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Je suis sobre et le temps des Fêtes n’est pas la plus belle période de l'année pour moi

Je suis tannée des questions incessantes sur pourquoi j'ai arrêté de boire. Le temps des Fêtes me fait redouter encore plus ces questions.
gregory_lee via Getty Images

Quand je dis à quelqu’un que je suis sobre, je suis prête à répondre à ses questions, parce qu’il y a toujours des questions.

La première, généralement, c’est «Pourquoi?» - comme si être un non-buveur était si inhabituel et que ça nécessitait une solide raison. L’alcool est tellement ancré dans la société que c’est comme s’il y avait un certain nombre de raisons acceptables pour lesquelles une personne pourrait se permettre de ne pas consommer d’alcool: les croyances religieuses ou l’abstinence totale pour se remettre de la dépendance à l’alcool, sans doute. Mes raisons rencontrent souvent des froncements de sourcils d’incompréhension, comme si les gens réévaluaient toute leur opinion sur moi.

C’est une évidence que l’alcool sera au coeur des célébrations, parce que la consommation est devenue si normalisée dans la culture que la plupart de nos rituels de transition, du 18e anniversaire jusqu’au mariage, impliquent normalement beaucoup d’alcool. Même dans notre vie quotidienne, il est acceptable d’admettre prendre quelques verres de rouge après une journée de travail exigeante.

Quand j’ai dit au revoir à l’alcool, je m’attendais à voir des bienfaits sur ma santé, mais je n’imaginais pas que je perdrais des amis. Un de mes amis, que je voyais seulement pour aller boire un verre au pub, n’a pas gardé contact avec moi depuis que j’ai arrêter de consommer. J’aurais peut-être dû m’attendre à sa réaction, mais je pensais que notre amitié était basée sur qui nous sommes, pas sur ce que nous faisons lorsque nous nous rencontrons.

En cette période de l’année qu’est le temps des Fêtes, je redoute encore plus les questions. Nos rituels festifs sont également dominés par l’alcool - du party de Noël au bureau jusqu’aux célébrations du Nouvel An. N’avons-nous pas tous, à un moment donné, pris quelques verres de plus juste pour passer à travers le party de bureau?

Nous, les personnes sobres, sommes toujours en minorité, ce qui fait de nous une cible. À Noël, il y a plus d’opportunités pour nous placer sur la ligne de tir, et c’est plus difficile à éviter. Récemment, j’ai rencontré des amis dans un restaurant pour tester un menu de Noël et je n’ai pas pu participer à la ronde de boissons entre les mets. Il y a eu quelques sourcils levés devant mon refus d’entrer dans l’esprit festif.

Quand j’ai grandi, l’alcool ne faisait pas partie du budget de ma famille, qui n’en avait pas les moyens. Tout ce qui était en dehors de la nourriture, de l’entretien de la maison et autres nécessités, était considéré comme un luxe que nous ne pouvions pas nous permettre. J’ai été initiée à l’alcool à peu près au même moment où un revenu est entré dans ma vie, à la fin de mon adolescence.

À l’université, ma vie sociale tournait soudainement autour de l’alcool - même socialiser avec des amis d’équipes sportives signifiait boire beaucoup après un match. J’ai continué à être une buveuse sociale tout au long de ma vingtaine. Dire au revoir à l’alcool n’a pas été une décision prise du jour au lendemain, et ce n’était pas une décision facile à prendre.

À la fin de la vingtaine, j’ai commencé à socialiser d’une manière qui n’impliquait pas toujours l’alcool. Quand je buvais, les gueules de bois duraient aussi plus longtemps. Et c’est là que j’ai commencé à prendre mes distances de la boisson.

Finalement, c’est un problème de santé qui m’a donné l’impulsion dont j’avais besoin. Après avoir souffert pendant six mois de symptômes de migraine débilitante, j’ai réalisé que l’alcool aggravait mon état en provoquant une déshydratation.

