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Besoin de votre pharmacien en ce temps de crise? Aidez-nous à vous aider

Après cinq jours de travail consécutifs, je peux vous dire une chose: je suis épuisée.
Shot of shelves stocked with various medicinal products in a pharmacy
LaylaBird via Getty Images
Shot of shelves stocked with various medicinal products in a pharmacy

J’adore ma profession. Être en contact avec mes patients qui ont besoin d’aide rapidement est un plaisir pour moi. Pouvoir les appeler pour faire des suivis, leur demander de passer me voir à la pharmacie et les rassurer au sujet de leur santé. On développe assez vite une relation d’aide, une relation de confiance.

C’est de cette confiance dont il manque en cette période de pandémie. Plusieurs professionnels, ministres et spécialistes s’unissent pour tenter de passer des messages clairs. Il ne faut plus prendre cette crise à la légère.

Si vous faites confiance à votre pharmacien, médecin ou infirmière en temps normal, pourquoi ne pas lui faire confiance lorsqu’il vous dit que pour votre santé et celle des autres, il faut respecter les consignes émises par le gouvernement et ce, à tout prix?

Il me semble que des situations comme celle-ci devraient faire ressortir le meilleur de l’être humain: la solidarité, la patience et l’empathie envers les gens qui se démènent pour soigner leurs pairs. J’ai des patients souriants qui sont compréhensifs, qui respectent nos consignes et même qui nous remercient des mesures préventives mises en place jour après jour. Ces patients, je les remercie du fond du cœur. Mais malheureusement, je vous assure que depuis une semaine, je vois plus de «pire» que de «meilleur» dans les pharmacies du Québec.

Après cinq jours de travail consécutifs, je peux vous dire une chose: je suis épuisée. Épuisée d’avoir à expliquer, justifier, éduquer et gérer la population qui ne collabore pas tout le temps. Impatience, incompréhension, impolitesse, «name it»! Ainsi, je n’ai d’autre choix que de mettre par écrit toutes les choses qui m’ont choquée et qui ont alourdi mon devoir de vous aider, afin que mes collègues et moi survivions aux semaines à venir.

“Devoir lever le ton pour mettre fin à la discussion, ça ne me ressemble pas. Et pourtant, mes assistantes techniques et moi avons à le faire plusieurs fois par jour ces derniers temps.”

Je ne comprends pas comment, à ce jour, la violence verbale peut faire partie de mon quotidien.

Des patients qui s’offusquent lorsque je leur demande gentiment de s’éloigner du comptoir (je veux dire, quand la personne est tellement penchée vers moi qu’elle est pratiquement DANS mon laboratoire, il y a un problème).

Des «Seigneur!», suivis d’un soupir très audible lorsqu’on leur demande de payer par carte de crédit plutôt qu’en argent comptant.

Des enragés qui disent ne pas vouloir attendre pour leur conseil parce que je suis déjà occupée avec un autre patient, alors que la surcharge de travail est assez apparente. Jamais je ne deviendrai insensible à de tels comportements, car aucune circonstance ne justifie ces derniers.

Je ne comprends pas comment, à ce jour, les mesures de prévention ne sont pas respectées. J’essaie encore de convaincre mes patients de rester chez eux, qu’ils soient symptomatiques ou non, pour leur bien et pour le nôtre. Devoir lever le ton pour mettre fin à la discussion, ça ne me ressemble pas. Et pourtant, mes assistantes techniques et moi avons à le faire plusieurs fois par jour ces derniers temps.

Je ne comprends pas comment, à ce jour, les gens peuvent mentir aux professionnels de la santé qui tentent de les protéger quant à leur provenance de l’étranger, et ce, juste pour se procurer des choses absolument non essentielles.

Vous vous dites sûrement que comme vous n’avez pas de symptômes et que vous entrez deux minutes, vous n’êtes pas un danger ambulant. FAUX. Tout déplacement qui n’est pas une question de vie ou de mort expose toute personne autour de vous à un risque supplémentaire. Si vous êtes en quarantaine, même si vous vous sentez «top shape», je vous supplie d’envoyer quelqu’un faire vos commissions essentielles à votre place. Ce n’est pas le temps de jouer avec le feu.

D’ailleurs, parlons-en du mot «essentiel». Je crois que beaucoup de gens ont une mauvaise conception de ce qui est essentiel. Moi, j’aimerais vous dire ce qui ne l’est PAS:

- Venir chercher votre reçu d’impôt. Au cas où vous ne le sauriez pas, les impôts sont reportés. Ben oui, comme l’Halloween 2019!

- Demander conseil au comptoir de la pharmacie. Je ne dis pas que traiter la constipation de votre bébé n’est pas essentiel, mais votre présence sur place ne l’est pas. Tout peut se faire par téléphone et nous pouvons même vous livrer la médication que nous conseillons. Moins nous avons de gens en pharmacie, plus nous avons de chance de ne pas tomber au combat.

- Venir chercher du mascara ou du bain moussant juste parce que ça vous tente, au dépend de la santé des autres. Vous ne savez pas quoi faire de votre quarantaine et la pharmacie est le seul commerce d’ouvert? Bouhou. Vous avez le luxe de pouvoir vous poser ces questions tandis que d’autres travaillent pendant que le bateau coule.

- Venir déposer sa prescription d’antibiotique pour sa bronchite et rester dans la salle d’attente. Non! C’est un gros non. Donnez-la à quelqu’un qui viendra la déposer et sortira, et nous la rappellerons quand le tout est prêt. Limitons la circulation de TOUS les microbes.

“Nous sommes stressés, angoissés, brûlés, sur le bord de craquer. J’en fais des cauchemars la nuit. Sans blague.”

Toutes les situations ci-dessus sont un énorme manque de respect à mes yeux. Manque de respect envers les règles, envers vous-même et envers nous, les travailleurs des services essentiels.

Savez-vous comment cela nous fait sentir, alors que tout le monde a la chance, le privilège de pouvoir s’isoler afin d’éviter la propagation du virus et de s’en protéger? Nous sommes stressés, angoissés, brûlés, sur le bord de craquer. J’en fais des cauchemars la nuit. Sans blague.

Nous, professionnels de la santé, sommes des soldats appelés à la guerre. Oui, nous le savions en choisissant notre profession. Oui, il nous fait plaisir de vous aider malgré les circonstances. Mais nous sommes vulnérables par notre exposition forcée. Nous ne pouvons pas totalement nous protéger. C’est donc à vous de le faire pour nous. Par solidarité.

Ce que je vous demande aujourd’hui est bien simple, chers Québécois. Vous avez besoin d’un conseil? Appelez-nous, c’est gratuit. Vous avez besoin de médicaments? Demandez une livraison, c’est gratuit.

Nous sommes toujours là pour vous aider. Mais aidez-nous à vous aider. Restez chez vous, respectez les consignes à la lettre et surtout, faites-nous confiance. C’est tout ce que je vous demande.

C’est la moindre des choses, non?

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