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Son bébé est accidentellement mort de faim: voici ce que cette mère veut que vous sachiez

Le fils de Jillian Jonhson, Landon, est mort à l'âge de 19 jours. Voici son histoire.
Jillian Johnson et ses deux filles
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Jillian Johnson et ses deux filles

En 2012, Jillian Johnson s’est rendue à l’hôpital pour accoucher de son premier enfant, un garçon qu’elle et son mari – son amoureux depuis l’école secondaire – ont appelé Landon.

Dix-neuf jours plus tard, Landon était mort.

Le cerveau du bébé était lourdement endommagé, à cause d’un arrêt cardiaque, d’un manque d’oxygène et d’une déshydratation.

Bien que le petit Landon ait passé des heures au sein de sa maman, et que, selon elle, de nombreuses infirmières et consultantes en lactation lui aient assuré que la prise du bébé était excellente, le nouveau-né est effectivement mort de faim.

«Et si je lui avais donné un biberon?» s’était désolée Jillian Johnson, dans un billet de blogue publié en 2017 sur le site de la Fondation Fed Is Best. Son article, devenu viral, avait alors fait les manchettes de nombreux médias aux États-Unis, comme le quotidien Washington Post et le magazine People.

L’Américaine est ensuite devenue porte-parole de cet organisme, qui prône l’alimentation sécuritaire pour les bébés, et lutte contre ce qu’il appelle «la pression de l’allaitement exclusif à tout prix» (et qui a aussi été l’objet de critiques). Elle est aussi une fervente détractrice de l’Initiative des hôpitaux amis des bébés, un programme en place dans plus de 500 hôpitaux aux États-Unis (et qui existe également au Québec) qui prône l’allaitement. Les hôpitaux qui y adhèrent doivent respecter dix conditions, dont: ne pas offrir à un bébé naissant des breuvages ou de la nourriture autres que du lait maternel, à moins d’un avis médical. Cette stratégie mondiale a été lancée en 1991 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF).

Jillian Johnson précise toutefois qu’elle n’est pas antiallaitement. Elle continue de partager son histoire et celle de Landon parce qu’elle ne veut pas que personne n’ait à subir la tragédie qu’elle a vécue, alors qu’elle ne produisait pas assez de lait. La maman a d’ailleurs eu deux autres enfants, qu’elle a nourris avec une combinaison de formule et de lait maternel. Elle s’est fait confirmer qu’elle faisait de l’insuffisance glandulaire.

Le HuffPost États-Unis a joint Jillian Johnson pour discuter de l’histoire de son fils, et du combat qu’elle mène depuis.

Landon était votre premier bébé. Comment entrevoyiez-vous votre nouveau rôle de maman, à l’époque?

J’ai eu une très belle grossesse. Nous avons pris tous les cours que nous pouvions, et, honnêtement, je me sentais très bien préparée à ce rôle de nouveau parent. Tout ce que j’avais appris m’avait poussée à choisir un hôpital «ami des bébé» pour mon accouchement. Mon mari et moi avions entendu tellement de choses à propos des bienfaits de l’allaitement exclusif (en anglais: «breast is best») et du peau-à-peau. Mais force est de constater que ça ne s’est pas bien passé.

Qu’est-ce qui s’est passé à l’hôpital?

J’ai dû avoir une césarienne, ce qui veut dire que j’ai été sous médication, et ça m’a rentré dedans. J’étais épuisée. Puisque c’était un hôpital «ami des bébés», Landon était dans ma chambre avec moi. Et il n’a pas beaucoup dormi. S’il n’était pas à mon sein, il pleurait.

Il y a certains moments pendant mon séjour à l’hôpital pendant lesquels je me demandais: «Mon Dieu, est-ce que c’est normal? Pourquoi pleure-t-il autant?»

Mais on me disait qu’il faisait des tétées groupées, que c’était pour cela qu’il passait autant de temps au sein. Et on me disait de le laisser là: le personnel croyait que le colostrum qu’il ingérait était suffisant.

Et en fait, quand il était au sein, il arrêtait effectivement de pleurer parce qu’il travaillait fort pour tenter d’obtenir du lait. Ce que j’ai appris par la suite, c’est qu’il travaillait si fort pour faire sortir du lait que cela lui faisait brûler encore plus de calories.

Personne ne semblait inquiet du fait qu’il n’arrivait pas à boire assez de lait?

On vérifiait le contenu de ses couches à l’hôpital, on comptait ses pipis et ses selles, comme on est supposé le faire, et ça semblait normal. [NDLR: la recherche a démontré que le décompte du contenu des couches n’est pas nécessairement le meilleur moyen de mesurer la quantité de lait ingérée.]

Certes, il perdait du poids pendant notre séjour à l’hôpital. Mais on considère qu’on doit «lever un drapeau rouge» lorsqu’un bébé perd 10% de son poids. Et Landon avait perdu 9,7% de son poids. Alors ça n’a pas été vu comme alarmant, parce que c’était en dessous du marqueur du 10%. [NDLR: Il est tout à fait normal pour un bébé de perdre du poids pendant les premiers jours suivant la naissance.]

Après avoir été maintenu artificiellement en vie pendant quelques semaines, Landon a été débranché alors qu'il n'avait pas encore un mois.
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Après avoir été maintenu artificiellement en vie pendant quelques semaines, Landon a été débranché alors qu'il n'avait pas encore un mois.

