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«Scandale»: un film dérangeant, mais nécessaire

Il se peut que vous sortiez de la salle avec les dents un peu raccourcies, à force de les faire grincer (surtout si vous êtes une femme).
Charlize Theron, Nicole Kidman et Margot Robbie dans Scandale (Bombshell).
Hilary B Gayle
Charlize Theron, Nicole Kidman et Margot Robbie dans Scandale (Bombshell).

«Jusqu’où es-tu prête à aller pour prouver ta loyauté?», «donnez-moi un plan large pour qu’on voie ses jambes», «ah oui, mais Roger est comme ça»... On vous prévient tout de suite: Scandale (Bombshell) est rempli de répliques enrageantes. Il se peut que vous sortiez de la salle avec les dents un peu raccourcies, à force de les faire grincer (surtout si vous êtes une femme).

Le film, qui sort en salles ce vendredi, est basé sur l’histoire vraie du scandale de harcèlement sexuel et de la culture d’entreprise toxique chez Fox News, révélé en 2016 aux États-Unis (donc avant l’ère #metoo). On y retrouve notamment Megyn Kelly (Charlize Theron, méconnaissable) et Gretchen Carlson (Nicole Kidman), alors qu’elles étaient des présentatrices vedettes de la chaîne de télévision américaine. Gretchen Carlson est la première à avoir accusé publiquement le PDG de la chaîne, Roger Ailes, de harcèlement sexuel, après avoir perdu son emploi.

L’histoire est racontée principalement par les trois protagonistes – Megyn Kelly, Gretchen Carlson et le personnage fictif d’une jeune employée, interprété par Margot Robbie –, qui s’adressent parfois directement au public. En ce sens, d’ailleurs, la première partie du film est particulièrement percutante, puisque les femmes partagent leurs pensées avec le public, parfois même en regardant la caméra. Mais après les présentations faites, en quelque sorte, on abandonne cette pratique (dommage).

Jay Roach (qui a d’abord réalisé de célèbres comédies comme Austin Powers et Meet the Parents) aborde ce sujet rendu nécessaire et inévitable avec un ton plutôt cru. Il se permet tout de même quelques petits moments cocasses – comme toutes les fois où le personnage de Megyn Kelly sent le besoin de répéter qu’elle n’est PAS féministe.

Le sexisme comme trame de fond

Le film commence alors que se prépare le débat des candidats au parti républicain, ce fameux débat pendant lequel Megyn Kelly a attaqué Donald Trump sur la façon dont il traite les femmes, notamment sur Twitter – une attaque à laquelle le principal intéressé a ensuite répondu, en entrevue, par une charmante réplique, laissant entendre que la journaliste devait avoir ses règles pour être si fâchée.

C’est sur cette trame de fond sexiste, un moment pendant lequel on sent que Megyn Kelly se remet profondément en question (même si elle «déteste être le sujet de l’histoire») que se tisse l’intrigue principale, à propos du harcèlement sexuel dont sont victimes de nombreuses journalistes féminines et employées de Fox News.

Les parallèles avec le scandale impliquant Harvey Weinstein sont troublants. Le modus operandi de Roger Ailes (aujourd’hui décédé) décrit dans le film semble à peu près toujours le même: il propose à une journaliste de lui faire une faveur sexuelle pour obtenir la chance d’être à l’écran ou encore une promotion, et si elle refuse, elle est mise de côté ou perd son emploi. La scène où le personnage de Margot Robbie doit montrer ses cuisses en relevant sa robe est d’ailleurs épouvantable à regarder.

Mais le plus dérangeant est peut-être que le personnage d’Ailes (interprété de façon juste assez sordide par John Lithgow, lui aussi méconnaissable) a tout de même quelque chose de presque sympathique. Malgré ses actes horribles, de nombreuses femmes le défendent, parce qu’elles sentent qu’il les a réellement en affection, et il les défend d’ailleurs plus d’une fois... en bon manipulateur qu’il est. Voilà justement un argument souvent utilisé en cour pour discréditer les victimes d’agression et de harcèlement sexuels qui continuent d’échanger avec leurs agresseurs.

Scandale est un film dur, mais nécessaire, en 2019. Même si Jay Roach et l’auteur Charles Randolph se sont contentés de rester un peu en surface, et de traiter de ce sujet hautement sensible d’une manière un peu sensationnaliste, il est à voir. Son plus grand attribut (sans compter les performances des solides actrices) reste de mettre la lumière sur une pratique qui a longtemps été en place dans plusieurs milieux de travail et n’est plus acceptable. On peut saisir, ne serait-ce qu’en partie, les contradictions, l’humiliation, la honte et la douleur de ces femmes victimes d’agressions ou de harcèlement sexuels. Parce que même si on peut ne pas partager les opinions de certaines journalistes de Fox News (une chaîne très à droite aux États-Unis), elles restent avant tout... des femmes.

Scandale (Bombshell, en version originale) est à l’affiche dès le vendredi 20 décembre.

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