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«Space Force» sur Netflix: derrière la série satirique, la vraie armée de Trump

La nouvelle série créée par Steve Carell et Greg Daniels («The Office») dresse le portrait parodique d'une branche de l'armée américaine plongée dans des enjeux politiques bien sérieux.
Space Force (Netflix)
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Space Force (Netflix)

Si la société américaine SpaceX a reporté le décollage de Crew Dragon, ce mercredi 27 mai, le lancement de cette fusée signera le début d’une nouvelle ère dans la conquête spatiale. Toutefois, la société d’Elon Musk n’est pas la seule à avoir eu les yeux tournés vers le ciel. Que ce soit Donald Trump ou bien la Chine, la course aux étoiles est plus que jamais au cœur des sujets.

Dans ce contexte qui dépasse donc l’orbite terrestre, l’équipe “The Office” formée par l’acteur américain Steve Carell et le producteur Greg Daniels collaborent à nouveau pour mettre à l’écran une satire de la conquête spatiale sous une administration américaine plus cocasse que jamais: “Space Force”.

Cette nouvelle série disponible sur Netflix à partir d’aujourd’hui, s’inspire essentiellement de l’armée, des institutions américaines et d’un Donald Trump impulsif accro à Twitter, désireux de voir à nouveau l’homme mettre le pied sur la Lune.

L’intrigue suit le général Mark R. Naird, interprété par Steve Carell, pilote loin d’être bête qui se voit propulsé à la tête de la nouvelle Space Force, la sixième branche des forces armées américaines. Sceptique mais dévoué à la mission qu’on lui a confiée, Mark emmène donc sa famille vivre sur une base militaire reculée du Colorado.

Entouré de militaires et d’un corps scientifique, il est chargé par la Maison-Blanche d’envoyer de toute urgence des Américains sur la Lune en 2024 pour conforter la suprématie du pays dans l’espace.

Steve Carell interprétant le général Naird dans «Space Force».
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Steve Carell interprétant le général Naird dans «Space Force».

Accrochez-vous, en plus de voir un général américain ordonner à un singe de réparer un vaisseau dans l’espace, vous verrez dans un humour fin, la manière dont peut être géré un budget pour une telle mission.

“Boots on the moon!”

La mission principale de la Space force : “Boots on the moon!”, qui signifie littéralement “les bottes sur la Lune”. Pitch de base pour la série, ce projet de revoir l’homme sur la Lune s’inspire d’un fait bien réel. Il s’agit de la mission centrale du programme Artémis gérée par la NASA (et non l’armée américaine) mais tout de même exigée par Donald Trump. Ce projet a également pour mission d’envoyer la première femme sur la Lune.

Au sujet de la Space Force, elle existe bel et bien. En juin 2018, le président américain avait annoncé la création de cette sixième branche de l’armée américaine. Toutefois, elle est destinée à la protection de satellites en orbite autour de la Terre des attaques de puissances étrangères et non, pour l’heure, au lancement de vols habités vers la Lune.

Officiellement née le 20 décembre 2019, la Space Force compte sur 16 000 personnes qui travaillent au contrôle militaire de l’espace avec différentes unités comprenant aussi l’armée de l’air. À titre de comparaison, les effectifs militaires américains totalisent près de deux millions de personnes.

Elle demande un budget que la série n’hésite pas à parodier. Si le général Naird tente d’avoir un investissement de plusieurs centaines de milliards de dollars face à un parlementaire affirmant que la Terre est plate, le réel budget alloué à la Space Force est bien faible en comparaison à l’ensemble des dépenses militaires américaines. Comme le précise Politico, la Space Force dispose d’un budget de 15 milliards de dollars, là où le budget annuel de la défense américaine s’élève à 700 milliards.

La base américaine de la série, qui pourrait nous faire penser à un lieu secret de Roswell cachant des extraterrestres, n’aurait aussi rien à voir avec celle de la réalité. Comme l’explique le lieutenant général Thompson, numéro deux de la Space Force, à Politico: “Nous avons à peu près une centaine de personnes, je dirais 110, dans notre personnel. Nous allons être une petite organisation légère.”

