport révélait entre autres que des montants de 1 300 000$ avaient été dépensés pour l'aménagement de trottoirs et d'un parc à 100 km de l'événement, 274 000$ pour la construction de toilettes publiques à 20km et 100 000$ pour un kiosque à une heure de route.

La tolérance des électeurs

Ce manque flagrant d'éthique ne semble toutefois pas altérer l'humeur des électeurs. Un sondage Léger du 12 mars dernier révélait ainsi que 40% des Canadiens accordent encore leur confiance au gouvernement Harper, qui est perçu comme « gérant bien les finances ». Cette tolérance s'explique-t-elle uniquement par le fait que les Conservateurs font face depuis plusieurs mois à une opposition décapitée?

Pourtant, une version préliminaire du rapport Fraser avait coulé pendant la campagne électorale, alors que les chefs Layton et Ignatieff étaient en selle. Les Canadiens ont préféré regarder ailleurs. Il est d'autre part futile de parler de la prétendue divergence entre les valeurs québécoises et canadiennes, puisque le NPD, le choix des Québécois aux dernières élections, a aussi été celui de la Colombie-Britannique et est alternativement le choix d'une province différente à chaque scrutin.

En dépit de ses accrocs à l'éthique et de sa tendance à blâmer les fonctionnaires pour ses décisions douteuses, Stephen Harper est manifestement parvenu à opposer la « corruption » des Libéraux à l'« utopisme » des Néo-démocrates pour transcender son château fort albertain et se donner l'image d'un gestionnaire prudent et rassurant, d'un bon chef de famille. Le sondage Harris-Décima du 4 avril, qui fait état d'une remontée néo-démocrate, est-il significatif ?

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