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Il était une fois la maladie: histoire d'une maladie orpheline

Étant rares, ces maladies sont souvent orphelines d'intérêt de la part des chercheurs et des organismes qui subventionnent la recherche.
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Elle n'eut un nom qu'en 1899, et encore. Ce ne serait qu'en 1904 qu'un dermatologue norvégien, Cæsar Peter Møller Boeck, fit une description ressemblant le plus à ce qu'on connait aujourd'hui de la sarcoïdose et lui donna ce nom.

Le terme est tiré de deux mots grecs oïdes qui signifie «comme», et sarkos, «peau». Le nom fait référence aux tumeurs ressemblant à de la chair, initialement observées sur la peau des patients souffrant de cette maladie.

D'autres manifestations furent découvertes plus tard, comme la présence de granulomes au niveau pulmonaire, et on s'aperçut que plusieurs autres organes pouvaient être touchés, dont les ganglions lymphatiques (spécialement ceux du thorax), la peau, les yeux, le foie, le cœur, le système nerveux et le système squelettique.

La sarcoïdose porte aussi le nom de maladie de Besnier-Boeck-Schaumann (BBS).

Une maladie orpheline

La maladie de BBS est une maladie rare. En Europe, elle est de 1 à 40 cas pour 100 000 personnes, avec diverses variations. Ainsi, dans les pays nordiques comme en Scandinavie, la fréquence peut atteindre 64 cas pour 100 000, tandis que plus au sud, en Espagne par exemple, on enregistre à peine 0,4 cas par 100 000 habitants.

Aux États-Unis, on parle d'une moyenne de 11 cas pour 100 000 dans la population blanche, tandis que chez les Afro-Américains elle est trois fois supérieure. La maladie est aussi habituellement plus sévère dans cette dernière population, avec beaucoup moins de rémissions spontanées que ce que l'on constate dans la population caucasienne. On appelle maladie rare ou maladie orpheline une maladie qui touche moins de 1 personne sur 2 000.

Ce type de maladie pose plusieurs problèmes, tant au niveau des diagnostics que des traitements. De plus, le Regroupement québécois des maladies orphelines souligne qu'étant rares, ces maladies sont souvent orphelines d'intérêt de la part des chercheurs et des organismes qui subventionnent la recherche. Des efforts doivent être constamment fournis afin de trouver des moyens de financer des recherches dont les résultats sont difficilement rentables étant donné le faible nombre de personnes susceptibles d'en bénéficier.

Un précurseur illustre

Une cinquantaine d'années avant Boeck, Sir Jonathan Hutchinson (1828-1913), un médecin, chirurgien, ophtalmologiste et dermatologue britannique, fut le premier à mentionner certains symptômes de la maladie. Il fut connu comme un observateur exceptionnellement astucieux et un auteur prolifique dans une multitude de sphères, sa bibliographie comprenant près de 1 200 items.

William Osler, illustre professeur à l'université McGill, parlait de Hutchinson en ces termes : «Quand je rencontre quelques anomalies ou maladies rares sur lesquelles les manuels scolaires et les encyclopédies demeurent muettes, je dis à mes élèves de consulter le livre de M. Hutchinson Archives of Surgery

Hutchinson fut président du prestigieux Royal College of Surgeons ainsi que de la Neurological Society, et on dit qu'il effectua des mastectomies jusqu'à l'âge de 70 ans. Comme dermatologue, il avait remarqué ces petites tumeurs ressemblant à de la chair qui apparaissaient sur certains patients atteints. Il publia une description de la maladie en 1877 dans un article paru dans Illustrations of clinical surgery.

Les trois pères de la maladie

Plus de vingt ans plus tard, ce sera au dermatologue français Ernest Henri Besnier de décrire une lésion semblable sur la peau. Il avait remarqué que, chez certains patients, cette lésion se présentait de manière symétrique aux extrémités. Il donna le nom de lupus pernio à cette maladie.

Dès 1872, le docteur Besnier, nouvellement arrivé à l'hôpital Saint-Louis à Paris, décide d'orienter sa carrière uniquement vers les maladies de la peau. Rapidement, sa renommée dépasse les frontières françaises. Il fut le premier à créer un laboratoire histologique, et il traça la voix à une recherche scientifique en dermatologie. À cause de sa contribution aux connaissances par l'analyse histologique des tumeurs dermatologiques de cette maladie, la sarcoïdose porte aujourd'hui aussi le nom de maladie de Besnier-Boeck-Schauman.

Un deuxième père : Cæsar Peter Møller Boeck

Conférencier émérite, le docteur Boeck était avant tout un dermatologue norvégien qui s'intéressa particulièrement aux recherches de Hutchinson et Besnier. Tel que mentionné, il fut le premier à donner le nom de «sarcoïdose» à la maladie en 1904, tant et si bien qu'on parla longtemps de la «sarcoïdose de Boeck» pour la décrire.

Le docteur Boeck fut aussi le premier à supposer que la maladie avait une origine systémique, sans toutefois pouvoir en apporter la preuve.

Le troisième père : Johan Nilsen Schaumann

Il faudra un autre vingt ans pour confirmer la nature systémique de la maladie. Ainsi, en 1924, un autre dermatologue, suédois cette fois, le docteur Schaumann, découvrit que la sarcoïdose pouvait toucher plusieurs organes, et la nomma «lymphogranulomatose bénigne», faisant ainsi une distinction entre la sarcoïdose et le lymphome de Hodgkin.

La consécration

«Si Schaumann avait compris qu'il s'agissait d'une maladie systémique, le premier à faire une synthèse raisonnée de l'ensemble des données de la littérature, et qui a d'ailleurs passé toute sa carrière à s'intéresser à ce problème, est Lucien-Marie Pautrier. Il publia en 1940 un ouvrage consacré exclusivement à cette maladie qu'il appelle maladie de Besnier-Boeck-Schaumanb.»

De ces trois chercheurs est donc né le nom de maladie de Besnier-Boeck-Schaumann pour identifier la sarcoïdose.

Vers le milieu des années 1950, Sven Halvar Löfgren, un pneumologue suédois, décrivit la forme aiguë de la maladie. Ce qu'on appelle de nos jours «syndrome de Löfgren» est une forme de la sarcoïdose associant des complications telles des arthralgies, des adénopathies médiastinales (révélées par des radiographies ou par tomodensitométrie), de la fièvre et un érythème noueux.

Et les traitements

Les traitements médicamenteux de base sont surtout constitués de corticostéroïdes auxquels peuvent être ajoutés pour les cas plus complexes des médicaments qui affaiblissent le système immunitaire (ex. : méthotrexate, azathioprine ou chlorambucil). Un nouveau médicament a vu le jour : l'infliximab, ou Remicade. Ce médicament peut être utilisé dans certains cas bien spécifiques. Au Québec, les personnes souffrant de sarcoïdose et celles atteintes du syndrome de Löfgren peuvent trouver de l'information et du soutien auprès de l'Association pulmonaire du Québec.

Sir Jonathan Hutchinson, Anomalous diseases of skin and fingers: case of livid papillary psoriasis?, dans Illustrations of clinical surgery, London, J. & A. Churchill, 1877, p. 42-43.

Lucien-Marie Pautrier, La maladie de Besnier-Boeck-Schaumann, Masson, Paris 1940.

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