Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Arrêtez de rire de la taille d'un pénis, c'est un vrai complexe

Ce trouble psychologique, qui va au-delà du complexe de taille, affecterait de nombreuses facettes de la vie des homme et porte un nom: dysmorphophobie pénienne.
"Personne ne veut un pénis dont on se dit: ‘Ouais, bon, ça fera l’affaire’."
HuffPost Illustration/Getty Images
"Personne ne veut un pénis dont on se dit: ‘Ouais, bon, ça fera l’affaire’."

SANTÉ - Steven, soudeur trentenaire originaire de Los Angeles, a un pénis parfaitement normal. D’ailleurs, selon une récente étude qui estime la longueur moyenne d’un pénis en érection à 13,11 centimètres, il est même légèrement avantagé.

Toutefois, durant son adolescence et jusqu’au début de la vingtaine, il souffrait de ce qu’il appelle des “problèmes de pénis”.

“Je me suis toujours cru dans la moyenne basse et, quand on me disait le contraire, j’y voyais un effort pour me réconforter ou me manipuler”, confie-t-il.

Le reste de son physique lui convenait: il allait régulièrement à la salle de sport et on le disait beau garçon. Pourtant, rien de tout ceci ne comptait à ses yeux. Selon les standards pornographiques absorbés au fil des années sur internet, il était persuadé de ne pas faire le poids.

“Quand on a grandi à l’âge d’internet, où le porno est si facile d’accès, on finit par avoir le sentiment que tous les autres se baladent avec un pénis énorme”, explique-t-il.

Cette façon de penser a lourdement affecté sa vie sexuelle.

“Il n’en faut pas plus pour s’imaginer – à tort – que la fille avec laquelle on a couché vous présentera ensuite comme la seule petite queue parmi toutes ses conquêtes, ou qu’elle dira à son prochain amant à quel point il est plus gros que vous”, ajoute-t-il.

La comparaison est un tue-l’amour, surtout en matière de taille de pénis. À l’époque, Steven souffrait de ce que les sexologues qualifient de dysmorphophobie pénienne.

Il n’y a aucune entrée pour cette pathologie dans le Diagnostic and Statistical Manual que les psychiatres et psychologues consultent afin de poser leur diagnostic. Ce trouble est présenté comme une sous-catégorie de la dysmorphophobie corporelle qui se concentre sur le pénis.

La dysmorphophobie pénienne ne se résume pas un simple complexe de taille, déclare Stephen Snyder, sexologue et présentateur du podcast Relationship Doctor.

Tout comme dans le cas d’un trouble corporel général, les hommes se préoccupent tellement de leurs défauts ou tares perçues – ici, la taille – que leur obsession crée un véritable mal-être, entraînant parfois des comportements asociaux.

“Ces hommes ont tendance à se mesurer de façon compulsive et répétée, éviter les relations amoureuses et pratiquer des pseudo-techniques d’allongement vantées sur internet, voire à se tourner vers la chirurgie”, rapporte le sexologue au HuffPost.

À l’instar de la dysmorphophobie corporelle générale, il importe peu que la différence de taille soit insignifiante ou indétectable. Cette affection peut toucher tout le monde: les bien bâtis, les normaux, les moins bien bâtis, avec de grosses érections ou des petites. Une étude menée par le British Journal of Urology tend d’ailleurs à montrer que la plupart de ceux qui optent pour la chirurgie d’allongement du pénis ont un organe génital de taille normale.

“Une fille m’a répondu par texto: ‘Ouahouh! Elle est énorme !’ Beaucoup l’auraient pris comme un compliment mais j’ai eu, encore une fois, l’impression qu’on me mentait.”

- Steven, 30 ans

“Il est difficile d’évaluer la proportion de réels cas de dysmorphophobie pénienne, car ceux qui en souffrent ne vont le plus souvent pas consulter de professionnels de santé mentale”, ajoute-t-il. “On sait que l’on en est atteint à l’aune des souffrances ressenties, ou si notre vie en est impactée et que l’on est sujet à des comportements inappropriés, comme la propension à fuir toute relation amoureuse ou le besoin compulsif de se mesurer.”

La bonne nouvelle? Dans une étude récente menée sur des Américains, 85,9% des hommes rapportent être plus ou moins satisfaits de leurs organes génitaux. Néanmoins, quand on souffre de dysmorphophobie pénienne, la taille importe beaucoup: on n’est justement jamais satisfait, et tous les potentiels retours positifs sont, par principe, ignorés.

“Une fille que je fréquentais m’a demandé de lui envoyer une photo et elle m’a répondu par texto: ‘Ouahouh! Elle est énorme !’ Beaucoup l’auraient pris comme un compliment mais j’ai eu, encore une fois, l’impression qu’on me mentait.”

L’influence de la pornographie dans la dysmorphophobie pénienne

Milkos via Getty Images

Cette affection trouve en partie son origine dans le fait que les attentes masculines sont conditionnées par la pornographie, où les acteurs bien membrés – des exceptions statistiques, en somme – sont la norme.

Dans son livre, The Penis Book: A Doctor’s Complete Guide to the Penis, l’urologue Aaron Spitz déclare qu’environ 40% des patients en urologie venus pour une chirurgie d’allongement du pénis doivent leur complexe au contenu pornographique qu’ils ont regardé, alors que la taille de leur membre est tout à fait normale.

“Le gros problème du porno, c’est que même si la plupart des hommes savent que ça n’a rien de réel rares sont ceux qui ont un autre cadre de référence”, explique le Dr Spitz. ”À moins d’être urologue comme moi, un hétérosexuel aura très peu conscience de la variété de tailles et de formes existantes.”

