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«Tout le monde en parle»: témoignage bouleversant de Francine Ruel au sujet de son fils itinérant

«Il n’y a pas un parent qui est capable de dire ça en société, parce que c’est quelque chose qu’on n’avoue pas...»
Karine Dufour via Radio-Canada

Francine Ruel figurait parmi les invités de Tout le monde en parle, ce dimanche 29 septembre. La comédienne et écrivaine venait présenter son nouveau roman, Anna et l’enfant-vieillard, qui raconte la troublante histoire d’une mère qui tente de «faire le deuil» de son fils devenu itinérant.

Pour Francine Ruel, le terme «enfant-vieillard» désigne «un garçon qui a gardé cette espèce de fragilité qu’on a à 15 ou 16 ans, mais il a l’air d’un père Noël, parce qu’il a une barbe blanche, parce que la rue, c’est très dur, et ça vieillit les gens rapidement».

Le récit est inspiré de la propre histoire de l’auteure et de celle de son fils, Étienne Allard, qui vit dans la rue depuis maintenant quatre ans. Une situation dont Francine Ruel a évidemment eu beaucoup de mal à parler ouvertement.

«Il n’y a pas un parent qui est capable de dire ça en société, parce que c’est quelque chose qu’on n’avoue pas», a-t-elle expliqué.

En 1994, Étienne Allard, alors âgé de 18 ans, avait été blessé par balle dans une rue de Montréal alors qu’il embrassait son amoureuse (aussi blessée au moment de l’incident), ces derniers s’étant tout simplement retrouvés au mauvais endroit au mauvais moment. Une violente agression qui lui a laissé de graves séquelles.

Francine Ruel s’est sentie prête à écrire ce roman à la suite d’un échange avec une lectrice, où elle a subitement craqué, et décidé de dire ouvertement que son fils vivait dans la rue.

Une réalité qui avait fini par aliéner la principale intéressée, qui n’allait plus dans certaines soirées par crainte d’être confrontée aux histoires de ses amis et connaissances tournant autour des succès de leurs propres enfants.

Dans le noir

Francine Ruel a d’ailleurs avoué que son fils ne savait pas, au moment de l’enregistrement de l’émission, qu’elle avait écrit ce roman.

«J’ai toujours été en contact, depuis les quatre ans qu’il est dans la rue, mais là ça fait plus de six mois que je n’ai pas d’appel. Je sais pas où le rejoindre vraiment, c’est assez difficile. Encore lundi, j’ai fait des rues, des cafés, des endroits pour le retrouver. [...] Mais quand on sort de là, après, c’est tellement difficile qu’on ne le fait pas souvent», a-t-elle confié.

«Les gens me demandent beaucoup si j’ai écrit ce roman pour me soulager moi, pour m’enlever ma peine. La peine, elle ne partira jamais. Mais il y a moyen d’être capable de réentendre le rire dans ta gorge, de boire un verre de vin, d’échanger avec des gens, et de mettre ça un peu à l’arrière.»

«Je n’ai pas écrit ce roman pour moi, mais pour qu’il voit à quel point c’est un être fabuleux, gentil, généreux. [...] Il y a des gens qui perdent pied dans la vie. Ça arrive à tout le monde. On n’est jamais sur notre X à 100%. Je l’ai porté à bout de bras pendant des années, jusqu’à ce que j’ai eu peur d’en mourir à sa place.»

Francine Ruel dit avoir tiré la première phrase de son roman d’une de ses rencontres avec sa psychologue, à qui elle affirmait devoir «faire le deuil d’un enfant vivant», expliquant qu’elle consulte depuis deux ans pour tenter de comprendre qu’elle ne peut plus prendre de décisions à la place de son fils.

Une bouteille à la mer

L’auteure dit avoir reçu beaucoup de témoignages d’autres parents depuis la sortie du livre, parents dont la vie a aussi été chamboulée après que la communication eut subitement cessé avec leur progéniture. «On en meurt, les parents, de ça», a-t-elle ajouté.

«Est-ce que ce serait mieux si j’avais un enfant trisomique, autiste, paraplégique? Parce que ça, c’est acceptable, ce n’est pas de leur faute, ils sont malades. Il y a un nom de maladie. L’autre partie, ce sont ″des paresseux, des drogués, du monde qui ne veut pas s’en sortir″. Mais ce n’est pas nécessairement ça.»

Karine Dufour via Radio-Canada

Sa psychologue lui a d’ailleurs expliqué qu’elle devait redonner sa vie à son fils, et essayer de reprendre la sienne. Un conseil qu’elle réussit à appliquer certaines journées et qui, selon elle, demeure la seule façon de se sortir la tête de l’eau.

L’écrivaine souhaite évidemment que son fils lise son livre un jour, car c’est pour lui qu’elle l’a écrit.

«C’est un enfant touchant, hyper intelligent, d’une sensibilité formidable. Il y a des êtres doués sur terre, mais qui sont très sensibles, et qui ne sont pas capables de dealer avec la vie telle qu’elle est présentée.»

Guy A. Lepage a conclu en exprimant le souhait que son invitée reçoive prochainement un appel de son fils.

«Et ça lui appartient, s’il n’appelle pas, a aussitôt répondu Francine Ruel. C’est à lui. Je lui ai demandé qu’il prenne ses décisions, alors j’assume. J’assume...»

Tout le monde en parle est diffusée le dimanche à 20h, sur les ondes d’ICI Télé.

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