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Royalmount: 266 000 voitures à retirer pour que le projet fonctionne

Un rapport propose une vaste réorganisation du transport en commun et des routes pour que le développement du secteur soit viable.
Le site prévu pour le projet Royalmount, à l'angle des autroutes 15 et 40.
Courtoisie - Carbonleo
Le site prévu pour le projet Royalmount, à l'angle des autroutes 15 et 40.

Le projet Royalmount ne fonctionnera pas sans des investissements massifs dans les transports en commun et le réseau routier, selon un nouveau rapport sur la mobilité dans le secteur Namur-De la Savane. Et le projet demeure insatisfaisant aux yeux de la mairesse Valérie Plante.

Prolongement de la ligne orange à l’ouest, parachèvement du boulevard Cavendish, réaménagement des abords de l’autoroute Décarie, pistes cyclables, voies réservées, etc. Les mesures proposées par le groupe de travail pour désengorger le secteur des autoroutes 15 et 40 sont multiples et complexes.

Mais, selon l’experte Florence Junca-Adenot, qui présidait le groupe, elles sont nécessaires pour que le projet Royalmount soit viable. Sans parler des sept autres projets de développement dans le secteur, dont celui de l’ancien hippodrome.

«Le succès de ce projet repose sur l’accès aux transports en commun. On voulait déjà retirer 72 000 déplacements en voiture par jour avant l’arrivée de tous ces projets. Avec les 94 000 déplacements prévus pour Royalmount et les 100 000 déplacements prévus pour les autres projets, on arrive à 266 000 véhicules à retirer des routes», souligne-t-elle.

Florence Junca-Adenot présente les résultats du groupe de travail sur la mobilité dans le secteur Namur-De la Savane.
Olivier Robichaud
Florence Junca-Adenot présente les résultats du groupe de travail sur la mobilité dans le secteur Namur-De la Savane.

Actuellement, le transport en commun ne compte que pour 17% des déplacements du secteur et le transport actif est négligeable. L’essentiel se fait en voiture.

Métro et Cavendish

Parmi les mesures phares, on note le prolongement de la branche ouest de la ligne orange jusqu’à la station Bois-Franc du Réseau express métropolitain (REM) afin que le métro absorbe une partie des déplacements à partir de la Rive-Nord. Éventuellement, elle devra se rendre à Laval.

«Cette branche du métro a une capacité additionnelle de 68%. […] Est-ce qu’on peut se permettre d’avoir tout une branche de métro qui est sous-utilisée à ce point?», lance Mme Junca-Adenot.

Le gouvernement du Québec a récemment demandé à la Caisse de dépôt et placement du Québec d’étudier un éventuel prolongement du REM à Laval, en lieu et place de la ligne orange. Mme Junca-Adenot, anciennement directrice générale de la défunte Agence métropolitaine de transport (AMT), n’a pas analysé l’impact de cette éventualité sur la circulation provenant de la Rive-Nord.

La chercheuse ne souhaite pas se prononcer sur les avantages de ce projet par rapport au prolongement du métro.

Les 13 recommandations du rapport Namur-De la Savane

  • Désenclaver le secteur, notamment en prolongeant le boulevard Cavendish et en créant une passerelle piétonne au-dessus de l’autoroute Décarie.
  • Diminuer la congestion routière avec des mesures de transport en commun comme le prolongement de la ligne orange vers le REM et vers Laval, la refonte de l’offre de bus et le réaménagement de l’autoroute Décarie.
  • Améliorer la fluidité du réseau autoroutier en révisant les voies de desserte des autoroutes 15 et 40 et en ajoutant des voies réservées aux autobus.
  • Offrir du logement abordable à proximité des pôles d’emploi comme Royalmount.
  • Adopter une vision d’ensemble pour la mobilité.
  • Poursuivre la planification du secteur.
  • Assurer l’intégration des 8 huit projets de développement prévus dans le secteur, dont Royalmount et l’hippodrome.
  • Prendre acte du concept révisé pour Royalmount.
  • Établir des cibles de diminution des déplacements en voiture par rapport aux débits journaliers actuels.
  • Mettre en place un mécanisme pour coordonner le suivi des recommandations.
  • Modifier les lois et règlements pour que l’impact régional d’un projet soit pris en compte, même lorsque l’intervention relève de l’administration locale.
  • Forcer les promoteurs à participer au financement des infrastructures de transport collectif et actif.

La ministre déléguée aux Transports, Chantal Rouleau, a accueilli favorablement le rapport. Elle estime que le prolongement de la ligne orange vers la station Bois-Franc serait possible après l’ouverture du nouveau garage de métro à la station Côte-Vertu.

