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À 4 ans, sa vie a été bouleversée par un accident de tondeuse

«On peut penser que ça n'arrive qu'aux autres, mais là, l'autre, c'était moi.»

Alors que le nombre de noyades est déjà en augmentation cet été par rapport à l’an dernier, Louis Bourassa souhaite quant à lui attirer l’attention sur les dangers des tondeuses, des engins qui font des blessés et parfois même des morts chaque année.

Le Montréalais en sait quelque chose: à l’âge de quatre ans, sa jambe droite a été fauchée par le tracteur de pelouse que conduisait son père sur le terrain de la ferme familiale. «Même s’il m’avait dit à plusieurs reprises de ne pas m’approcher des machines dangereuses, j’ai couru derrière la machine et je suis monté sur le tracteur de pelouse, se souvient Louis Bourassa. J’ai glissé et ma jambe est passée en-dessous des lames.

Louis Bourassa
Courtoisie/Louis Bourassa
Louis Bourassa

À son arrivée à l’hôpital, ses proches ont bien pensé que le jeune garçon décéderait des suites de son accident. Il s’en est finalement sorti, mais de nombreuses opérations et une longue période de convalescence ont été nécessaires. «En tant qu’enfant de quatre ans, je n’ai pas paniqué. J’attendais que ma jambe repousse!» lance celui qui a été emballé lorsque sa mère lui a dit qu’il aurait une nouvelle jambe, artificielle, et qu’il ne ressentirait pas de douleur si quelqu’un pile sur celle-ci.

L’accident a évidemment eu des séquelles physiques sur Louis Bourassa, qui a dû réapprendre à marcher et à fonctionner avec une jambe artificielle, mais l’événement a affecté toute sa famille, qui a dû traverser une période plus sombre. «Mon père se sentait énormément coupable de m’avoir coupé la jambe, et ma mère essayait de remonter le moral de tout le monde, mais ce n’était pas si facile que ça», raconte-t-il.

«Mon père trouvait ça difficile de recevoir les commentaires des autres qui lui demandaient pourquoi il avait coupé ma jambe ou comment s’était passé l’accident. Il était tout le temps là-dedans, il avait beaucoup de peine», se remémore Louis Bourassa, qui explique que sa famille a finalement fait le choix de déménager peu de temps après les événements. «C’était un petit village. Les gens prenaient des nouvelles, puis déformaient l’histoire et la racontaient aux voisins. C’était lourd.»

«Ce que je n’aimais pas, c’est que les gens décidaient à ma place si j’étais capable de faire quelque chose ou pas.»
Courtoisie/Louis Bourassa
«Ce que je n’aimais pas, c’est que les gens décidaient à ma place si j’étais capable de faire quelque chose ou pas.»

En grandissant, Louis Bourassa se faisait naturellement remarquer pour sa différence. «J’étais le seul amputé dans ma petite campagne. Les gens dans la rue m’arrêtaient et me questionnaient. Je trouvais ça pesant, admet-il. Et à l’école, je recevais quelques remarques désobligeantes. Ce que je n’aimais pas, c’est que les gens décidaient à ma place si j’étais capable de faire quelque chose ou pas.»

Les personnes qui ont un bras ou une jambe artificiels se font beaucoup remarquer dans la rue, et Louis Bourassa en sait quelque chose. «Il y a un regard de curiosité, qui est normal, mais il y a aussi le regard de pitié, et ça, on n’en veut pas, non merci, affirme-t-il. C’est vrai que c’est intrigant, mais je dirais aux gens de ne pas se gêner de nous approcher pour nous parler et nous questionner», poursuit-il.

«Ce qui m’a sauvé de ce tourbillon-là, c’est quand on m’a inscrit au programme pour enfants amputés, Les Vainqueurs. Mon père avait la chance de rencontrer d’autres parents qui étaient également responsables d’un accident, et moi je rencontrais d’autres enfants qui vivaient avec la même réalité que moi.»

Une vie presque normale

«Avec les Amputés de guerre, on met le focus sur ce qui reste, et non sur ce qui manque. On a accès à des prothèses sophistiquées pour qu’on puisse avoir une vie pleine et entière», constate Louis Bourassa, qui estime avoir grandi en ayant eu la possibilité de faire toutes les choses dont il a pu rêver.

Il explique que malgré tout, sa condition nécessite d’apprendre à vivre avec une tolérance à la douleur, mais également de rester actif en tout temps. «Il faut garder une bonne hygiène de vie. On ne peut pas se permettre d’avoir une variation de poids parce que la prothèse est faite en fonction de notre poids», précise-t-il.

Depuis son jeune âge, le Montréalais partage son histoire à travers des présentations et donne des conférences pour sensibiliser jeunes et moins jeunes au fait que les tondeuses ne sont pas des jouets, et qu’il faut s’en tenir loin. Louis Bourassa est aujourd’hui directeur du programme Les Vainqueurs. En grandissant, il s’est toujours dit qu’il voudrait apporter sa contribution à la cause des amputés.

«Quand je parle aux jeunes, je leur dis: "ce n'est pas parce que ça m'est arrivé que ça te protège toi"», raconte Louis Bourassa.
Courtoisie/Louis Bourassa
«Quand je parle aux jeunes, je leur dis: "ce n'est pas parce que ça m'est arrivé que ça te protège toi"», raconte Louis Bourassa.

La période estivale lui rappelle inévitablement ce qu’il a vécu dans son enfance, et il veut tout faire pour éviter que d’autres enfants et leur famille vivent une telle tragédie.

«À cette période-ci de l’année, on voit des tondeuses chaque jour. Avec le temps, on devient désensibilisés au danger qu’elles représentent, alors que c’est une des machines qui cause le plus d’amputations, signale Louis Bourassa. Quand je fais des présentations aux jeunes, je leur dis que ce n’est pas quétaine d’être prudent et qu’on peut penser que ça n’arrive qu’aux autres, mais là, l’autre, c’était moi.»

Il assure que les Amputés de guerre seront toujours là pour ceux qui en ont besoin, même s’il espère sincèrement ne voir aucun enfant cet été qui ait besoin d’une prothèse à la suite d’un accident de tondeuse.

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