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Les symptômes du coronavirus sont banals et c'est bien ça le problème

Fièvre et toux sont des symptômes assez classiques, même chez les personnes gravement atteintes. De quoi compliquer la tâche des autorités de santé qui cherchent à endiguer l'épidémie.
Les symptômes du coronavirus sont banals et c'est bien ça le problème
Motortion via Getty Images
Les symptômes du coronavirus sont banals et c'est bien ça le problème

Les craintes se font grandissantes concernant le coronavirus. L’Italie, est devenu l’un des principaux nouveaux foyers d’infection. Dans le nord du pays, 229 personnes atteintes de Covid-19 ont en effet été diagnostiquées.

Ce qui n’est pas si simple: les effets de ce coronavirus, en dehors des complications graves qui ont entraîné la mort d’au moins 2600 personnes, sont très classiques. Il y a donc énormément de chances, à symptômes égaux, d’être atteint d’un mal très courant. C’est pourquoi il est nécessaire de réaliser un test particulier pour dépister le virus Covid-19. De quoi compliquer la tâche des institutions de santé, qui s’interrogent pas ailleurs sur... l’absence de symptômes.

Symptômes (trop) courants

“Les symptômes principaux sont la fièvre ainsi que d’autres manifestations respiratoires, comme la toux par exemple”, explique au HuffPost Olivier Terrier, chercheur CNRS et Inserm au Centre international de recherche en infectiologie à Paris.

Problème: “ces symptômes sont similaires à ceux qu’on observe généralement pour une grippe ou d’autres infections respiratoires, il n’y a pas de symptômes connus pour être spécifiques à une infection par le Covid-19”, précise-t-il.

Une étude publiée dans le Lancet le 30 janvier a examiné en détail l’état de santé de 99 Chinois parmi les premiers touchés par le coronavirus. C’est l’analyse la plus complète publiée dans une revue scientifique actuellement, mais elle se concentre certainement sur les cas les plus graves, nécessitant une hospitalisation.

Le résultat est plutôt conforme à ce que l’on attend: 83% des patients avaient de la fièvre et 82% toussaient. 31% avaient du mal à respirer, et environ un sur dix a signalé des douleurs musculaires, de la confusion ou des maux de tête.

“Des cas de détresse respiratoires et d’insuffisance rénale ont été décrits dans les cas les plus graves, ce sont des symptômes que l’on rencontre également dans les formes graves d’autres infections”, explique Olivier Terrier.

Les cas “doux” à double tranchant

Si les cas graves sont plutôt répertoriés, la grande incertitude concerne justement les patients pour lesquels le coronavirus Covid-19 a un effet moins fort. “Les données indiquent qu’il existerait beaucoup de formes plus légères de l’infection, avec des symptômes moindres”, précise Olivier Terrier.

Tout cela est encore embryonnaire et il faudra attendre quelques jours ou semaines pour avoir plus d’informations. Mais si cela se confirme, il y a deux conséquences. La première est positive: le taux de mortalité temporaire qui est régulièrement communiqué, situé entre 3% et 2%, pourrait drastiquement baisser.

Car qui dit cas légers dit pas de passage à l’hôpital ou au médecin. Et donc cas indétectés. Ainsi, dans une étude publiée le 31 janvier dans Lancet, des chercheurs estiment que 75.815 personnes étaient infectées par le coronavirus le 25 janvier. À cette date, l’OMS avait confirmé 41 morts pour 1320 cas, soit un taux de mortalité de 3,1%. Mais s’il y avait finalement 75.815 contaminés, le taux de mortalité serait de 0,05%.

Attention à ne pas crier victoire trop vite: si le nombre de cas est sous-estimé, le nombre de décès pourrait l’être également. De manière générale, il est très difficile d’estimer le taux de mortalité d’une maladie infectieuse.

Il y a évidemment un revers à la médaille. Si des personnes sont touchées par le virus, mais ne sont pas très malades, elles risquent alors de plus facilement répandre le coronavirus.

Interrogé par Stat, Mike Ryan, directeur du programme d’urgences sanitaires à l’OMS, rappelle qu’un “virus relativement bénin peut causer plus de dégâts, car plus de personnes pourraient l’attraper”.

Le risque asymptomatique

Exemple: si l’épidémie de Sras a été enrayée relativement vite, malgré un retard à l’allumage du gouvernement chinois, c’est justement car les malades étaient visibles et bien encadrés, car ils avaient tous des symptômes assez importants. “La détection et l’isolement de tels cas [peu symptomatiques, NDLR] représenteront un défi majeur”, estiment-ils.

Dans une analyse, des chercheurs de l’Imperial College de Londres rappellent que ces cas de personnes infectieuses, mais avec des symptômes légers, n’existaient pas vraiment lors de l’épidémie du coronavirus Sras, venu lui aussi de Chine en 2003.

Et il y a une autre possibilité qui fait craindre que les mesures de quarantaine et de vérification aux frontières ne soient pas efficaces: certains patients pourraient être contagieux tout en étant totalement asymptomatiques.

La communauté scientifique s’est demandé si ce type de transmission n’était pas prouvé le 30 janvier, quand le New England Journal of Medicine a publié une étude évoquant une transmission du coronavirus Covid-19 après un contact asymptomatique. En clair: une femme chinoise serait venue en Allemagne et aurait participé à une réunion avec un Allemand alors qu’elle ne présentait pas de symptômes. Une fois dans l’avion seulement, elle se serait sentie malade. Quelques jours après, l’Allemand avec qui elle avait eu une réunion a été testé positif au nouveau coronavirus, de même que deux personnes n’ayant jamais vu la femme chinoise.

Plusieurs chercheurs s’interrogeaient sur la réalité de ce cas. Ainsi, le chercheur spécialiste des maladies infectieuses Isaac Bogoch se demande sur Twitter à quel point la femme chinoise était asymptomatique. Si les symptômes sont parfois proches d’un rhume, peut-être ne l’a-t-elle pas notifié?

Pas ou peu de symptômes, telle est la question

Et lundi 3 février, Science Magazine est venu remettre en cause la validité des conclusions de l’étude. Les chercheurs n’ont pas pu contacter la femme chinoise directement et se sont basés sur les déclarations des autres patients. Or, selon des proches, elle avait des symptômes lors de son séjour. Elle avait des douleurs musculaire, se sentait fatiguée et avait pris du paracétamol.

De manière générale, Mike Ryan explique que les données de l’OMS suggèrent que les personnes qualifiées d’asymptomatiques avaient en réalité des symptômes, mais peut-être plus faible.

Dans tous les cas, il y a de fortes chances que même si ces contaminations asymptomatiques existent, elles soient très faibles. Si rien n’est encore sûr avec Covid-19, “la littérature scientifique montre qu’il existe une corrélation entre importance des symptômes et transmission du virus influenza, responsable de la grippe”, rappelle Olivier Terrier.

Pour l’instant, ce que l’on sait, c’est que “le vecteur principal d’infection du coronavirus, ce sont les personnes avec des symptômes”, affirme Mike Ryan.

Ce texte a été publié originalement dans le HuffPost France.

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