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Pourquoi je résiste à l’envie de rendre Noël encore plus magique pour compenser 2020

Cette année, pendant les Fêtes, je veux moins paniquer, ne forcer personne à s’amuser, et lâcher prise pour profiter des merveilles qui existent déjà.
La maison de l’autrice décorée pour Noël.
Courtoisie/Kimberly Hiss
La maison de l’autrice décorée pour Noël.

Cette année, plus que jamais depuis la naissance de mon premier fils, en 2014, j’ai eu besoin de conseils éducatifs. Et par «conseils», je veux dire être rassurée sur le fait que je ne fais pas tout de travers. Je passe ma vie sur Internet, cliquant aussi bien sur les gros titres au sujet de la pandémie que les guides d’achats de masques à l’effigie de superhéros, dans l’espoir de me tranquilliser un peu sur la manière, pleine de bonnes intentions, mais inadaptée, dont je fais vivre cette année bizarre à mes fils de cinq et trois ans.

Or j’ai beau cliquer autant que je veux, il y a un sujet dont personne ne parle: la magie de Noël. Les publicités des Fêtes nous envahissent partout et j’essaie de savoir comment agir.

Dans ma famille, on fête Noël. Quand j’étais enfant, au moment où on arrivait au mois de décembre sur le calendrier, un pouvoir magique se libérait, qui opérait jusqu’au Nouvel An. Cette force était si puissante qu’elle faisait pousser des guirlandes sur notre escalier, remettait nos devoirs à plus tard et transformait une mère au foyer insatisfaite et un travailleur exténué en parents de rêve, dotés de toutes nouvelles aptitudes (confectionner des tartes, couper des arbres), le tout en chanson.

Ma sœur et moi nous métamorphosions, nous aussi: nous n’étions plus des petites chipies, dont les chambres étaient des «porcheries» et qui se couchaient dans des t-shirts Ziggy Stardust délavés, mais des enfants bien élevées en chemises de nuit, qui s’endormaient à la lueur des bougies électriques brillant aux fenêtres. Nous vivions un véritable enchantement.

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Après la naissance de mon premier fils, je me réjouissais donc: mon mari et moi allions partager cette magie des Fêtes avec lui. Comme il est né en décembre, ce premier Noël est passé dans une sorte de brouillard, entre allaitement compliqué et lessives. Mais, à l’approche de son deuxième Noël, j’avais hâte de vivre des Fêtes magiques, parfaites, avec mon mari et mon fils parfaits.

Et puis, à la mi-novembre, je me suis rendu compte que je n’avais pas de bas de Noël personnalisé pour mon bébé. Je suis donc allée sur Etsy et j’ai perdu un après-midi de travail à choisir, puis j’ai commandé le bas parfait. Fait. Ensuite, j’ai vu que je n’avais rien pour accrocher nos bas de manière décorative: j’ai donc acheté trois jolies ancres à poser sur la cheminée. Fait. Puis, j’ai entendu dire que les pépinières de sapins de Noël liquidaient leurs arbres juste avant les Fêtes. J’ai délégué cette tâche à mon mari, qui a, à son tour, perdu un après-midi de travail à passer des coups de fil pour comparer les prix et les à-côtés proposés (chocolat chaud, choristes de Noël) par les différentes exploitations.

Les semaines suivantes, nous nous sommes couchés tard pour aller faire nos emplettes en soirée, nous avons réservé par erreur deux fois le même voyage pour rendre visite à nos familles, nous avons déboursé une petite fortune pour des billets de train Polar Express, nous nous sommes retrouvés à court de scotch, et nous nous sommes rendu compte qu’aucun de nous ne connaissait de recette de tarte ou de roulé aux noix.

La magie de Noël, un phénomène pas naturel

C’est à ce moment-là que j’ai commencé à comprendre que la magie qui opérait en décembre quand j’étais enfant n’était pas un phénomène naturel. Elle était orchestrée, fusible après fusible, ticket de caisse après ticket de caisse, par mes parents. Et maintenant que j’étais maman, je ne vivais plus dans cet enchantement. C’était à moi de le créer.

“Le terme «magie» est devenu synonyme de «tâche» pour moi.”

Être mère pendant les Fêtes implique de passer derrière le rideau. On n’est plus un spectateur VIP, installé dans un fauteuil en peluche au premier rang, ébloui par la fée des étoiles. On est un membre d’équipage qui œuvre en coulisse, actionnant poulies, interrupteurs, accessoires... mais sans être suffisamment payé ni préparé pour ça. On est aussi le producteur, responsable de tout, du budget (coordination stratégique des ventes flash avec coupons de réduction) au contrôle qualité (éviter que mon fils ne voie le père Noël, à qui nous venions de rendre visite).

Ces tartes nécessitent un diplôme en conversion d’unités de mesure. Ces guirlandes, il faut aller les chercher au grenier. Ces visites à la famille doivent être planifiées avec diplomatie. Et ces pyjamas de Noël, on les oublie, il faut aller les acheter à la dernière minute, le 23 décembre, dans un magasin où la file d’attente est si longue qu’on préfère se rendre au service client, pour constater que la queue y est encore plus longue et qu’on a perdu sa place dans la file d’origine.

