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Ce que nous enseigne la dernière résolution de l'ONU sur le conflit israélo-palestinien

Les dernières résolutions du Conseil de sécurité condamnant ces actions israéliennes datent de 1980.
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La résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité des Nations Unies condamnant la politique de colonisation israélienne: brève mise en perspective

Le 23 décembre 2016, pour la première fois depuis l'année 1980, le Conseil de sécurité des Nations Unies a pu adopter une résolution condamnant en des termes extrêmement catégoriques, les implantations israéliennes en territoire palestinien. Les projets de résolution sur celles-ci présentés depuis étaient systématiquement l'objet d'un véto nord-américain, permettant ainsi aux autorités israéliennes, en toute impunité, de continuer la construction de nouvelles implantations et de procéder à la destruction de maisons habitées par des familles palestiniennes, tant en Cisjordanie que dans les quartiers de Jérusalem-Est.

Les dernières résolutions du Conseil de sécurité condamnant ces actions israéliennes datent de 1980 (voir le texte des résolutions 476 et 478). Dans un rapport récent daté du 29 décembre 2016, on lit que durant l'année 2016, plus de mille maisons de familles palestiniennes ont été démolies ou saisies: «Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) des Nations Unies a annoncé jeudi que 1089 structures appartenant à des Palestiniens en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, ont été démolies ou saisies par les autorités israéliennes durant l'année 2016» (voir note de presse des Nations Unies).

Concernant les chiffres de cette colonisation et ses effets pendant plus de 35 ans, lors d'une séance spéciale organisée au mois d'octobre 2016 devant les membres du Conseil de Sécurité (voir note de What's in Blue), l'activiste nord-américaine/israélienne Lara Friedman de l'ONG Americans for Peace Now (APN), entité soeur de l'ONG israélienne Peace Now (voir site officiel) déclara haut et fort que:

"Twenty-three years ago, in 1993, Israel and the PLO signed the Declaration of Principles, also known as the Oslo Accords. Back then, the settler population in the West Bank, excluding East Jerusalem, was around 116,000. At the end of 2015, that number was nearly 390,000. Looking just at East Jerusalem, in 1993 the Jewish Israeli population was approximately 146,000. Today it is over 210,000. This population explosion could not have occurred without Israeli government support and encouragement, including, most obviously, the approval and construction of new housing. And that is exactly what happened. During this same period, 1993 to today, over 50,000 settlement units were built in the West Bank, and plus thousands more in East Jerusalem. What about settlement construction just under Prime Minister Netanyahu 2016 figures are still not complete, but looking at 2009 to 2015 - which included the so-called "moratorium" - more than 11,000 settlement units were established in the West Bank with the approval of Israeli authorities. And in 2015 alone, we are talking about almost 2000 new units in West Bank settlements" (voir texte de son allocution du 14 octobre 2016 à New York).

Le texte de la résolution 2334 (2016), précise, entre autres, que le Conseil de sécurité des Nations Unies:

«1. Réaffirme que la création par Israël de colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n'a aucun fondement en droit et constitue une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la réalisation de la solution des deux États et à l'instauration d'une paix globale, juste et durable;

2. Exige de nouveau d'Israël qu'il arrête immédiatement et complètement toutes ses activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et respecte pleinement toutes les obligations juridiques qui lui incombent à cet égard;

3. Souligne qu'il ne reconnaîtra aucune modification aux frontières du 4 juin 1967, y compris en ce qui concerne Jérusalem, autres que celles convenues par les parties par la voie de négociations.»

Le point 11 du dispositif indique que le Conseil de sécurité n'est pas dupe, et connaît fort bien l'attitude des autorités israéliennes au regard du droit international et des résolutions émanant des Nations Unies. On notera que pendant ces dernières années, chaque victoire diplomatique palestinienne a été répondue par de nouvelles implantations israéliennes: par exemple, on peut citer le fait qu'au lendemain du vote du 29 novembre 2012 de l'Assemblée générale des Nations Unies reconnaissant à la Palestine le statut d'«État non membre observateur», (Note 1) les autorités israéliennes répliquaient avec la construction de 3000 nouveaux logements (voir note de la BBC); ou encore que la ratification par la Palestine de 20 traités internationaux au mois d'avril 2014 signifia la construction de 708 nouveaux logements et la destruction de 32 maisons habitées par des familles palestiniennes (voir note de Human Rights Watch).

Prévoyant, on lit que le Conseil de sécurité: «11. Réaffirme qu'il est résolu à examiner les moyens concrets de faire pleinement appliquer ses résolutions sur la question». Une résolution du Conseil de sécurité indiquant qu'il est cette fois «résolu» à la faire appliquer devrait freiner les autorités israéliennes si celles-ci comprennent le ton du message. A ce propos, nous invitons les chercheurs à trouver une autre résolution du Conseil de sécurité utilisant l'expression du point 11 du dispositif de la résolution 2334: une recherche rapide sur la toile renvoie constamment à cette seule résolution.

On notera également au passage le considérant 5 de la résolution 2334 mentionnant les diverses formes et stratégies de la colonisation israélienne, réalisée en dépit des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité dans les années 70 et 80, et des normes internationales en vigueur, et notamment celles prévues par le droit international humanitaire concernant les obligations qui incombent à toute puissance occupante. Il s'agit d'un chapitre du droit international public qu'Israël souhaiterait ne pas à avoir a appliquer dans les territoires palestiniens occupés, et qui fut, fin 2014, l'objet de vives tensions avec la Suisse (Note 2). Ce considérant 5 se lit comme suit: «Condamnant toutes les mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut du Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, notamment la construction et l'expansion de colonies de peuplement, le transfert de colons israéliens, la confiscation de terres, la destruction de maisons et le déplacement de civils palestiniens, en violation du droit international humanitaire et des résolutions pertinentes.»

