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Sexualité, amour et handicap: «Avec Yves, je vis un conte de fées»

Linda pensait que sa sclérose en plaques avait mis un terme à sa vie amoureuse et sexuelle. Elle se trompait.
Yves et Linda, un couple amoureux depuis 17 ans.
Courtoisie
Yves et Linda, un couple amoureux depuis 17 ans.

Le 31 juillet a été le 23e anniversaire du diagnostic de sclérose en plaques reçu par Linda Gauthier, à l’âge de 39 ans. Celui-ci lui tombe dessus en 1996, alors que depuis 15 ans, elle fait de la danse de compétition haut niveau avec son partenaire de l’époque.

«C’est la panique totale. Je pense alors que c’est la fin du monde, tout s’arrête pour moi: la danse, mon monde. Ma passion tombe à l’eau, c’était un méchant deuil à faire. Pour moi, il a été plus difficile de faire le deuil de danser que de marcher. »

Les premiers symptômes de la maladie étaient apparus trois ans plus tôt, sous la forme d’une névrite optique qui avait duré trois semaines, et durant laquelle sa vision avait été réduite de 100% à 20%. Avaient suivi un engourdissement jusqu’à la taille, et des spasmes.

En 1996, Linda Gauthier apprend qu'elle est atteinte de la sclérose en plaques.
Courtoisie
En 1996, Linda Gauthier apprend qu'elle est atteinte de la sclérose en plaques.

Après son diagnostic, Linda commence à se fatiguer rapidement, est obligée de s’arrêter de travailler. Pour se déplacer, elle utilise désormais un véhicule adapté. Son couple commence à battre de l’aile. Pour vivre, elle touche quelque 600 dollars par mois de pension d’invalidité.

«J’ai commencé à devenir dépendante de mon conjoint, et quelque part ce n’était pas bon. Au bout de plusieurs années, j’avais l’impression qu’il n’éprouvait plus que de la pitié pour moi, je n’étais plus capable d’endurer cela, pourtant je l’aimais encore.»

Des photos de cette époque, elle n’en a gardé aucune. «J’ai tout jeté. Me souvenir c’est difficile, pénible. Je n’aurais pas pu.»

À 44 ans, et après 14 ans avec cet homme, elle s’en va. «Je me suis dit: la maladie a mis un coup de hache à ma vie de femme.»

Elle se trompait.

Les promesses d’une rencontre

Le 1er janvier 2002, elle rencontre Yves, le fils de sa voisine de palier.

«Je n’avais pas de place pour un homme dans ma vie, j’avais mon chien, j’allais au cinéma, je faisais des soupers de filles, j’étais heureuse.»

Le prince charmant a douze ans de moins qu’elle, il est «beau», dit-elle, «et il a toutes ses facultés».

“«Je me souviens, il m’a regardée comme un homme regarde une femme. Ça m’a bouleversée. Je ne comprenais pas comment il pouvait s’intéresser à moi. Il me disait: je te vois toi avant ton handicap.»”

- Linda Gauthier

Pourtant, si Linda n’accepte pas tout de suite ses invitations, ayant peur de «se faire mal», elle finit par accepter. En juin 2003, ils se marient. Ils sont encore ensemble 17 ans plus tard.

«Ma vie de femme n’était pas finie! je me suis rendue compte que je m’étais trompée et tout fonctionnait encore! C’était un conte de fées. Enfin, je dis conte de fées, mais c’est surtout une question de comment on se sent. Quand on décide d’être heureux, on reflète qu’on a envie d’être heureux. Alors tout devient possible».

À Montréal, seulement 14 stations de métro sur 68 peuvent être utilisées par les personnes handicapées.
Courtoisie
À Montréal, seulement 14 stations de métro sur 68 peuvent être utilisées par les personnes handicapées.

C’est d’ailleurs un message d’espoir qu’elle aimerait véhiculer aujourd’hui avec son histoire, dire aux gens que tout est permis, qu’il ne faut pas s’arrêter au fait qu’ils aient un handicap.

«Ma maladie m’a rendue pas mal plus altruiste que je ne l’étais quand je raflais des prix et que ça me montait au cerveau. Je tenais tout pour acquis, mes jambes en premier. Ça m’a redonné l’humilité, ça m’a ramenée sur terre. Avant, quand je faisais de la compétition, il fallait que je gagne à tout prix. Maintenant je me dis: est-ce si grave que ça? On apprend beaucoup plus de la défaite que de la victoire.»

La sexualité, un tabou social

Ensemble, Yves et Linda n’hésitent pas parler ouvertement des conséquences qu’aura la maladie sur leur sexualité et sur la libido de Linda.

«On savait que ce ne serait plus la même chose à un moment donné, mais on a décidé de tenter l’aventure. On est rendus là aujourd’hui. On a une vie sexuelle, mais on ne va pas non plus faire toutes les positions du Kamasutra!»

Yves et Linda n’hésitent pas parler ouvertement des conséquences qu’aura la maladie sur leur sexualité.
Courtoisie
Yves et Linda n’hésitent pas parler ouvertement des conséquences qu’aura la maladie sur leur sexualité.

Le plus dur pour elle reste encore le regard des gens, et les préjugés à l’égard des personnes handicapées. Notamment sur tout ce qui a trait à leur sexualité.

«C’est comme si on ne pouvait pas avoir de pulsions car nos corps ne sont pas parfaits, nous c’est comme si c’était du vice. Probablement parce que le handicap fait peur aux gens. On dirait que c’est contagieux, que ça va leur sauter dessus. Ils sont confrontés à la possibilité que ça pourrait leur arriver aussi.»

Elle évoque le tabou social entourant le recours aux assistants sexuels, déplorant que cette pratique soit encore considérée comme de la prostitution dans la société.

Dans ce contexte, elle explique que certains préposés aux bénéficiaires qui octroient les soins aux personnes handicapées se livreraient même parfois à des actes sexuels. «Ils arrondissent leurs fins de mois», dit-elle.

Le Québec a du travail à faire

À titre de présidente de la RAPLIQ (Regroupement activistes pour l’inclusion Québec) Linda travaille bénévolement à temps plein pour la reconnaissance et les droits des personnes handicapées.

Linda est convaincue d’une chose: sans une volonté et des actions fortes des décideurs politiques, les mentalités ne changeront pas.

Linda travaille bénévolement à temps plein pour la reconnaissance et les droits des personnes handicapées.
Courtoisie
Linda travaille bénévolement à temps plein pour la reconnaissance et les droits des personnes handicapées.

«Ça prendrait quelqu’un de vraiment handicapé à l’Assemblée nationale. Le Québec se dit avant-gardiste, mais il y a certains endroits en Afrique plus avancés que nous en matière d’accessibilité, c’est pas des farces.»

À Montréal, où elle vit, seulement 14 stations de métro sur 68 peuvent être utilisées par les personnes handicapées.

Elle le sait bien, c’est elle qui pilote le dossier du recours collectif intenté contre la STM, l’AMT (maintenant Exo) et la Ville de Montréal.

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