J’ai donc éliminé l’alcool de mon alimentation et apporté d’autres changements à mon mode de vie. Je n’ai pas dit à beaucoup de gens ce que je faisais parce que je voulais éviter d’attirer l’attention sur ma décision qui, si je suis honnête, n’était pas complètement assumée. En allant à l’encontre de la majorité, j’avais peur de ce que les gens pourraient penser, mais évidemment ce n’était pas facile à garder pour moi.

Tourner le dos à l’alcool était beaucoup plus facile que de parler à d’autres personnes de ma décision. Il y a toujours une stigmatisation qui vient avec le fait d’être sobre, en raison de la connotation négative associée aux non-buveurs. Au cours de mon aventure dans la sobriété, j’ai été accusée d’être «moins amusante» ou «rigide» pour ne pas avoir pris un verre. Les verres de jour de paie et les soirées Netflix avec des amis ont été échangées pour plutôt partager un café ensemble lors d’une soirée. Certains amis ont admis à contrecœur que ce n’était pas plaisant sans alcool.

“En tant que personne sobre, c’est comme si j’étais perçue comme me considérant supérieure à mes amis buveurs. Mais je n’ai jamais imposé ma décision à qui que ce soit.”

Une amie s’est mise sur la défensive lorsque je lui ai parlé de mon choix, interprétant ma décision comme une attaque contre ses propres habitudes. «Tu n’auras pas de gueule de bois demain, maintenant tu n’es pas comme nous autres, les buveurs», a-t-elle dit en riant quand nous avons partagé un verre autour d’un repas en groupe. En tant que personne sobre, c’est comme si j’étais perçue comme me considérant supérieure à mes amis buveurs. Mais je n’ai jamais imposé ma décision à qui que ce soit.

Éventuellement, j’ai trouvé le courage de défendre mon choix. Lorsque mes symptômes se sont aggravés et que mon monde s’est rétréci, j’ai réalisé que je devais prendre le contrôle et arrêter de consommer complètement. Mais malgré des raisons justifiables pour devenir sobre, j’étais toujours jugée pour mon choix, souvent par des amis qui essayaient de me donner envie de boire.

À Noël, on s’attend presque à ce que la nourriture et l’alcool soient consommés à outrance. Même si mes amis savent que je suis sobre, certains proposent toujours de me payer un verre, ou suggèrent de partager une bouteille de vin pour économiser de l’argent sur la facture.

En cours de route, j’ai été accusée de «prendre plaisir à être différente» par une connaissance et jugée «malaisante» par un autre ami. C’est blessant d’être jugée de cette façon parce que je ne suis rien de tout cela. À Noël, un moment de joie et de célébration, je ressens un sentiment d’appréhension d’être à nouveau perçue comme la plus étrange.

“Me départir de cette énergie émotionnelle m’a apporté un sentiment de liberté, ce qui me confirme que je fais ce qu’il faut.”

Il y a quelques jours, Robbie Williams a révélé qu’il était difficile, au début, d’être sobre, mais qu’éventuellement, ça «devient qui vous êtes». Comme Robbie, j’en suis venue à accepter que la plupart des gens auront une opinion sur ma sobriété. Ce n’est que maintenant que j’apprends à moins me soucier de ce que les gens pensent et à me sentir plus à l’aise de faire quelque chose qui est bien pour moi. Me départir de cette énergie émotionnelle m’a apporté un sentiment de liberté, ce qui me confirme que je fais ce qu’il faut.

Être sobre dans une culture qui encourage la consommation d’alcool n’est pas une tâche facile. Beaucoup de nos comportements, et même notre marketing à cette époque de l’année, s’adressent aux buveurs. Je passe maintenant plus de temps avec mes plus jeunes amis - dont beaucoup représentent 25% des jeunes qui sont sobres. C’est peut-être un signe de l’avenir, où la sobriété sera la norme?

Ce texte, initialement publié sur le site du HuffPost Royaume-Uni, a été traduit de l’anglais.

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