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Sommet de la Francophonie au Sénégal: les vraies affaires

Le continent africain symbolise à la fois l'avenir du développement économique, un énorme marché avec des potentialités immenses, tout comme la pérennité de la langue française.
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La Délégation générale pour l'organisation du XVe Sommet de la Francophonie se tiendra les 29 et 30 novembre 2014 à Dakar, capitale du Sénégal. Le continent africain symbolise à la fois l'avenir du développement économique (taux de croissance moyen du PIB de 5 % depuis 15 ans selon l'article de Jean-Benoît Nadeau, un énorme marché avec des potentialités immenses : importants gisements de pétrole, minerais et gaz naturel) tout comme la pérennité de la langue française. Les partisans du fait français devront davantage miser sur le continent africain où on retrouvera le plus de francophones dans le monde. En 2050, neuf francophones sur dix seront Africains, selon un rapport sur la langue française dans le monde de l'Organisation internationale de la Francophonie (l'OIF) publié en octobre 2010.

Pour que le XVe Sommet de la Francophonie ne soit pas qu'un simple exercice de relations publiques, il demeure fondamental de questionner ces différents enjeux : liberté d'expression et de manifestation, bonne gouvernance, démocratie, désespoir de la jeunesse africaine, taux de chômage endémique chez les jeunes, reconnaissance des diplômes et des compétences des immigrants francophones.

Désespoir de la jeunesse africaine sur le plan économique et politique

Selon l'Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), une institution fiable, les jeunes de moins de 20 ans représentent 52,7 % de la population sénégalaise. « Les pays du sud de la francophonie ont tous plus de 50 % de jeunes dans leur population avec un taux de chômage avoisinant les 30 % dans l'ensemble des pays africains membres de la francophonie et des pays du sud en général [Abdel Kader Ndemanam, ministre nigérien responsable de la Jeunesse et des Sports et président en exercice de la Conférence des ministres de la jeunesse et des sports des pays membres de la Francophonie (CONFEJES)] », pouvait-on lire dans l'article de Ndeye Maguette Kébé du Journal de l'économie sénégalaise (LEJECOS) en date du 2 mai 2014 intitulé Sénégal : Le taux de chômage chez la cible 15-35 ans varie de 12,7 % à 26,6 %. Le chômage, qui est extrêmement pénible à vivre, affecte le moral des personnes laissées en marge par la société.

L'absence de perspectives professionnelles pousse de plus en plus les jeunes Africains à emprunter le phénomène de l'immigration clandestine à leurs risques et périls, comme en témoigne le phénomène migratoire de « Barça ou Barsax » (partir à Barcelone ou mourir). Le contrôle accru dans les frontières, matérialisé par la création de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (FRONTEX) en 2004-2005, les mesures dissuasives des pays d'immigration (reconduite à la frontière, amendes, emprisonnement, interdiction du territoire au bout d'un certain nombre d'années, etc.) auront moins d'efficacité tant et aussi longtemps que les conditions économiques des jeunes migrants et des réfugiés africains et maghrébins ne seront pas réunies. La résolution de cette triste situation ou le maintien des jeunes migrants dans leur pays d'origine dépend, entre autres, non seulement des leaders politiques africains et maghrébins qui doivent faire preuve de bonne gouvernance, mais aussi de l'arrêt de la dilapidation des ressources naturelles par les puissances étrangères avec la complicité de certains politiciens qui prennent en otage leur propre population. La problématique des mouvements migratoires interpelle à la fois les pays d'origine et les pays d'accueil.

Même si la maturité du peuple sénégalais a été saluée sous les gouvernements de Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, notre pays d'origine a connu un recul démocratique en moins de trois ans de règne de l'actuel président Macky Sall, qui avait pourtant recueilli 65,80 % au deuxième tour de la présidentielle de mars 2012.

