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Répartitrice: «n’engorgez pas nos lignes pour des appels non urgents»

Ne nous appelez pas pour nous demander si vous avez le droit d’aller prendre une marche, de vous déplacer d’une ville à une autre ou de faire votre épicerie. Ne nous criez pas aux oreilles quand on vous dit d’appeler le 8-1-1 pour des conseils santé.
PhotoAlto/James Hardy via Getty Images

Les propos de ce témoignage ont été recueillis par le HuffPost Québec et retranscrits à la première personne.

Je suis répartitrice d’appels d’urgence à la Centrale des Appels d’Urgence Chaudière-Appalaches (CAUCA). À notre centrale, on couvre presque 600 municipalités.

J’ai entendu parler de ce métier par la mère d’une amie qui travaillait à la centrale. Elle m’a dit d’apporter mon CV. Ça fait un an que je suis là. Je suis clairement tombée en amour avec la job!

Chaque matin, je me lève en sachant que je vais aider des dizaines de personnes sans qu’elles s’en aperçoivent. Le premier contact d’une personne qui appelle au 9-1-1 et qui a besoin d’aide, c’est avec nous.

On travaille dans l’ombre. On a rarement la reconnaissance que nous méritons, mais ce n’est pas grave, parce que c’est le métier qu’on a choisi avec nos bonnes valeurs et non avec le besoin de se faire féliciter.

“Ça roule, au 9-1-1. Il faut être là pour ceux qui nous appellent. Il ne faut pas être pris par autre chose dans notre tête.”

Pour être un bon répartiteur, il faut avoir la notion de l’urgence et être assez vif d’esprit. Tu n’as pas le temps de niaiser 20 secondes pour savoir où tu transfères un appel. Il faut aussi être patient. Très patient.

On doit aussi connaître nos limites. Des fois, il y a des appels pas faciles. Quand tu as cinq appels de suite qui sont difficiles, il faut être capable de prendre une pause, parce que ça n’arrête jamais. Aussitôt que tu raccroches, il y a déjà un autre appel qui est en train de sonner. Ça roule, au 9-1-1. Il faut être là pour ceux qui nous appellent. C’est eux qui sont en urgence. Il ne faut pas être pris par autre chose dans notre tête.

Comme répartiteurs, on est confronté aux différentes émotions des gens. Dans certains cas, on n’a pas le temps de parler et ça crie déjà au bout du fil. Il y en a qui vont perdre patience parce que l’ambulance n’arrive pas assez vite et ils nous font comprendre qu’ils trouvent que nos questions, c’est une perte de temps!

Les gens pensent qu’en appelant au 9-1-1, automatiquement, ils vont tomber sur un policier ou un ambulancier. Ils ne savent pas qu’il y a un répartiteur quelque part. On classe et on transfère les appels aux bons services. Je pense que ça peut expliquer pourquoi certaines personnes s’impatientent avec nous. Ça ne me dérange pas, parce que je sais que les gens, en panique, peuvent faire et dire n’importe quoi. Je suis habituée.

C’est à nous d’arriver à comprendre ce qui se passe et de gérer notre appelant pour savoir où il est pour envoyer les bons services (ambulanciers, pompiers ou policiers), pour qu’eux puissent savoir ce qu’il se passe sur place.

Depuis le début de la pandémie, on reçoit plusieurs appels non urgents. Quand ça a été annoncé qu’on pouvait appeler au 9-1-1 pour dénoncer les regroupements, on ne fournissait plus! Il y a maintenant d’autres lignes pour ces appels. Mais on reçoit encore des appels de personnes qui veulent savoir si elles peuvent aller marcher, se déplacer de Montréal à Val-d’Or ou aller à l’épicerie même si elles sont âgées.

On reçoit aussi de plus en plus d’appels de gens anxieux par rapport à la pandémie. Certains appellent en disant vouloir une ambulance; ils ont peur d’avoir le virus. Les répartiteurs médicaux d’urgence leur posent les questions nécessaires pour vérifier s’ils ont des symptômes qui s’y apparentent, pour pouvoir assurer la santé et la sécurité des ambulanciers qui iront chez cette personne, et des travailleurs qui l’accueilleront une fois à l’hôpital. La plupart des gens, finalement, n’ont pas de symptômes qui laisseraient croire qu’ils sont atteints du virus.

Ça doit devenir difficile pour les gens de rester seuls chez eux et de ne pas avoir le droit de ne voir personne et pour ceux qui ont des problèmes de santé mentale. Ça doit être dur, après un mois.

Une femme a récemment appelé, en grosse détresse, parce qu’elle avait peur que la centrale 9-1-1 ferme. Non, on ne peut pas fermer! On ne peut pas laisser les maisons brûler, on ne peut pas laisser les gens mourir. On fait partie des services essentiels. Mais disons qu’il ne faudrait pas que le virus arrive à la centrale…

Aidez-nous à vous aider

Suivez les recommandations, n’engorgez pas nos lignes d’urgence pour des dénonciations de regroupements: il y a des lignes téléphoniques dédiées et des formulaires en ligne pour dénoncer les débordements. Ne nous appelez pas pour nous demander si vous avez le droit d’aller prendre une marche, de vous déplacer d’une ville à une autre ou de faire votre épicerie. Ne nous criez pas aux oreilles quand on vous dit d’appeler le 8-1-1 pour des conseils santé.

“Je veux que mon collègue puisse consoler l’enfant de huit ans en lui disant que «les policiers vont arriver vite, vite» pour l’aider parce que «papa fait mal à maman».”

Je veux pouvoir continuer de dire aux parents qui m’appellent que nos pompiers sont déjà en route pour aller éteindre leur maison en feu et sortir leur bébé qu’ils n’ont pas pu aller chercher.

Je veux que ma collègue puisse réconforter son appelante en lui disant que les ambulanciers ne sont qu’à un coin de rue pour lui venir en aide à elle et son mari en arrêt cardio-respiratoire.

Je veux que mon collègue puisse consoler l’enfant de huit ans en lui disant que «les policiers vont arriver vite, vite» pour l’aider parce que «papa fait mal à maman».

24h/24, 7 jours/7, nous sommes toujours là pour vous. Alors, s’il vous plaît, continuez à faire des efforts pour nous.

La section Perspectives propose des textes personnels qui reflètent l’opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celle du HuffPost Québec.

Propos recueillis par Florence Breton.

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