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Un dangereux réalignement des politiques de solidarité sociale

Si une personne refuse de suivre le programme Objectif emploi, le Ministère est prêt à couper jusqu’à 224 $ sur sa prestation.
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Adam Petto via Getty Images

Le comité d'experts chargé d'étudier la faisabilité d'un revenu minimum garanti (RMG) au Québec a déposé lundi un volumineux rapport qui recommande de renoncer à l'idée d'un RMG. En 23 recommandations, il propose plutôt d'améliorer le système de soutien du revenu déjà existant.

Dans cet esprit, le comité d'experts identifie des « principes à respecter, soit l'équité, l'incitation au travail et l'efficience ». Exit donc la lutte contre la pauvreté, la solidarité sociale et les droits humains, ces vieux principes éculés qui déplaisent tant au gouvernement.

Et pourquoi s'arrêter en si bon chemin? Après avoir redéfini les principes de la solidarité sociale, le comité recommande d'admettre une fois pour toutes qu'il est acceptable, au Québec, de laisser des personnes couvrir à peine un peu plus que la moitié des besoins de base reconnus.

Pour nous faire avaler cette couleuvre, le comité d'experts détourne le sens de la Mesure du panier de consommation (MPC) en stipulant que celle-ci représente un seuil de pauvreté. Partant de là, le comité propose d'établir un nouveau « seuil de référence » en deçà duquel le soutien du revenu ne devrait pas descendre. Ce seuil correspondrait à 55 % de la MPC, donc de ce qu'il faut pour couvrir les besoins de base reconnus.

N'en déplaise aux experts, les indicateurs sont accompagnés de sens et de définitions. La MPC n'est pas, comme ils le prétendent, un seuil de pauvreté. La MPC est, depuis 2009, LE point de repère au Québec pour déterminer le revenu nécessaire à la couverture des besoins de base reconnus (se loger, se nourrir, se vêtir et se déplacer).

Ne pas couvrir ces besoins de base, ça signifie être en état de survie.

Ne pas couvrir ces besoins de base, ça signifie être en état de survie. Ça veut dire sacrifier santé, dignité et espérance de vie. Et le comité d'experts recommande ni plus ni moins que de laisser dans cet état les personnes assistées sociales dites aptes au travail, prétextant ne pas vouloir miner l'incitation au travail.

Justement, depuis plus de deux ans, le ministre François Blais fait de l'incitation au travail un principe phare avec le programme Objectif emploi. Ce programme d'employabilité sera bientôt obligatoire pour toute personne faisant une première demande d'aide sociale. Si une personne refuse de suivre le programme, le Ministère est prêt à couper jusqu'à 224 $ sur sa prestation. Ce qui voudrait dire qu'une personne pourrait se retrouver avec 37 % de la couverture des besoins de base reconnus!

Malheureusement, le programme Objectif emploi, dont le règlement a été publié deux jours après le dépôt du rapport d'experts sur le RMG, n'était peut-être que la pointe de l'iceberg! Le rapport du trio d'experts semble être une invitation au gouvernement à poursuivre son dangereux réalignement des politiques de solidarité sociale.

Nous ne voyons là rien de bien encourageant à quelques jours du dévoilement du troisième plan d'action gouvernemental en matière de lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale. Le Québec a besoin d'un plan d'action audacieux visant l'élimination de la pauvreté. Voici les cinq pistes d'action suggérées au gouvernement par le Collectif pour un Québec sans pauvreté :

  • Rehausser les protections publiques pour assurer à tous et toutes un revenu au moins égal à la mesure du panier de consommation (MPC), soit 17 716 $ par année (2016) pour une personne seule;
  • Augmenter le salaire minimum à 15 $ l'heure (2016) afin qu'une personne seule travaillant 35 heures par semaine sorte de la pauvreté;
  • Améliorer de façon continue l'accès, sans discrimination, à des services publics universels et de qualité;
  • Réduire les inégalités socioéconomiques entre les plus pauvres et les plus riches;
  • Mettre en place une campagne sociétale visant à changer les mentalités et à contrer les mythes sur la pauvreté et les préjugés envers les personnes qui la vivent.
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