Même les stars du porno sont surprises de ce qu’elles découvrent dans la réalité, comparé à ce qui est diffusé sur PornHub.

“Dans ce milieu, la longueur moyenne du pénis se situe souvent entre 20 et 23 centimètres”, déclarait Theo Fort, acteur de films pour adultes, dans une interview pour le HuffPost en avril. “Curieusement, c’est un élément que j’oublie souvent et je suis presque surpris de rencontrer un gars avec un sexe de taille moyenne.”

“Même moi, je pourrais potentiellement me sentir défavorisé”, admet-il. “J’ignore ce que nos spectateurs masculins pensent d’eux-mêmes à force de voir des types toujours bien membrés, mais j’espère qu’ils savent que la pornographie n’est qu’un fantasme.”

“Je pense que je suis resté vierge si longtemps parce que j’ai laissé ma dysmorphophobie me consumer. J’étais défaitiste.”

- Luke, 24 ans

La pression engendrée par les standards du porno affecte certaines personnes plus durement que d’autres. Étant donné la popularité de la catégorie BBC (“big black cocks” ou “grosses bites noires”) sur les sites pornographiques, les Noirs se débattent tout particulièrement avec les complexes de taille. Les conversations sur Reddit relatives à la taille du sexe sont souvent alimentées par des hommes de couleur qui déplorent l’image que le porno dépeint d’eux: les proportions exagérées de leurs organes génitaux et la perception répugnante, hautement stéréotypée de leur sexualité qu’entretient ce milieu.

Adolescent noir à South Bend, dans l’Indiana, Luke, aujourd’hui âgé de 24 ans, estime que sa dysmorphophobie pénienne allait de pair avec son addiction à la pornographie.

“Tout le mythe des BBC a créé un profond malaise chez moi, au point que j’ai fini par me dire que, si les femmes s’attendaient à des merveilles, je ne ferais que les décevoir. Dans ce cas, autant ne pas me placer dans des situations susceptibles de créer de la déception”, raconte-t-il.

Rongé d’angoisse à cause de sa taille, il est resté vierge jusqu’à il y a quelques mois.

“Mon pénis mesure un peu plus de 17 centimètres mais, avec tout le porno que j’ai regardé, je me croyais – au mieux – dans la moyenne et définitivement petit pour un Noir”, dit-il. “Je pense que je suis resté vierge si longtemps parce que j’ai laissé ma dysmorphophobie me consumer. J’étais défaitiste.”

Comment gérer sa dysmorphophobie pénienne sans passer sur le billot

themacx via Getty Images

Aaron Spitz conseille de parler à un médecin ou un thérapeute avant d’avoir recours à toute opération chirurgicale. En général, tant que le corps est sain et fonctionnel, il n’y a aucune raison de s’inquiéter de dimensions que l’on ne contrôle pas.

“Acceptez votre corps tel qu’il est, prenez-en soin autant que possible. Profitez-en et, par la même occasion, faites-en profiter quelqu’un d’autre”, déclare-t-il.

Se mesurer à longueur de journée n’aide pas non plus.

“Les mesures et l’auto-examen compulsifs ont tendance à accroître l’anxiété”, reprend Stephen Snyder. “Il est important de limiter ces vérifications obsessionnelles.”

Si vous n’envisagez pas la chirurgie mais que vous évitez activement les relations amoureuses ou que vous vous mesurez ans arrêt (les deux principaux symptômes de la dysmorphophobie), il peut être intéressant d’en discuter avec un thérapeute ou un spécialiste.

Luke et Steven disent tous deux avoir tourné la page de leur abstinence sexuelle. La taille les obsède moins. Parler de leur dysmorphophobie sur Reddit avec ceux qui ont traversé la même épreuve les a aidés, autant que d’envisager la pornographie d’un œil plus réaliste et, parfois, d’en réduire la consommation.

“Un homme aura forcément envie d’une réaction digne d’un film porno. (…) Personne ne veut un pénis dont on se dit: ‘Ouais, bon, ça fera l’affaire’. Mais renseignez-vous et prenez conscience du degré d’exagération de la pornographie”, conseille Steven.

Ce qui aide le plus, ajoute-t-il, c’est de sortir avec de vraies personnes.

Dans la réalité, a-t-il compris, la plupart des femmes accordent beaucoup moins d’importance à la longueur du pénis que les hommes. D’ailleurs, si les femmes s’intéressent à une chose, c’est à la circonférence, puisqu’un pénis plus large stimule davantage la structure clitoridienne. Bien entendu, il existe aussi d’autres façons de donner du plaisir à une femme: travaillez également votre dextérité et votre agilité linguale.

Cela vaut bien évidemment aussi pour les hommes queer. Oui, certains expriment tout haut leurs préférences (“Plus c’est gros, plus c’est bon”), mais tous les hommes ne cherchent pas les mêmes partenaires ou pratiques sexuels.

Aujourd’hui, Steven sait que l’on veut en général partager son lit avec quelqu’un de bien, quelle que soit la taille de son sexe.

“Il faut surtout susciter du désir chez l’autre”, dit-il. “La première préoccupation ne doit pas être la longueur de son pénis ou le nombre de centimètres au-dessus de la moyenne mais la soirée avec la personne, la gentillesse, le charme, l’humour, le plaisir et la sincérité.”

Luke l’a compris, lui aussi.

“J’ai fini par me rendre compte que j’avais davantage à apporter dans une relation que la taille de mon sexe, qu’il soit gros ou petit”, estime-t-il. “Ma taille n’a pas d’importance si je suis bête comme mes pieds.”

Cet article, publié sur le HuffPost américain, a été traduit par Mathilde Montier pour Fast ForWord.

Before You Go

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.