  • Restriction des droits humains et interdictions record de manifestation pacifique pour « menaces de trouble à l'ordre public » (plus de 25 demandes de manifestation refusées selon le journal en ligne Actunet, une dérive diplomatique relayée par Radio France Internationale (RFI) à travers son article Sénégal : les interdictions de manifestation se multiplient);
  • Utilisation abusive de l'article 80 du code pénal, offense au Chef de l'État, un fourre-tout, une sorte d'épée de Damoclès sur tous les citoyens sénégalais et une arme politique pour museler les adversaires politiques (Lire cet excellent article visionnaire Le petit dictateur de Mbodiène);
  • Assassinat sauvage d'un étudiant et plusieurs étudiants blessés et paralysés à vie pour avoir réclamé le paiement de leurs bourses qu'ils n'ont pas perçues depuis plus d'un an (d'octobre 2013 à août 2014 selon Yankhoba Seydi du Syndicat autonome des enseignants du supérieur (SAES) cité par la journaliste Sabine Cessou à travers son article Le mouvement étudiant sénégalais victime des violences policières);
  • Acharnement contre certains médias de veille démocratique et volonté exprimée d'interdire les tribunes libres radiophoniques interactives (Wakh sa Khalat : Parole aux citoyens) : « Macky Sall : « Revue de presse, une dictature imposée à la nation » (Dakaractu, 28 août 2014), etc.)

La section sénégalaise d'Amnesty International a d'ailleurs été sévèrement critiquée par le gouvernement sénégalais lorsqu'il avait publié, à juste titre, en mai 2013 un rapport accablant sur l'actuel gouvernement (La situation des droits humains dans le monde, période couverte de janvier à décembre 2012).

Le rêve d'un avenir meilleur dans les pays développés doit également se matérialiser par l'obtention d'un emploi décent des immigrants. Le développement économique ne serait possible qu'à condition qu'à tous les niveaux de création des richesses, les pays de la Francophonie utilisent maximalement les talents, peu importe leur origine.

Passer de la parole aux actes

Au Québec, la maîtrise de la langue française, qui constitue un outil d'intégration socioéconomique, n'est cependant pas le seul paramètre pour une intégration rapide en emploi, du moins pour certaines catégories de la population. Les Maghrébins, les Noirs africains et les Haïtiens, qui ont une très bonne maîtrise de la langue française et un niveau de qualification très élevé, peinent à trouver un emploi dans leur domaine de compétences. Les immigrants francophones ou francophiles s'étonnent du fait que la langue anglaise soit plus utilisée dans le marché de l'emploi alors qu'ils ont été choisis sur la base du fait français. Ils se trouvent ainsi désorientés entre le discours et la réalité sur le terrain qui démontre une grande présence de l'anglais.

Les pays développés membres de la Francophonie doivent également respecter les représentants diplomatiques africains ainsi que leurs citoyens. Souvenons-nous de ce fâcheux épisode :

« En mai 2006, en plus de ne pas être accueilli par un ministère du gouvernement conservateur tel que l'exige le protocole (M. Diouf a un statut de chef d'État), le secrétaire général de l'organisation internationale de la francophonie a été soumis à une fouille corporelle à son arrivée à l'aéroport de Toronto alors qu'il « se rendait à Saint-Boniface, au Manitoba, pour participer à la Conférence ministérielle de la francophonie sur la prévention des conflits et la sécurité humaine » . »

« L'« accueil » réservé à Abdou Diouf : une injure à tous les francophones », tel était le titre d'une lettre d'opinion de Jean-Marc Léger, ancien journaliste, ancien diplomate québécois et premier secrétaire général de l'Agence de la Francophonie (1969-74), parue dans le journal Le Devoir du 13 mai 2006.

Les pays d'immigration membres de la Francophonie ont tout à gagner en attirant et recrutant des travailleurs qualifiés immigrants et des étudiants étrangers, des têtes de pont qui établissent des liens entre la société d'accueil et leur pays d'origine.

Les 77 chefs d'État et de gouvernement qui se rendront au Sommet de la Francophonie devront désormais établir un partenariat gagnant gagnant. Pour éviter que davantage de pays africains basculent vers l'anglais, il faut impérativement « un traitement équitable entre les pays membres » comme le soulignait le président du Conseil national de la jeunesse du Niger, Aliou Oumarou, qui estimait que « La Francophonie ne profite qu'à la France ». (Le Quotidien, Ngoundji Dieng, 10 octobre 2014, article paru dans le portail Seneplus.com).

Le successeur ou la successeure de l'actuel secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie aura du pain sur la planche pour faire du français une langue riche culturellement et économiquement. Ce que nous souhaitons de tout notre cœur en tant que défenseurs de cette neuvième langue la plus parlée dans le monde.

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