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Sortir la gauche de l'impasse indépendantiste

«Le Québec en a plus qu'assez d'avoir à se positionner à chaque élection en fonction d'un enjeu qui occulte tous les autres, le fédéralisme contre la souveraineté.»
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Contrairement à une idée reçue vieille d'un demi-siècle, l'indépendance n'est pas la condition sine qua non de la réalisation d'un projet de société. Ni d'ailleurs l'adhésion au Canada. Il existe toutefois un paradoxe étonnant. Tous les partis se réclamant à des degrés divers d'idées progressistes ont inscrit à leur programme une profession de foi quant à l'avenir national du Québec. Fédéraliste pour le Parti vert du Québec et le NPD-Québec, indépendantiste pour le Parti québécois et Québec solidaire. Pourtant, sondage après sondage, la question nationale occupe une place de moins en moins importante dans les préoccupations de la population. Quant à l'option indépendantiste, elle n'attire désormais qu'un petit tiers de l'opinion publique, encore moins parmi les jeunes.

Jusqu'à présent Québec solidaire occupait une place à part par son ouverture sur la question nationale. Dans son programme, le destin du Québec était remis entre les mains d'une assemblée constituante élue au suffrage universel à mandat ouvert, c'est-à-dire libre de débattre de toutes les options. Cette ouverture avait permis à ce parti d'attirer en son sein de nombreux progressistes qui ne font pas de l'indépendance l'alpha et l'oméga de toute chose et même des fédéralistes de gauche, anglophones, allophones et francophones. Ce n'est plus le cas depuis le congrès de ce mois-ci qui vient d'entériner les conditions d'une fusion avec Option nationale. Le virage ultranationaliste de QS est spectaculaire. Ce parti vient en effet d'abandonner l'ouverture qu'il professait depuis sa création pour adopter le prêt-à-porter idéologique d'Option nationale en matière d'indépendance.

Jusqu'au 1 décembre dernier, Québec solidaire séparait clairement ce qui est réalisable dans le cadre d'une province et ce qui nécessite les pouvoirs souverains d'un état indépendant. Désormais, son programme affirme que dès le lendemain des élections générales un hypothétique gouvernement solidaire agirait en rupture avec le cadre constitutionnel canadien. Et ce, sans mandat spécifique de la population. Le référendum ne surviendrait qu'après la rédaction de la constitution d'un pays indépendant par une Assemblée constituante dont le mandat exclurait le point de vue des deux tiers de la population, celui d'un Québec province. Un tel unilatéralisme est surprenant un mois à peine après le fiasco de l'éphémère république indépendante de Catalogne, mais cela ne dissuade pas nos lemmings locaux de vouloir faire comme si Ottawa n'existait pas.

Ce virage s'accompagne d'une rhétorique revancharde face aux « Anglais ». Le dernier congrès de QS vient d'adopter une résolution tirée du programme d'Option nationale qui ferait du français la seule langue officielle du Québec. Ceci remet en question certains droits historiques importants de la minorité anglophone, la rédaction d'une version anglaise des lois et le droit d'utiliser l'anglais dans les tribunaux et dans certaines municipalités. De plus, le nouveau programme dénonce l'oppression du Québec par un imaginaire « régime colonial canadien » et invite les solidaires à fustiger le « Quebec bashing » qui serait un sport favori de nos voisins. Dans ce délire victimaire, les relations fédérales-provinciales sont réduites à une histoire de bons contre méchants.

Il est stupéfiant que le seul parti parlementaire de la gauche alternative québécoise s'enlise ainsi dans les vieilles ornières héritées de décennies d'une stratégie péquiste perdante.

Revenons à l'essentiel, les relations entre gauche alternative et souverainisme. On serait bien à mal de trouver des exemples d'indépendances récentes qui aient débouché sur des sociétés plus progressistes ou égalitaires : Monténégro, Timor oriental, îles Palaos, Érythrée, République tchèque, Slovaquie, Bosnie-Herzégovine, Kazakhstan, Ukraine, Turkménistan, Kosovo, etc. Cela n'invalide pas la revendication indépendantiste, mais force est de constater qu'elle n'a pas grand-chose à voir avec le salaire minimum, le logement social, la gratuité scolaire, l'évasion fiscale, la destruction de l'environnement ou la sortie du pétrole. Le PQ a raison sur ce point, l'indépendance n'est ni de droite ni de gauche, c'est davantage une condition de la survie de notre culture et de notre langue. L'islandais, le danois ou l'estonien prospèrent malgré leur petite taille parce qu'ils s'appuient sur des États-nations. Le kabyle, le basque, le breton, le frioulan ou le sorabe (langue slave d'Allemagne de l'Est) périclitent pour la raison contraire.

Il est stupéfiant que le seul parti parlementaire de la gauche alternative québécoise s'enlise ainsi dans les vieilles ornières héritées de décennies d'une stratégie péquiste perdante. Il serait grand temps que cette gauche se mette à l'écoute de la population et comprenne que le Québec en a plus qu'assez d'avoir à se positionner à chaque élection en fonction d'un enjeu qui occulte tous les autres, le fédéralisme contre la souveraineté. Cela fait bien sûr l'affaire du Parti libéral du Québec qui peut à chaque fois jouer la carte du chaos appréhendé et se taire sur ses véritables objectifs, le saccage des services publics et l'accroissement des privilèges de la minorité.

Sortir de l'impasse, l'idée n'est pas nouvelle, mais comment ? En admettant l'évidence : il faut séparer la question du statut national du Québec de celle du projet de société. Le meilleur moyen serait de réhabiliter la conception démocratique d'une Assemblée constituante ouverte à toutes les tendances de la société. Sans apriori excluant du débat autonomistes et fédéralistes. Si la souveraineté appartient au peuple, le peuple, c'est tout le monde, pas simplement ceux qui pensent comme la minorité agissante. Les débats de cette constituante, beaucoup plus longs que ceux d'une campagne référendaire classique, pourraient résulter en deux projets concurrents, un projet de Québec-province et un projet de pays indépendant. Les Catalans ont prouvé la faisabilité d'un tel référendum à choix multiple lors du vote consultatif sur leur avenir politique en novembre 2014.

Face aux trois partis principaux dont les dirigeants ont tous pratiqué à tour de rôle des politiques néolibérales, il devient urgent que la gauche se concentre sur les « vraies affaires » et propose une alternative crédible dont les solutions soient basées sur les notions de bien commun et de solidarité. Malheureusement, tous ceux qui se réclament de ces principes, les Verts, le NPD-Q, Québec solidaire et les derniers sociodémocrates du PQ, exigent une profession de foi fédéraliste ou indépendantiste, perpétuant ainsi l'impasse historique. Tant que la gauche s'accrochera à ces chimères, les élites affairistes qui nous dirigent n'auront rien à craindre.

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