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La peste bubonique est de retour en Chine (mais pas de panique)

Un cas de peste bubonique a été répertorié en Mongolie intérieure, mais il n'y a aucune raison de craindre une pandémie de plus.

Alors que le monde entier a les yeux rivés sur la pandémie de coronavirus, c’est une autre maladie bien connue qui a refait surface en Chine: la peste bubonique. Les autorités de la ville de Bayannur, en Mongolie intérieure, ont confirmé ce dimanche 5 juillet qu’un berger avait été diagnostiqué et était dans un état stable à l’hôpital.

Le niveau d’alerte (qui compte quatre niveaux et où 4 est le plus bas) est passé au stade 3. Il est déconseillé aux habitants de la région de chasser, manger ou transporter des animaux sauvages, particulièrement des rongeurs tels que les marmottes, selon un communiqué de la commission de santé de la ville relayé par le New York Times.

Si dans l’imaginaire collectif, la peste bubonique évoque le pire d’une épidémie, il ne faut surtout pas paniquer pour autant. D’abord, car la découverte des antibiotiques a donné à l’humanité un remède très efficace face à cette maladie au taux de mortalité normalement très élevé. Si on est traité à temps, on survit.

Ce cas ne veut pas non plus dire qu’il y a une résurgence étonnante de la bactérie. La dernière grande pandémie a eu lieu au tout début du siècle dernier, mais les cas de peste chez les humains sont toujours relativement courants dans le monde. De 2010 à 2015, 3248 cas ont été répertoriés dans le monde par l’OMS, entraînant 584 morts. Rien qu’en Chine, quatre cas de peste pneumonique ont été détectés en novembre dernier.

“Ce cas permet de rappeler que le bacille de la peste est toujours bien présent et circule en épizootie [épidémie chez les animaux, NDLR] chez des rongeurs souterrains, spécialement en Asie centrale”, explique au HuffPost Serge Morand, chercheur du CNRS à l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier.

Plusieurs types de peste

Les scientifiques en ont maintenant la quasi-certitude: toutes les grandes épidémies de peste sont à l’origine parties de cette région avant de s’étendre en Chine, puis dans le reste du monde grâce au commerce, notamment via la route de la soie.

“Ce sont des épisodes assez réguliers, souvent liés aux conditions climatiques et au fait que les rongeurs pullulent.”

- Serge Morand, chercheur

À l’origine, le bacille de la peste, la bactérie à l’origine de la maladie, vit dans des puces sur des rongeurs vivant sous terre. Il circule à bas bruit pour, par moments, exploser et parfois contaminer des êtres humains. “Ce sont des épisodes assez réguliers, souvent liés aux conditions climatiques et au fait que les rongeurs pullulent”, détaille Serge Morand.

“Il se peut qu’une puce saute sur un homme et lui transmette la bactérie, qui va migrer jusqu’au ganglion régional proche du lieu de piqûre”, complète Anne-Sophie Le Guern, responsable du Centre national de référence de la Peste à l’Institut Pasteur, interrogée par le HuffPost. C’est ce qu’on appelle la peste bubonique. Sans traitement antibiotique, elle est mortelle dans 50% des cas.

La peste pneumonique, elle, est une variante qui se développe parfois quand la maladie infecte les poumons. C’est la seule à être contagieuse d’humain à humain et elle tue dans 100% des cas. “Il y a aussi une forme peu classique, qui pourrait bien être en réalité le cas repéré en Chine”, note Anne-Sophie Le Guern. “Dans cette région, il est assez courant de manger de la viande de marmotte, même si c’est interdit. Or, c’est un réservoir de la peste. Si l’on mange de la viande crue contaminée, ce qui est assez rare, la bactérie se fixe dans le pharynx et entraîne une septicémie”.

Une maladie endémique dans certaines régions

Si les types de pestes varient, il y a donc régulièrement des cas en Asie Centrale, du Kazakhstan à la Chine en passant par la Mongolie. Mais pas uniquement. “Lors de la dernière grande épidémie au XIXe siècle, également partie de Chine, le bacille a réussi à s’endémiser localement dans certaines régions”, rappelle Serge Morand. Ce qui veut dire que les rongeurs locaux sont parfois porteurs de puces contaminées et que la bactérie continue de circuler dans les terriers.

Depuis, on voit donc parfois des cas de personnes contaminées par des rongeurs en Amérique, en Afrique (notamment à Madagascar), ou encore au Vietnam par exemple.

Les foyers naturels de la peste dans le monde, selon l'OMS.
OMS
Les foyers naturels de la peste dans le monde, selon l'OMS.

Par contre, alors que le continent fut violemment touché lors de la peste justinienne et de la peste noire, le bacille n’est pas endémique en Europe. Les rares cas sont toujours importés. Le climat, encore une fois, ferait partie des hypothèses expliquant cette absence.

Dans un rapport de 2018, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) rappelle qu’aucun cas de peste n’a été répertorié en 2016 en Europe et qu’aucun cas de peste autochtone n’a eu lieu “depuis plusieurs décennies” sur le continent.

Risque dans les campagnes ou les faubourgs

En 2015, 320 cas ont été répertoriés par l’ECDC, donc 94% en Afrique et notamment à Madagascar (275 cas). “La reémergence de la maladie, notamment dans des zones urbaines pauvres, reste une source de préoccupation”, note le rapport.

“C’est pour cela que même s’il n’y a plus de grandes épidémies, il faut toujours surveiller les endroits où la peste est endémique”, met en garde Serge Morand, tout en rappelant qu’elle frappe beaucoup plus la campagne que la ville aujourd’hui, à l’inverse de l’image que l’on a de la maladie.

Pourquoi? Car si le rat fut le vecteur principal des grandes épidémies, aujourd’hui, le contrôle des rongeurs, l’augmentation de l’hygiène et le contrôle des ports dans les grandes villes ont diminué les risques. Sauf dans les environnements touchés par une pauvreté importante.

Si le rat est un bon vecteur de transmission, la bactérie survit normalement plutôt dans des milieux souterrains, notamment dans les terriers et tunnels creusés par des rongeurs dans les plaines. Il est donc logique que les cas qui surviennent touchent souvent des bergers ou des agriculteurs qui ont été en contact avec un animal sauvage infecté. “Le risque épidémique de nombreuses transmissions importantes, est très faible, mais le risque individuel pour certaines populations, notamment rurales, est toujours là”, résume Serge Morand.

Ce texte a été publié originalement sur le HuffPost France.

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