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Traumatisme craniocérébral: une nouvelle vie avec un «handicap invisible»

«Je ne savais pas comment je m’appelais, je ne me souvenais pas de mes enfants. J’ai dû tout réapprendre comme un petit bébé», confie Sylvie Marchand.
On ne guérit pas d'un traumatisme craniocérébral modéré ou sévère.
fizkes via Getty Images
On ne guérit pas d'un traumatisme craniocérébral modéré ou sévère.

Sylvie Marchand avait 27 ans, un emploi et trois enfants, dont un bébé de cinq mois, lorsqu’elle a été impliquée dans un accident de voiture, le 21 octobre 1989. Elle est restée plusieurs semaines dans le coma. Quand elle s’est réveillée, elle ne se souvenait de rien.

«Je ne savais pas comment je m’appelais, je ne me souvenais pas de mes enfants, raconte-t-elle. J’ai dû tout réapprendre comme un petit bébé.»

Au bout d’environ deux ans, elle est redevenue «fonctionnelle». Mais plus rien n’a jamais été pareil dans la vie de Sylvie. C’est qu’on ne se remet jamais totalement d’un traumatisme craniocérébral – un TCC, pour les intimes – sévère. Pourtant, Sylvie semble tout à fait normale. Mais elle n’a plus beaucoup de mémoire à court terme. Elle s’épuise rapidement. Elle peut répéter la même histoire plusieurs fois sans s’en rendre compte. Et elle n’a plus beaucoup de filtre. Elle souffre d’un «handicap invisible», le thème de la 16e Semaine québécoise du traumatisme craniocérébral, qui est actuellement en cours.

Chaque année, près de 5,5 millions de personnes dans le monde subissent un TCC sévère, selon le Regroupement des personnes traumatisées craniocérébrales du Québec. Et c’est sans compter les TCC légers (qu’on appelle plus communément «commotions cérébrales»), puisque les gens qui en sont victimes ne se rendent pas toujours dans un centre hospitalier. Il se peut donc très bien que vous côtoyiez sans le savoir quelqu’un qui a été victime d’un TCC, et que vous le trouviez un peu étrange à l’occasion. C’est ce que le regroupement a tenté de souligner, avec des capsules mettant en vedette des personnes vivant avec un TCC.

«Quand on m’a contacté pour être ambassadeur de cette semaine, j’étais assez néophyte en la matière, avoue l’animateur Maxime Charbonneau. Je me suis rendu compte que je croisais des gens qui avaient un TCC sans le savoir.»

L'animateur Maxime Charbonneau est l'ambassadeur de la Semaine québécoise du traumatisme craniocérébral, qui se tient jusqu'au 22 octobre.
Éric Myre
L'animateur Maxime Charbonneau est l'ambassadeur de la Semaine québécoise du traumatisme craniocérébral, qui se tient jusqu'au 22 octobre.

Les personnes vivant avec un TCC sont souvent victimes de préjugés. Si elles subissent une perte d’équilibre ou ont un petit problème d’élocution, on peut rapidement penser qu’elles sont ivres. Elle peuvent aussi révéler trop de détails concernant leur vie privée, s’énerver rapidement ou encore avoir besoin de pauses fréquentes, si elles travaillent encore.

Dans le cas de Sylvie, les conséquences de son TCC ont été assez draconiennes. Elle a dû cesser de travailler; un gros deuil, pour elle. Et son mari, à l’époque, s’est servi de son amnésie pour revenir dans sa vie, puisqu’elle voulait divorcer avant son accident. Elle a aussi perdu plusieurs amis, puisqu’elle n’était plus la même personne, selon eux. Elle a changé de quartier pour recommencer une nouvelle vie.

Sylvie Marchand vit avec un traumatisme craniocérébral depuis un accident de voiture, en 1989.
Courtoisie/Sylvie Marchand
Sylvie Marchand vit avec un traumatisme craniocérébral depuis un accident de voiture, en 1989.

«J’ai subi de la violence conjugale en plus de mon accident», explique-t-elle, ajoutant que cela lui a pris 21 ans avant de sortir de «sa prison».

Aujourd’hui, elle a repris contact avec son association régionale pour les personnes traumatisées craniocérébrales, ce qui lui permet d’échanger avec d’autres personnes qui vivent les mêmes choses qu’elles et de participer à une panoplie d’activités, en plus de faire du bénévolat.

«Il y a des jours où je me dis: ″pourquoi je ne travaille pas?″ confie-t-elle. Puis, je m’en demande un peu trop, j’en fais trop, et je me rappelle pourquoi.»

Sylvie doit tout noter, sinon, elle oublie. Elle souffre parfois d’aphasie, c’est-à-dire qu’elle peut avoir beaucoup de difficulté à trouver le mot qu’elle cherche, aussi simple soit-il. Lorsqu’elle raconte une histoire, elle sait que son interlocuteur doit être patient, parce que cela peut être long avant qu’elle arrive à la chute. Ou alors, il se peut qu’elle l’ait déjà racontée deux heures plus tôt.

«Des fois, je raconte quelque chose à un de mes garçons, et il me fait signe avec ses doigts: ça fait une, deux, trois ou quatre fois que je répète la même chose... Dans ce temps-là, je me fâche après moi», raconte-t-elle.

«Au moins, quand j’oublie quelque chose, je peux dire que ce n’est pas à cause de mon âge! ajoute-t-elle en riant. Ça me fait rire de voir quelqu’un de mon âge qui oublie quelque chose… Je lui dis: ″Ah mon dieu! Moi je connais ça depuis l’âge de 27 ans! Inquiète-toi pas, je suis avec toi!″»

Sylvie espère que cette campagne de sensibilisation permettra au grand public de prendre conscience de ce que vivent les personnes vivant avec un TCC. Parce que même si elle aime bien prendre les choses en riant, il y a certains jours où elle trouve ça moins drôle.

«Ça ne s’enlève pas avec une baguette magique»

«Il reste le TCC qui me suit toujours, souligne-t-elle. Ça ne s’enlève pas avec une baguette magique.»

«Quelqu’un que j’ai rencontré dans le cadre de cette campagne me disait que ça l’embête de raconter des histoires, parce qu’il sait que ça va lui prendre un temps fou pour arriver au punch, se désole Maxime Charbonneau. Il s’empêche de raconter des histoires qui lui sont arrivées ou des bonnes anecdotes, parce qu’il sait que la personne va se tanner...»

L’animateur croit que cette Semaine québécoise du traumatisme craniocérébral est l’occasion de prendre conscience de cette condition.

«Il faut les écouter, et il faut prendre le temps», estime-t-il.

La Semaine québécoise du traumatisme craniocérébral est en cours jusqu’au 22 octobre. Elle se clôturera avec la «Soirée Coup d’chapeau», ouverte à tous, au Monument national, à Montréal.

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