A peine adoptée la résolution 2334, les autorités israéliennes ont déclaré par la voix de leur premier ministre (et sans jamais faire référence aux implantations illégales) qu'un accord tacite avec les États-Unis avait été violé par le président Barack Obama: «Tous les présidents américains depuis Carter ont respecté l'engagement américain d'essayer de ne pas dicter les termes d'un accord permanent à Israël devant le Conseil de sécurité. Et hier [vendredi], en opposition totale avec cet engagement, et avec une déclaration explicite du président [Barack] Obama lui-même en 2011, l'administration Obama a mené un complot anti-Israël honteux aux Nations Unies» (voir note du Times of Israel reproduisant le texte de la déclaration). On ignore si le fait de consentir à des implantations illégales dans les territoires palestiniens occupés faisait également partie dudit accord.

La première fois que l'administration du président Barack Obama a fait usage de son droit de véto en la matière fut lors de la séance du 18 février 2011: le projet de résolution S/2011/24 contenait dans son dispositif deux paragraphes (1 et 2) condamnant fermement les implantations israéliennes. La lecture de l'acte de la séance du Conseil de Sécurité S/PV/6484 indique le résultat suivant du vote (page 4): 14 votes pour et un contre (États-Unis).

Comme prévu, depuis l'adoption de la résolution 2334 (2016), les représailles israéliennes vont bon train (rappel d'ambassadeurs, déclarations officielles tous azimuts contre les Nations Unies et les membres du Conseil de Sécurité, suspension de programmes de coopération bilatéraux, etc). Le Sénégal a simplement «pris note» de la notification officielle israélienne en date du 27 décembre (voir note de presse). En ce qui concerne la Nouvelle-Zélande, la «déclaration de guerre» mentionnée par le premier ministre israélien lors d'un entretien téléphonique avec le ministre des Affaires étrangères néo-zélandais, Murray Mccully (entretien antérieur au vote) ne semble pas avoir grandement ému ses autorités (voir note de Haaretz). L'Angola pour sa part, attend une note verbale israélienne (voir note de presse) et on ignore si l'Egypte (ayant finalement voté en faveur du texte) fera l'objet d'un traitement similaire de la part de la diplomatie israélienne. Pour ce qui est de l'Espagne, qui présidait la séance du Conseil de sécurité lors de l'adoption du texte, on apprend qu'elle ne subira aucune mesure de rétorsion (voir note de presse).

Il va sans dire que ce texte est historique, car, d'une certaine façon, il réconcilie le Conseil de sécurité avec le droit international et son application en Cisjordanie et à Jérusalem-Est: il l'est aussi pour ceux qui enseignent le droit international depuis longtemps, et qui peinent souvent à expliquer qu'un État semble placé au dessus des normes juridiques internationales, bénéficiant, et ce depuis de longues décennies, d'une impunité totale au sein du Conseil de sécurité en raison d'un veto automatique américain tout à fait légal. Plus de 35 ans après sa publication, et après bien d'autres actions menées depuis 1981 par Israël, la conclusion du professeur Georges Fischer reste toujours d'une surprenante actualité: « /... / on demeure surpris qu'un petit pays puisse régulièrement et avec impunité défier la communauté internationale et les règles du droit des gens » (Note 3). Signe de temps difficiles pour Israël? Il semblerait que l'idée, somme toute hardie, de recourir à Donald Trump exhibe d'abord une certaine panique de la part de la diplomatie israélienne. Ce premier faux-pas peut expliquer que les autorités israéliennes agissent en ce moment quelque peu angoissées (conscientes peut-être aussi du fait que leurs déclarations officielles ne semblent plus impressionner outre mesure).

Comme on le sait, ce type de résolution peut intéresser bien des organes aux Nations Unies, que ce soit la Cour internationale de justice (CIJ), l'Assemblée générale, le Conseil de sécurité, ou encore la Cour pénale internationale (CPI) que la Palestine a rejoint en 2015 en ratifiant le Statut de Rome, parmi bien d'autres entités onusiennes. Autre possible difficulté à l'horizon? À partir de ce premier janvier 2017, la Suède, seul État membre de l'Union Européenne à avoir reconnu en 2014 la Palestine comme État (Note 4), a pris les rênes de la présidence du Conseil de sécurité aux Nations Unies.

-------Notes-----

Note 1: Cf. notre brève étude sur le sujet: BOEGLIN N., "Le nouveau Statut de membre la Palestine: une perspective latinoaméricaine", publiée par l'Observatoire Politique de l'Amérique latine et des Caraïbes (OPALC), Sciences-Po /Paris, décembre 2012. Texte disponible ici.

Note 2: Cf notre étude, BOEGLIN N., "Pressions et menaces récentes d'Israël sur la Suisse : brève mise en perspective", Bulletin Sentinelle, Société Française pour le Droit International (SFDI), janvier 2015. Texte diponible ici.

Note 3: Cf. FISCHER G., "Le bombardement par Israël d'un réacteur nucléaire irakien", Vol. 27 Annuaire Français de Droit International (AFDI), 1981, pp. 147-167, et en particulier pp. 162-166. Article complet disponible ici.

Note 4: Sur ce véritable défi lancé aux autres Etats membres de l'Union Européenne par la Suède, voir notre étude: BOEGLIN N., "Le défi lancé par la Suède concernant la reconnaissance de la Palestine", Grotius International, janvier 2015. Texte disponible ici.

Publicado por Curso de Derecho Internacional. Costa Rica en 7:24

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