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«The Irishman»: Gangsters, phase finale

Film de mafieux par excellence, «The Irishman» donne aussi dans le drame intimiste bouleversant...
Netflix

Après avoir taclé Marvel et ses Avengers, Martin Scorsese revient, avec The Irishman, à ce qu’il sait faire de mieux : le bon vieux film de mafieux. «Du vrai cinéma» produit par Netflix qui offre à des légendes du genre, Robert De Niro, Al Pacino et Joe Pesci, l’occasion de faire leurs adieux à la pègre de la plus belle des manières.

Si le long-métrage d’Alfonso Cuarón, Roma, a triomphé aux Oscars l’année dernière, Netflix est bien parti pour refaire le même coup avec The Irishman en février prochain. En attendant, le géant du streaming affirme encore un peu plus son emprise sur le monde du cinéma. Pour présenter le nouveau chef-d’œuvre de Martin Scorsese au Festival du film de Los Cabos, Netflix a notamment vu les choses en grand en réquisitionnant le Pabellón Cultural de la República pour dérouler le tapis rouge à Robert De Niro, le génial interprète de Frank Sheeran, alias The Irishman.

Un budget de blockbuster

«Il y a énormément d’années de travail derrière ce film», a confié l’acteur de 76 ans, à peine débarqué sur le sol mexicain. De fait, Martin Scorsese a mis plus de 10 ans pour pouvoir adapter le bouquin de Charles Brandt I Heard You Paint Houses et dresser le portrait du tueur à gages Frank Sheeran qui a confessé l’assassinat de Jimmy Hoffa, leader syndicaliste lié à la pègre, disparu sans laisser de trace en 1975. Dès 2008, le réalisateur de Casino a engagé le scénariste de Gangs of New York, Steven Zaillian, pour s’attaquer à cette adaptation.

En 2016, alors que le projet traîne en longueur et que le budget du film n’en finit plus de grossir, Scorsese ne trouve plus personne pour financer The Irishman. Engagée au départ, la Paramount jette l’éponge. Jusqu’à ce que Netflix embarque à bord pour mettre près de 160 millions de dollars sur la table. Un budget pharaonique justifié en partie par le rajeunissement numérique dont ont bénéficié les trois acteurs septuagénaires du film (De Niro, Al Pacino et Joe Pesci), opération qui a nécessité à elle seule un an de travail.


De grands talents ressuscités

«C’est assez incroyable de se voir rajeunir à l’écran. J’ai l’impression que ma carrière va pouvoir encore durer 30 ans», a commenté avec un sourire, Robert De Niro. Si on pouvait légitimement craindre que ce recours au «de-aging» dénature le jeu des acteurs, au final, il n’en est rien ou presque. Exceptées quelques scènes un peu gênantes dans la première moitié du film (dont le flashback montrant Sheeran durant la seconde guerre mondiale), la technologie se fait, dans l’ensemble, plutôt discrète et n’altère en rien les performances de ces légendes vivantes que sont De Niro, Pacino et Pesci.

Le principal tour de force de Scorsese n’est pas d’avoir rajeuni ces acteurs dans une épopée mafieuse qui s’étale sur plusieurs décennies, mais plutôt d’avoir ressuscité de grands talents qu’on pensait ne plus jamais revoir au sommet de leur art. L’occasion aussi pour De Niro de retrouver Al Pacino (éblouissant dans la peau de Jimmy Hoffa) 24 ans après leur face à face d’anthologie dans Heat de Michael Mann, tout comme Joe Pesci (tout en sobriété dans le costume du mafieux Russell Bufalino), qu’il connaît bien pour l’avoir souvent côtoyé chez Scorsese, de Raging Bull à Casino en passant par Les affranchis.

La famille scorsesienne

Autre comédien fétiche de Martin Scorsese, le trop rare Harvey Keitel, vu dans Mean Streets et Taxi Driver, se joint à ce trio d’enfer pour interpréter le boss de la mafia de Philadelphie, Angelo Bruno. Pour compléter cette incroyable distribution, le réalisateur de The Irishman est aussi allé puiser du côté des séries télé, avec Bobby Cannavale et Stephen Graham, qui ont crevé l’écran dans la série Boardwalk Empire, dont l’épisode pilote avait été dirigé par Scorsese.

Bien entouré par sa «famille» comme il l’appelle, le cinéaste a aussi fait appel à Rodrigo Prieto, le chef opérateur mexicain avec qui il avait déjà travaillé sur Le loup de Wall Street et Silence. À Los Cabos, Robert de Niro n’a pas manqué de saluer le travail du talentueux directeur de la photographie. «Rodrigo a fait un boulot remarquable. Par sa vision des choses, il a incontestablement beaucoup apporté au film.»

Netflix

Exécutions sommaires et voitures piégées

Magnifiquement mis en image et porté par une bande son impeccable (chapeautée par le compositeur canadien Robbie Robertson), The Irishman est à n’en pas douter un grand film sur la mafia italo-américaine qui en respecte à merveille les codes, entre exécutions sommaires à bout portant et dialogues bourrés d’humour noir, d’allusions et de non-dits. Sans oublier des voitures piégées, du pain aux olives noires, des magouilles à la pelle et des dizaines de flingues jetés à la rivière.

Bref, il y a tout ce qu’on peut attendre d’un réalisateur qui nous a offert des sommets du genre avec Les affranchis et Casino. Mais il y a autre chose encore dans cette saga de 3h30 qui s’ouvre sur un plan-séquence typiquement scorsesien dans la maison de retraite où le vieux Frank Sheeran, guetté par la mort, passe aux aveux. Le plus long film jamais réalisé par Scorsese évoque de façon très touchante le thème de la vieillesse et du temps qui passe. Film de mafieux par excellence, The Irishman donne aussi dans le drame intimiste bouleversant quand le tueur à gages tente désespérément de renouer le contact avec sa fille qui ne lui parle plus depuis des années.

Un chef-d’œuvre à voir (aussi) au cinéma

Certes, tout n’est pas parfait dans le film. On pourra reprocher à Martin Scorsese certaines longueurs, ou d’avoir pris quelques libertés avec l’histoire (il n’a jamais été prouvé que Frank Sheeran avait réellement abattu Jimmy Hoffa). D’autres ont pu accuser le réalisateur new-yorkais d’avoir «trahi le cinéma» en pactisant avec Netflix. Reste que sans l’investissement conséquent de la plateforme, l’ambitieux projet de Scorsese n’aurait sans doute jamais pu voir le jour.

De leur côté, les amoureux du septième art pourront toujours voir le film sur grand écran avant son lancement sur Neflix, le 27 novembre. À Montréal, The Irishman a ainsi déjà pris l’affiche dans plusieurs salles, dont le Cinéma Moderne, la Cinémathèque québécoise et le cinéma Starz Langelier.

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