Mme Junca-Adenot propose aussi la connexion des deux tronçons du boulevard Cavendish, de part et d’autres de la gare de triage du Canadien Pacifique, et son prolongement vers la rue Jean-Talon. Ce projet figure au Plan triennal d’immobilisations de la Ville de Montréal, mais il traîne depuis des décennies à cause de négociations qui piétinent avec la compagnie ferroviaire.

La mairesse Valérie Plante s’est dite confiante de pouvoir faire avancer le dossier à la lumière du rapport de Mme Junca-Adenot et des commentaires de la ministre Rouleau.

Faire payer les promoteurs

Mme Junca-Adenot a aussi lancé un pavé dans la marre en recommandant que les promoteurs immobiliers financent les infrastructures en transport collectif nécessaires pour desservir leurs projets.

“Les ressources pour financer les mesures de mobilitérequises dépassent les frontières de chaque entitélocale. [...] Les mesures visantl’amélioration des modes de transport collectif et actifdevraient recevoir un financement selon des principesassociés aux bénéficiaires-payeurs, aux utilisateurs-payeurs, aux pollueurs-payeurs ou aux générateurs-payeurs, selon le cas.”

- Extrait du rapport du groupe de travail Namur-De la Savane

Le modèle est déjà utilisé pour financer le REM. Des redevances sont versées à l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) par les promoteurs qui souhaitent profiter du REM pour créer un projet de développement immobilier. L’ARTM pourra utiliser cette mesure pour financer d’autres modes de transport à partir de 2021.

Mme Junca-Adenot souligne que Carbonleo a déjà proposé de financer plusieurs mesures de transport, notamment la passerelle au-dessus de l’autoroute 15 pour se rendre à la station de métro De la Savane. L’entreprise a aussi proposé une navette électrique entre Royalmount et le REM, mais cette proposition n’a pas été retenue.

Royalmount plus petit, mais toujours inacceptable

Parallèlement, Mme Plante a fait le bilan de ses négociations avec le promoteur du projet Royalmount, Carbonleo. Les espaces de bureaux et de commerces ont été réduits de 44% et l’envergure des salles de spectacles a été réduite afin de limiter la compétition avec le Quartier des spectacles, au centre-ville. Le verdissement est aussi plus important.

C’est toutefois insuffisant aux yeux de la mairesse.

«Au point où on en est, la Ville de Montréal ne peut pas se ranger derrière ce projet. Mais n’oublions pas la composante résidentielle, qui sera importante. Ça diminue les pressions pour que le site devienne seulement une destination. Ça devient un lieu d’habitation, ce qui retire la pression sur les routes», affirme-t-elle.

L'entreprise Carbonleo a revu son projet en réduisant l'espace disponible pour les bureaux et les commerces et en augmentant le verdissement.
Courtoisie - Carbonleo
L'entreprise Carbonleo a revu son projet en réduisant l'espace disponible pour les bureaux et les commerces et en augmentant le verdissement.

Dans son rapport, Florence Junca-Adenot souligne aussi qu’il faut encore réduire les 9850 places de stationnement prévues sur le site Royalmount.

Mont-Royal satisfait, Saint-Laurent doute

Le maire de Ville Mont-Royal, Philippe Roy, a accueilli les recommandations du rapport, notamment en ce qui concerne l’habitation. Il affirme que les modifications de zonage nécessaires pour inclure de l’habitation seront adoptées par sa municipalité.

Une proposition semblable avait pourtant été refusée par Ville Mont-Royal en 2013. M. Roy affirme que la situation a changé, notamment avec l’ajout de nombreux autres projets domiciliaires dans le secteur.

L’endroit est actuellement zoné industriel et commercial.

Le maire d’arrondissement de Saint-Laurent, Alan DeSousa, doute toutefois que ces projets soient livrés assez rapidement et qu’ils règlent adéquatement les problèmes.

«On va avoir des cauchemars incroyables chez nous. Je m’attends à ce que mes rues résidentielles soient bloquées, je m’attends à ce que la congestion soit pire que ce qu’on voit actuellement au rond-point Décarie. J’ai de la difficulté à croire que le 38% d’utilisation des transports en commun, qui est le même taux que le centre-ville de Montréal, se réalisera à De la Savane», dit-il.

«On n’est pas nés hier. Les projets présentés aujourd’hui ont été promis il y a des décennies, ils n’ont jamais été réalisés.»

Dans une déclaration envoyée par courriel, Carbonleo dit accueillir le rapport de Mme Junca-Adenot. L’entreprise dit poursuivre sa démarche de bonification du projet. Une nouvelle mouture sera présentée à la population à l’automne.

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