Vous êtes donc retournés à la maison deux jours et demi après sa naissance...

Lors de notre première nuit à la maison – nous étions revenus depuis à peine 12 heures –, je l’ai trouvé en arrêt respiratoire. Il était bleu. Mon mari a commencé à lui faire les manœuvres de réanimation. Beaucoup de choses sont encore floues pour moi, mais je sais que ç‘a pris six doses d’épinéphrine avant que son cœur ne se remette à battre. Il a été emmené d’urgence à l’hôpital et il était tellement déshydraté qu’ils ont dû lui administrer du liquide à travers les jambes.

Et il a été transféré à l’unité de soins intensifs néonatals?

Landon a été maintenu en vie artificiellement pendant quelques semaines. Il était parfait. Il était magnifique. La seule partie de son corps qui ne fonctionnait pas était son tronc cérébral.

Nous avons fini par le débrancher alors qu’il avait 19 jours. Lorsque le tronc cérébral meurt, tout se met à mourir dans le crâne. Ç’a été notre signal qu’il était temps de le laisser partir.

Une autopsie a ensuite été pratiquée sur son corps. Qu’est-ce qu’elle a révélé?

Nous avons eu les résultats environ six à huit mois après la mort de Landon. L’autopsie a révélé qu’il avait fait un arrêt cardiaque, causé par la déshydratation.

Vous avez beaucoup partagé votre histoire. Quelle a été la réaction du public?

J’ai appris que je ne pouvais pas lire les commentaires, parce qu’il y a encore beaucoup de personnes qui sont pro-allaitement et antiformule. Je dis toujours que je ne suis pas anti quoi que ce soit. J’ai deux filles en bonne santé; elles ont été nourries à 99% avec de la formule (j’ai allaité et complémenté) et elles se portent bien. Elles vont mieux que bien, en fait. Mais je ne suis pas contre l’allaitement. Je suis pour l’éducation.

“Oui, c'était mon premier enfant. Et oui, les médecins et les infirmières auraient dû m'aider à voir les signes. Mais pour moi, ça reste le pire échec imaginable.”

Cela m’a pris du temps avant d’être capable de dire la vérité à quiconque à propos de ce qui s’était passé. J’ai commencé par le dire à seulement quelques personnes. Je veux dire, à quel point c’est horrible à dire et à entendre? «Comment ton enfant est-il mort?» «Oh, il est mort de faim parce que je ne lui ai pas donné de biberon.» C’était dur d’admettre que mon enfant était mort parce que je m’étais trompée. Oui, c’était mon premier enfant. Et oui, les médecins et les infirmières auraient dû m’aider à voir les signes. Mais pour moi, ça reste le pire échec imaginable.

Avez-vous envisagé de lui donner un biberon, quand vous étiez à l’hôpital?

Honnêtement, mon mari ne s’est pas remis de la mort de Landon. Quelques fois par année, il me dit encore qu’il a envisagé lui donner un biberon, mais qu’il ne voulait pas faire quelque chose de mal pour son bébé. Nous avions été endoctrinés, nous nous étions tellement fait dire: «vous ne devez pas donner de formule à votre bébé».

Nous étions tellement épuisés lorsque nous sommes rentrés à la maison que nous n’avons pas remarqué les signes de sa faim. Il pleurait... – et c’est toujours une chose horrible à dire pour moi, ça me rend malade – de ce pleur désespéré que les bébés peuvent avoir lorsque c’est en fait à peu près leur dernier pleur.

Mais nous faisions tout ce que nous avaient appris les livres et les infirmières, alors nous pensions que c’était normal. Nous pensions juste que les nouveaux-nés pleuraient beaucoup.

Les filles de Jillian Johnson, honorant leur frère.
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Les filles de Jillian Johnson, honorant leur frère.

Quelle serait l’expérience idéale, selon vous, que les nouvelles mamans devraient avoir à l’hôpital?

J’ai deux filles, aujourd’hui, et quand elles sont nées, littéralement au moment où elles sont sorties, mon obstétricien est venu expliquer aux infirmières ce qui m’était arrivé. «Je ne veux pas que le sujet de l’allaitement cause de problème. Si elle veut donner de la formule à son bébé, vous la laissez faire», leur a-t-il dit. Parce que l’hôpital où j’ai accouché venait de commencer le processus pour devenir un «ami des bébés».

Je crois seulement que ce doit être personnalisé, selon ce dont chaque maman et chaque bébé ont besoin. Comment pouvons-nous les aider? Ça devrait être ça, l’approche. Il y a tellement de techniques que les hôpitaux pourraient utiliser pour que l’allaitement fonctionne mieux, au lieu d’imposer des protocoles rigides. Je crois que c’est ce qui me fait peur.

Votre expérience avec Landon est tragique... Que voulez-vous que les autres parents ou les futurs parents sachent?

Le plus important, je crois, c’est que vous êtes le plus grand défenseur de votre bébé. N’hésitez pas à demander que certaines choses soient vérifiées, et n’ayez pas peur de soulever des inquiétudes que vous avez.

Assurez-vous d’avoir des gens qui vous soutiennent, autour de vous, que ce soit votre partenaire, votre mère ou un(e) ami(e). Le plus important, c’est d’avoir un bébé en santé et bien nourri, et que ce bébé ait des parents sains d’esprit.

Cette conversation a été raccourcie et condensée.

Ce texte initialement publié sur le HuffPost États-Unis a été traduit de l’anglais.

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