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Tinder: les femmes ont 25 fois plus de chances de «matcher» que les hommes

Selon une enquête publiée dans «Le Monde», l'application gagne de l'argent grâce à la frustration des hommes.
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Elle a testé pour vous Tinder quand on est un homme. Lui a fait la même chose en se créant un profil féminin. Résultat, le datajournaliste Nicolas Kayser-Bril a vite fermé son faux-compte: il se sentait harcelé. Quant à sa co-enquêtrice, la journaliste Judith Duportail, elle a remarqué avec surprise que du côté de son avatar masculin, il ne se passait rien. «Moi qui, dans ma vie de femme, avais souvent utilisé Tinder en quête de «match» pour booster mon ego, là, j’étais comme inexistante», écrit-elle dans leur enquête publiée ce vendredi 26 juillet dans Le Monde.

Après une vaste analyse de données, ils sont parvenus à un résultat frappant. Sur l’application de rencontre numéro 1 au monde, le taux moyen de match dans la quête d’une relation hétérosexuelle est de 50 % pour une femme, et celui d’un homme de… 2 %. Des chiffres sur lesquels Twitter n’a pas souhaité réagir.

D’un côté, les femmes sont sursollicitées, voire harcelées. Le cyberharcèlement - qui touche 73% des femmes, selon l’ONU - atteint des sommets sur les applis de rencontres. «Sur les applications de dating classique, chaque femme a reçu au moins un message agressif, violent, vulgaire», estime dans cette enquête Whitney Wolfe Herd, une ex-tête pensante de Tinder, unique femme de l’équipe dirigeante à son époque, qui a fondé le site de rencontre Bumble où seules les femmes peuvent entamer une conservation.

Bref, une femme qui «like» sur Tinder a toutes ses chances de se faire «liker» en retour, et pas toujours en finesse. Résultat: «elles savent qu’elles ne peuvent pas «matcher» à la légère car elles prennent un risque à chaque fois. Elles deviennent de plus en plus sévères dans leur jugement, avec très peu d’informations à leur disposition, ce qui les pousse à des jugements superficiels», analyse Joe Edelman, philosophe proche du Centre pour une technologie humaine.

De l’autre côté du téléphone, les hommes, eux, sont frustrés. «Tinder leur est vendu comme une manière d’obtenir l’attention des femmes (...) Alors quand l’application ne fonctionne pas de la manière attendue, ces hommes se sentent floués et peuvent devenir agressifs», explique dans Le Monde Mike Monteiro, auteur du livre Ruined by design.

Cette frustration est surtout la clé de la réussite de Tinder. Grâce à elle, les hommes sont incités à souscrire à Tinder Boost ou Tinder Gold, les options payantes de l’application.

«Tinder travaille avec des spécialistes du jeu vidéo pour savoir comment activer les mécanismes de frustration dans le cerveau des hommes. Quand ils ont identifié un profil susceptible de payer - un certain niveau de revenus, un certain niveau d’études, etc -, ils le rangent dans une catégorie où son profil apparaît moins. Une fois qu’il achète l’option, son profil est, selon son niveau d’attractivité, soit montré normalement, soit montré beaucoup plus», détaille Jean Meyer, PDG de l’application Once, que Match - la société mère de Tinder - a tenté d’avaler.

«Oui, c’est comme ça que ça marche!, confirme aux deux enquêteurs une ancienne employée d’une application de rencontre qui souhaite rester anonyme. Il y a davantage d’hommes sur l’application, et la majorité d’entre eux ne sont tout simplement pas montrés aux utilisateurs. Seuls les utilisateurs payants le sont. Les autres restent dans l’ombre, n’ont pas de «match», se disent que c’est de leur faute… ou de celle des femmes.»

Tinder est aujourd’hui l’appli de rencontre la plus rentable du monde et l’une des applications les plus rentables de l’Apple Store, avec près de 1,2 milliards de dollars canadiens de chiffre d’affaires en 2018.

Ce texte a été publié originalement dans le HuffPost France.

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