Ce projet froidement accueilli par l’opposition politique fut tout de même considéré comme un caprice coûteux témoignant d’une certaine mégalomanie de la part du président américain. La série n’hésitera pas à nous rappeler l’impulsivité mémorable d’un président américain gouvernant à coups de tweets. D’ailleurs les références à Twitter y coulent à flot.

Si dans la série, la première dame tente d’habiller à sa manière la Space Force avec des costumes dignes des “Avengers”, il est bon de savoir que la nouvelle branche fut réellement source de moqueries au sujet de ses uniformes.

Enfin, le général Naird est accompagné dans la série du personnage de John Malkovich, le docteur Mallory. Ce dernier, qui pense être comme le chef des opérations, est adepte de la coopération internationale et hostile à l’investissement dans l’armement. Ce dernier point, par ailleurs, décrit à juste titre un débat bien réel en ce qui concerne la militarisation de l’espace.

John Malkovich interpretant le Dr. Adrian Mallory dans «Space Force» (Netflix)
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John Malkovich interpretant le Dr. Adrian Mallory dans «Space Force» (Netflix)

Course à l’armement

Simple réorganisation bureaucratique ou bien coup de sifflet dans une course à l’armement spatial, le site Space.com aborde cette dernière hypothèse au sujet de la Space Force. “Elle organise l’espace militaire autour de la dissuasion et de la réponse aux agressions”, explique Laura Grego de l’Union of Concerned Scientists à Space.com. “En utilisant ce cadre, il y a une incitation bureaucratique à communiquer sur cette menace et ensuite à construire des armes pour contrer cette menace.”

Également interrogé par le site, le physicien et professeur en paix, guerre et défense à l’Université de Caroline du Nord, Mark Gubrud, précise que “l’existence d’une force spatiale implique l’utilisation potentielle de la force dans l’espace ou depuis l’espace. En créer une implique l’engagement d’avoir la capacité d’utiliser la force dans ou depuis l’espace. C’est-à-dire d’avoir des armes spatiales”.

La série ironisera par la même occasion sur la présence de fusils d’assaut dans les dépenses budgétaires.

Gubrud a déclaré que le déploiement de la Space Force s’est réellement accompagné de toutes sortes de discussions sur la défense armée des futures opérations d’extraction d’astéroïdes, des bases lunaires et de divers fantasmes.

“Une partie de cela vient de responsables, dont le vice-président américain”, a-t-il souligné. “Même si les adultes dans la pièce comprennent qu’il s’agit principalement de satellites, tout le monde suppose qu’une Force spatiale va être une force armée.”

Bien loin d’être comme les “Men in Black”, la Space Force communique bel et bien sur les actions des puissances étrangères en dehors du sol terrestre. Le vrai général en charge des opérations de la Space Force avait déclaré à Business Insider US en février 2020, sur le comportement suspect de deux satellites russes: “C’est un comportement inhabituel et dérangeant qui peut créer une situation dangereuse dans l’espace. Les États-Unis estiment que ces activités récentes sont préoccupantes et ne reflètent pas le comportement d’une nation spatiale responsable.”

Un arrière-goût de guerre froide

Alors que Trump a officialisé le drapeau de la Space Force ce mois-ci, la série, aux multiples références au genre de la science-fiction, pose des enjeux géopolitiques bien réels rappelant la guerre froide malgré des scènes burlesques et l’instabilité du monde contemporain.

La scène du démantèlement d’un vaisseau américain par le régime chinois dans l’espace est certes une caricature mais dénote une rivalité politique bien réelle. La course aux étoiles entre les deux régimes est lancée avec une Russie présente aussi bien dans la série que dans le contexte aéronautique actuel.

En réalité, si le département de la Défense des États-Unis considère Pékin comme une menace dans ses déploiements technologiques, la création même de la Space Force de Donald Trump est motivée par les progrès de la Chine dans le domaine spatial.

En outre, on retiendra tout de même de cette série, une œuvre satirique bien loin du patriotisme à outrance que savent nous offrir les Américains avec des personnages incarnant de simples humains dans un cadre spécial qu’est celui d’une base américaine au Colorado à l’arrière-goût de guerre froide.

Ce texte a été publié originalement dans le HuffPost France.

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