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La Russie est-elle en train de «nucléariser» les mers?

Pour assurer l'approvisionnement électrique des villes et sites miniers de sa zone arctique, la Russie s'est en effet lancée dès 2006, via le consortium russe Rosenergoatom, dans la construction de CNF à destination de régions énergétiquement limitées .
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Tout récemment, la presse se faisait l'écho de la décision prise par la Norvège d'attribuer des licences d'exploration dans l'Arctique à plusieurs compagnies pétrolières. Le territoire concerné couvre des zones jusqu'alors inexplorées dans la mer de Barents, dont certaines à proximité immédiate de la frontière maritime de la Russie.

Cette nouvelle nous rappelle que les immenses réserves inexploitées de ressources naturelles de l'océan Arctique, dont des réserves de pétrole et de gaz, suscitent les convoitises et une vigilance exacerbée des cinq états riverains que sont le Canada, le Danemark, les États-Unis, la Norvège, la Russie.

Elle appelle aussi l'attention sur les nouvelles technologies développées par la Russie pour garantir sa présence dans ces régions reculées dont les industries sont énergivores et les éventuelles implications de leur utilisation : les centrales nucléaires flottantes (CNF).

Pour assurer l'approvisionnement électrique des villes et sites miniers de sa zone arctique, la Russie s'est en effet lancée dès 2006, via le consortium russe Rosenergoatom, dans la construction de CNF à destination de régions énergétiquement limitées (1). C'est ainsi que le navire/centrale Akademic Lomonosov, mis à l'eau en 2010, devrait être livré en octobre 2016.

Ce navire non motorisé d'une longueur de 144,4 mètres pour une largeur de 30 mètres a un déplacement de 21 500 tonnes. Équipé de deux réacteurs KLT-40 de propulsion navale, il pourra fournir jusqu'à 70 MW d'électricité et 300 MW de chaleur, puissance qui permet l'alimentation d'une ville de 200 000 habitants. Il peut aussi être utilisé comme usine de dessalement. La durée de vie du navire devrait être de quarante ans (2). L'Akademic Lomonossov est donc bien une base nucléaire mobile.

Or, la Russie n'exclut pas l'exportation de ces bâtiments. D'autant qu'actuellement une vingtaine de pays seraient intéressés (3) (Chine, Indonésie, Malaisie...). Toutefois, la Russie ne commercialiserait pas officiellement les CNF (4à, mais seulement l'électricité produite afin de respecter le TNP et d'éviter toute prolifération nucléaire.

Ces CNF seraient donc l'objet de leasing ou de location aux pays acquéreurs. La Russie envisagerait en effet de conférer aux CNF un statut d'extraterritorialité, ce qui est actuellement incompatible avec le droit international et le TNP. Ce statut prévoirait en conséquence que ces pays pourraient bénéficier de la puissance nucléaire des barges, mais que la matière radioactive resterait la propriété de la société russe, partenaire du contrat, et qu'en aucun cas elle ne quitterait les barges.

Cette démarche suscite un certain nombre d'interrogations juridiques dans la mesure où cette extraterritorialité n'a pas beaucoup de sens puisque la centrale nucléaire flottante doit alimenter quelque chose (plate-forme, usine de désalinisation proche des côtes...) .

Le Kremlin envisage-t-il une extraterritorialité en haute mer ? Quelle est la position de l'Agence internationale à l'énergie atomique ?

D'une manière générale, la dangerosité potentielle d'un tel projet semble forte. Même si des mesures ont été prises pour éviter tout incident , de nombreuses problématiques se posent en termes de sécurité et de sûreté (explosion accidentelle, catastrophe écologique, détournement, chute d'avions, terrorisme, piratage...)

Mais déjà d'autres inquiétudes se profilent... Au début de cette année, le gouvernement chinois annonçait sa décision de construire des CNF dans le cadre du programme de doublement de la capacité du parc nucléaire chinois d'ici 2020. Deux géants du nucléaire chinois, China General Nuclear et China National Nuclear Corporation, développent deux projets concurrents...

Naviguerait-on en avant toute vers une nucléarisation sans frein des océans et des mers ?

Par Viviane du Castel et Julie Montfort www.catspawgroup.eu

  1. Ex. : utilisation de centrales nucléaires flottantes par Gazprom pour les gisements offshore (pétrole et gaz) dans les péninsules de Kola et Yamal. www.world-nuclear-news.org
  2. Le transfert de technologie entre université et entreprise peut ainsi être stimulé, favorisant l'innovation sur le long terme et aboutir à une expertise conjointe, facteur de croissance et de développement : nouveaux produits et procédés, dépôts de brevet, commercialisation, organisation, technologie... Christophe Albaladeju, Philippe Gueslin, Danièle Magda et Pascal Salambier, « La mise à l'épreuve. Le transfert de connaissances scientifiques en question », QUAE, 2009.
  3. Viviane du Castel, Jacques Chénais et Thibault Renard, « L'Europe face au nucléaire offshore russe », Conférence au Festival de Géopolitique de Grenoble, 3 avril 2014.
  4. TNP : Traité de Non Prolifération.

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Ce billet de blogue a été initialement publié sur le HuffPost France.

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