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Rentrée scolaire: n'oublie pas que ça fait deux mois que tu lui dis que ça va bien aller

Ce sentiment que tu as de vouloir retourner travailler, retrouver tes collègues, tes clients, investir tes dossiers et retrouver cette heure de lunch pour potiner, tes enfants le vivent aussi.
Une mère et sa fille en route vers l'école à Gatineau, lundi 11 mai
La Presse canadienne/Adrian Wyld
Une mère et sa fille en route vers l'école à Gatineau, lundi 11 mai

«Miss Rebelle: mon journal en temps de pandémie»: l’éducatrice et auteure Anick Claveau nous propose chaque semaine ses réflexions en cette période tout sauf normale...

Y’aura beaucoup de fébrilité dans les écoles cette semaine. C’est la rentrée pour plusieurs régions, le retour en classe de notre marmaille. Ça va se passer dans un contexte de grande vigilance et tout a été revu en fonction de garder vos ninjas à distance.

Pour avoir fréquenté l’école de mes enfants, il y a quelques années, j’ai le souvenir d’une cour de récré où les jeunes déploient leur énergie. Je vois les rassemblements de «best friends» qui potinent dans un coin, je vois tous ces petits timides dans les jupons de la surveillante.

Pour avoir collaboré a des brunchs en pyjama dans la classe, j’ai le souvenir que tous les jeunes sont fiers de partager la recette préparée la veille. Pour avoir assisté a des spectacles de fin d’année, j’me souviens d’un gymnase transformé en Place des Arts pour mettre en lumière le talent des enfants devant une audience impatiente. Pour avoir vécu des olympiades, j’me souviens des encouragements. Pour avoir participé à des activités humanitaires, j’me souviens du regard des tout-petits quand ils contribuent à rendre le monde meilleur.

L’école c’est tout ça. L’école, c’est un rassemblement, un rituel qui rassure, une écoute attentive, la disponibilité d’un enseignant qui prend le temps, la confidente à qui on peut tout dire, la technicienne à qui on peut se confier.

C’est là que ça se passe quand on est kid, c’est là qu’on apprend à devenir grand.

Pour l’enfant qui est hyper protégé, c’est la chance de pouvoir enfin prendre une décision seul. Pour celui qui manque de confiance en lui, c’est la chance de pouvoir s’exprimer librement sans avoir peur. Pour celui qu’on a toujours tenu à l’écart de la déception, c’est sa chance de voir que quand on a de la peine, on s’en remet. C’est là que les miens ont appris à prendre leur place, à se comparer. C’est là qu’ils ont découvert des causes à défendre, des injustices à dénoncer. C’est là qu’ils ont vécu des situations où j’étais pas là pour les protéger.

Au primaire, on se construit, on apprend qui on est, aujourd’hui c’est pareil à quelques exceptions près.

Tu vois, ce sentiment que tu as de vouloir retourner travailler, retrouver tes collègues, tes clients, investir tes dossiers et retrouver cette heure de lunch pour potiner, tes enfants le vivent aussi. Eux aussi ont des dossiers, des collègues, pis plein de choses à terminer parce qu’eux aussi sont partis du bureau sans savoir qu’ils seraient deux mois sans y retourner. Ils vont retrouver un dessin inachevé, le petit message d’un ami, un soulier égaré, pis la belle Annabelle.

“Ce qui va faire la différence, c’est comment toi tu vas gérer ça comme parent, c’est toi qui va teinter tout ça.”

Ils vont remarquer les vélos stationnés à deux mètres de distance, les flèches à suivre sur le plancher, les casiers distancés, de nouveaux jeux auxquels ils avaient pas l’habitude de jouer, ils vont être bons pis se découvrir de nouvelles aptitudes. Ils vont laver leurs mains, laver leurs mains, laver leurs mains, parce qu’ils ont appris eux aussi comment vivre dans cette pandémie.

Tout a été revu en fonction de les protéger. Ce qui va faire la différence, c’est comment toi tu vas gérer ça comme parent, c’est toi qui va teinter tout ça.

L’école, c’est des amis, même en temps de pandémie. C’est s’exprimer, défendre son point, c’est encore ça aujourd’hui. L’école, c’est apprendre. Ça reste ça, même en temps de pandémie. L’école c’est rire, c’est être créatif, c’est développer son jugement.

C’est pareil, malgré de nouvelles mesures. C’est là-dessus qu’il faut miser. Quand ton p’tit ninja va revenir, il va avoir plein de choses à te raconter, comme avant. Il va pas te rassurer sur la propreté des toilettes, ni t’expliquer à quelle heure le concierge les a nettoyées. Il va pas te dire combien de fois l’enseignante a lavé ses mains, ni si la réceptionniste a passé du Purell sur son clavier.

“Je pense qu’on n’a pas le droit en tant que parent de briser la musique avec nos angoisses pis nos statistiques.”

Il veut pas te raconter comment la directrice portait son masque pis il n’a pas remarqué si la prof de musique avait refait ou non sa manucure malgré l’interdit. Il s’en fout, il veut te raconter qu’il a revu ses copains, qu’il a terminé son devoir pendant la récré, qu’il a marqué des points dans un défi, il veut te partager sa vision d’enfant qui retourne à l’école dans ce temps de pandémie.

On vient de transformer tout le système scolaire en modifiant les horaires, le transport, le service de garde, les espaces de jeux, l’aire de diner, on vient de réaliser une tâche colossale en peu de temps. On a même pris le temps de composer des chansons, des chorégraphies, d’afficher des mots de bienvenue pour souligner cette rentrée historique.

Ton kid va s’adapter malgré ses inquiétudes, il va gérer beaucoup plus facilement si tu lui laisses la chance de le vivre comme un enfant. Je pense qu’on n’a pas le droit en tant que parent de briser la musique avec nos angoisses pis nos statistiques. Pendant que toi tu mises sur les mesures de sécurité, lui il mise sur son dessin à terminer... pis un peu sur la belle Annabelle.

Oublie pas que ça fait deux mois que tu lui dis que ça va bien aller.

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