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S’éteindre à petit feu

«Au train où vont les choses, si les mesures actuelles persistent à être appliquées strictement, lorsque ma compagne sera enfin autorisée à mettre le nez dehors, elle ne sera plus en mesure de l’apprécier, ni même de s’en rendre compte.»
KatarzynaBialasiewicz via Getty Images

En ces temps difficiles de pandémie, il est impératif de combattre énergiquement le terrible fléau que représente le coronavirus tueur. Cependant, il ne faut pas négliger les graves dommages collatéraux que ce combat occasionne. Et il est heureux que les autorités politiques et de santé publique s’orientent désormais dans cette direction, notamment en s’efforçant de diminuer, ou même cesser le délestage des examens médicaux et chirurgies importantes.

Mais les règles très strictes appliquées aux personnes résidant en CHSLD et en unités de soins des résidences pour personnes âgées (RPA) mériteraient, selon moi, d’être réévaluées de façon urgente.

Ma compagne habite dans une unité de soins en RPA, et je ne peux qu’assister au déclin très rapide de ses facultés cognitives, en grande partie en raison du confinement sévère auquel elle est soumise. En plus d’être confinée dans sa chambre, elle est particulièrement affectée de ne pas pouvoir sortir à l’extérieur.

“Il arrive parfois qu’elle sorte manteau, gants et chapeau à mon arrivée. Ou même qu’elle les ait déjà enfilés. Ça me brise le cœur de devoir lui répéter chaque fois que c’est interdit.”

Avant la pandémie, j’allais la chercher au moins quatre fois par semaine pour des sorties; ce qui lui faisait très plaisir et représentait un besoin pour elle. Puis, la COVID a frappé et ma compagne se trouve maintenant strictement confinée. Ce qui, à ma grande tristesse, l’éteint à petit feu. En tant que proche aidant, je peux lui rendre visite et, pratiquement toutes les fois que je le fais (je lui rends visite presque tous les jours), elle me demande de l’emmener à l’extérieur.

Il arrive parfois qu’elle sorte manteau, gants et chapeau à mon arrivée. Ou même qu’elle les ait déjà enfilés. Ça me brise le cœur de devoir lui répéter chaque fois que c’est interdit. Je lui explique que c’est en raison de la maladie qui menace en ce moment, mais elle ne se rappelle pas de mes explications d’une fois à l’autre.

Le fait est que, bien sûr, la maladie dégénérative dont elle est atteinte cause un certain déclin. Mais j’ai remarqué que chaque fois qu’elle est soumise à un confinement sévère, son déclin s’accélère de façon évidente et rapide. Je comprends qu’il faut la protéger, ainsi que ses voisines et voisins, du virus qui les menace.

“Il ne faut pas tomber de Charybde en Scylla et, en voulant protéger les aînés vulnérables du monstre menaçant qu’est la COVID, les jeter dans les bras de Scylla (un confinement destructeur).”

Mais il me semble que des mesures pourraient être mises en place afin de protéger les résidents de CHSLD et unités de soins de RPA contre la dégradation accélérée de leurs facultés. Je pense, par exemple, à autoriser une marche à l’extérieur ou une promenade en auto (sans autorisation d’arrêt ou que ce soit), une ou deux fois par semaine, en compagnie d’un proche aidant désigné (résident et proche aidant portant le masque). De tels aménagements présenteraient, selon moi, des risques quasi nuls de contagion.

Mais ils procureraient, de toute évidence, un bienfait énorme aux résidentes et résidents de ces milieux de vie. Car il ne faut pas tomber de Charybde en Scylla et, en voulant protéger les aînés vulnérables du monstre menaçant qu’est la COVID, les jeter dans les bras de Scylla (un confinement destructeur). Car j’en suis à réaliser qu’au train où vont les choses, si les mesures actuelles persistent à être appliquées strictement, lorsque ma compagne sera enfin autorisée à mettre le nez dehors, elle ne sera plus en mesure de l’apprécier, ni même de s’en rendre compte.

Et elle n’est certainement pas la seule. Alors, je prie instamment les autorités politiques et de la santé publique du Québec d’autoriser un léger assouplissement, propre à protéger les aînés d’un déclin dévastateur et irrécupérable de leurs facultés.

Je tiens à préciser que je ne remets aucunement ici en question le travail merveilleux du personnel qui prend soin de ma compagne et des autres aînés. Ils font ce qu’ils peuvent, en suivant les règles établies et je leur en suis profondément reconnaissant.

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