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Sexe et célibat au temps de la COVID-19

Après la porno et la masturbation, quoi faire quand on a besoin de chaleur humaine?
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«La fin du monde décuple les pulsions sexuelles. La quarantaine [NDLR : ou l’isolement volontaire pendant la pandémie de COVID-19] rend la chose encore plus intéressante. J’ai deux fois le niveau d’excitation standard», admet Jean-Daniel Forest, célibataire de 29 ans en isolement depuis une dizaine de jours. Et il est loin d’être le seul à convoiter la couchette.

Si beaucoup de Québécois ont la chance de partager leur logis avec leur partenaire, ils sont plus d’un million de célibataires à vivre en solo, selon les plus récentes statistiques, coupés de leur routine de rencontres amoureuses ou intimes depuis que Québec a interdit le 21 mars tout rassemblement intérieur et extérieur.

«Moi, je n’ai rien fait à date. Ça serait un peu “teton” d’inviter quelqu’un chez nous. Mais ça bouillonne sur les applications de rencontres. Tout le monde veut baiser», affirme Jean-Daniel.

Un constat partagé par Guillaume*, 28 ans, qui a observé une croissance marquée du nombre de «matchs» sur ses comptes en ligne. Mais, lui, contrairement à Jean-Daniel, a décidé de tricher «un peu». Une fille rencontrée sur l’application Bumble le rejoint fréquemment sous la couette. «Elle est au chômage. Elle s’ennuie et moi aussi. Donc, on se voit pareil. En ce moment, je ne vois qu’elle et on se promet d’être exclusif, à cause du coronavirus», confie-t-il au HuffPost Québec en admettant savoir qu’il contrevient aux mesures sanitaires en vigueur.

Pour lui, il s’agit toutefois d’un compromis. Malgré les quelques messages qu’il reçoit, dont certains plus suggestifs d’anciennes partenaires esseulées qu’il n’a pas vues depuis trois ans, il refuse les avances, se consacrant uniquement à sa partenaire sexuelle exclusive de COVID-19. «C’est plus responsable», dit-il.

La sexologue Véronique Jodoin est découragée, mais pas trop surprise, par le scénario de Guillaume. «Je suis sûre que c’est fréquent pis que ça va empirer. C’est à l’image de la transmission des ITSS. Les gens n’ont pas peur et pensent qu’ils sont “corrects“ tant qu’ils n’ont pas de symptômes», constate-t-elle.

Les populaires applications de rencontres Tinder et Grindr invitent leurs utilisateurs à respecter certaines mesures d’hygiène - Grindr référant même au site de Santé Canada - mais ne suggèrent pas de limiter les rendez-vous pour l’instant.

Des options coquines mais (un peu plus) responsables

Anne-Marie*, célibataire de 29 ans, a elle plutôt décidé de se tourner vers les rencontres virtuelles. Il y a quelques jours, elle a connecté avec un gars sur Tinder qui lui a proposé une «bière virtuelle» et tout s’est enchaîné. «On a eu trois rencontres à date sur Facetime, dont deux soupers. […] Il m’a complimenté, il rougissait. On n’a pas le choix d’être plus direct comme on ne peut pas se toucher. C’était drôle. On avait une certaine connexion, mais via un écran. […] C’est le fun, parce que ça nous force à apprendre à se connaître, et à se parler surtout», raconte-t-elle.

Elle reconnaît toutefois ressentir certaines envies charnelles. «J’ai le goût de lui suggérer une marche à distance, mais ça pourrait être limite dangereux. Je ne sais pas si je respecterais la distance suggérée d’un mètre. Je veux le toucher.» Jusqu’ici, leurs échanges se limitent à des conversations, sans allusion sexuelle.

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Mais Jean-Daniel, qui dit ne pas être un fan des rencontres en général, préfère aller droit au but. Il n’est vraiment pas prêt à partager une bière virtuelle. Ses envies «primaires» doivent d’abord être comblées. Il s’est donc récemment abonné au compte Instagram Queerantine (queer + quarantaine) qui met en relation différentes personnes issues de la communauté LGBTQ+ afin d’échanger en privé des images érotiques.

«Au lieu de niaiser avec la séduction sur Grindr et de perdre l’interêt après deux, trois “salut, ça va?“, on échange sur Messenger [NDLR : la messagerie de Facebook] des photos et des vidéos personnelles de sexe, sans se toucher, sans COVID. C’est un fleuve de “dick pics”. En plus, ce n’est pas un site de chat anonyme, je sais de qui ça vient, ce qui rend la chose intéressante. Si je veux, je peux leur envoyer des messages en privé», indique-t-il.

Ils seraient maintenant plus de 100 participants, provenant autant de Montréal, de Chicago que de l’Australie, à partager leur intimité plusieurs fois par jour. Une autorisation du gestionnaire de la communauté Queerantine est nécessaire pour s’y joindre.

«Il faut faire attention avec ça, avertit cependant Véronique Jodoin. On déconseille premièrement aux ados de participer à ça. C’est illégal de partager du contenu érotique de mineurs. Après, il y a des pours et des contres. Oui, c’est fait entre adultes consentants et c’est une façon d’avoir du plaisir sans attraper la COVID-19, mais personne n’est à l’abri d’une capture d’écran.»

La sexologue propose plutôt d’échanger ce genre de contenu avec des personnes de confiance, sur des plateformes sur lesquelles les photos s’effacent après un court délai, ou mieux, de se lancer dans la rédaction de lettres érotiques.

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L’idée n’est pas de s’isoler avec de la porno pendant un mois, ou d’arrêter tous échanges à caractère sexuel, mais de ne pas les regretter une fois la pandémie terminée, ou les pulsions apaisées.

«C’est normal de ressentir un isolement affectif. Mais attraper la COVID-19 pour aller combler un vide émotionnel ou sexuel, c’est con. Il faudra faire de la gestion d’impulsivité», note le psychologue François Bilodeau, en suggérant à de telles personnes de consulter un professionnel de la santé mentale*.

L’abstinence, mieux que le sexe?

Mais alors qu’on traverse une période marquée par la crainte et le stress, le désir de faire des rencontres intimes ne serait pas aussi fort chez certains.

«Moi, j’ai tout arrêté. Je n’ai pas peur d’attraper la COVID-19 et j’ai le goût de voir des filles en vrai, mais on est tellement dans un monde de shaming [NDLR : de critiques envers les autres]. C’est rendu une honte de sortir», lance Simon*, célibataire de 32 ans, qui organise normalement une à trois rencontres amoureuses par semaine. Je vois pas de but dans le fait de dater en ligne. Ce qui m’allume, moi, c’est le contact humain, le contact physique, le buildup qui mène au baiser. Y’a rien de tout ça sur cam.»

Anne-Marie soulève aussi une autre crainte associée aux rencontres virtuelles. «Ça peut aller dans deux directions, mon affaire. Soit il y a un buildup et quand on se voit, on se saute dessus ou… Ma peur, c’est que ça tombe dans la friend zone, pis qu’on devienne ami et non amoureux, comme on apprend à se connaître tellement tranquillement.»

Chose certaine, plus les célibataires transgressent les limites suggérées par le gouvernement pour contenir la pandémie de COVID-19 au Québec, plus le virus se propagera et la période d’isolement - sans sexe pour certains - sera longue. Bonne retenue!

* Noms fictifs

* La clinique de psychologie Berri où pratique Dr. Bilodeau offre la téléthérapie, des séances de consultation à distance, notamment pendant la pandémie de COVID-19.

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