Je suis la première à admettre que j’en fais trop, mais ce besoin de créer la magie à tout prix n’a fait que s’accroître à la naissance de notre second fils. Je créais l’enchantement au forceps. Chaque décoration devait être digne d’un magazine, chaque moment, devenir un souvenir d’enfance mémorable. Le terme «magie» est devenu synonyme de «tâche» pour moi: c’est une chose que je dois créer afin que mes enfants savourent l’émerveillement des Fêtes, tandis que je soupèse chaque décision et chaque détail en coulisse.

Je ne sais pas comment résister à l’envie de compenser en achetant des cadeaux par milliers ni comment m’épargner la préparation d’un pudding traditionnel.
Choreograph via Getty Images
Je ne sais pas comment résister à l’envie de compenser en achetant des cadeaux par milliers ni comment m’épargner la préparation d’un pudding traditionnel.

Je crains que cette année ne soit pire que les autres. Parce que j’ai une pression supplémentaire: compenser tout ce qui n’a pas pu se produire en 2020. Chaque fête d’anniversaire réduite à un écran Zoom, chaque justification peu convaincante pour expliquer qu’un ami, cousin ou grand-parent ne pouvait pas nous rendre visite, les colonies de vacances annulées, les vacances à Yellowstone interdites, et toutes les fois où j’ai dit à mes garçons confinés à la maison: «Pas maintenant. Maman travaille.» 2020 arrivant à son terme, j’ai de moins en moins d’occasions de compenser. Cette année, les Fêtes se profilent comme une échéance épuisante, ma dernière chance de leur rendre l’enfance dont ils ont été privés ces douze derniers mois.

Sentiment de honte

J’ai honte, soit dit en passant, que tout ça me mette dans de tels états. J’ai une pensée pour les cardiologues que j’interviewe, qui se démènent pour comprendre ce qui se passe chez les patients atteints de la COVID-19 qu’on leur amène sans arrêt, pour les amis qui ont perdu leur emploi ou les gens qui ne peuvent plus payer leur loyer ni leurs courses. De quel droit me lamenterais-je, simplement parce que mon fils de cinq ans pique une crise anti-Zoom? Mais je le fais malgré tout. En permanence.

Donc, cette année, je ne sais pas quoi faire. Je ne sais pas comment résister à l’envie de compenser en achetant des cadeaux par milliers ni comment m’épargner la préparation d’un pudding traditionnel. Je ne sais pas comment éviter de transformer le mois de décembre en excuse géante, stressée, pour ma gestion de la pandémie loin d’être optimale, ni comment trouver le temps et l’espace nécessaires pour permettre à ma famille de ralentir, de respirer et de profiter de l’enchantement ensemble.

Mais ça fait partie de la vraie magie, non? Le fait de ne pas savoir.

On ne sait pas comment le père Noël réussit à faire le tour du monde en traîneau, comment une étoile a pu guider trois visiteurs jusqu’au berceau d’un divin enfant, comment une provision d’huile suffisante pour un jour a pu durer huit nuits, ni comment la foi a pu naître sans aucune preuve.

Tout le monde a droit à sa magie

D’après moi, c’est vrai: quand on est parent, il faut créer de la magie, orchestrée, conçue, tel un pont suspendu ou un ouvre-boîte utilisable à une seule main. Mais la vraie magie peut survenir sans aucune aide, comme le soleil qui brille à travers les branches recouvertes de givre un petit matin de décembre, ou Spotify qui lance le chant de Noël préféré de votre mère disparue au moment où vous accrochez la chaussette à sa mémoire. L’avantage avec la vraie magie, c’est que personne n’a à la créer pour qu’on en profite. Elle peut enchanter à la fois les parents et les enfants. Qu’on soit un enfant ou qu’on ait des enfants (ou ni l’un ni l’autre, d’ailleurs), tout le monde a droit à la magie.

Alors, même si je ne sais pas comment se passera Noël cette année (me réveillerai-je à nouveau dans une mare de pipi à cause du cadet qui aura grimpé dans notre lit?) ni l’an prochain (la COVID ne sera-t-elle plus qu’un mauvais souvenir?), je sais que je veux passer plus de temps à me forger des souvenirs sans me rendre malade parce que j’ai peur de mal faire ou de ne pas être parfaite. On a suffisamment de raisons de s’inquiéter comme ça cette année, et tous les ans, d’ailleurs.

Après cette année 2020, qui a nécessité tant de travail, de force et de courage que j’ai parfois eu le sentiment que mes enfants étaient plus des fardeaux que des bénédictions, pendant ces Fêtes, je veux moins paniquer, ne forcer personne à s’amuser, et lâcher prise pour profiter des merveilles qui existent déjà. Car, si j’ai bien une certitude, c’est ma petite famille. Et, qu’importe la forme que prendra Noël cette année, tant que je l’aurai à mes côtés, il sera magique. Même si nos pyjamas ne sont pas assortis.

Ce blog, publié sur le HuffPost américain, a été traduit par Laure Motet pour Fast ForWord, pour le HuffPost France.

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