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Pourquoi renouer avec sa bonté profonde permet d'être soi-même et de construire sa vie?

Que signifie la bonté profonde? Comment se manifeste-t-elle? Pourquoi certains en disposent alors que d'autres en sont privés?
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Que signifie la bonté profonde? Comment se manifeste-t-elle? Pourquoi certains en disposent alors que d'autres en sont privés? Avoir accès à sa bonté veut dire jouir d'une image de soi, non pas forcément bonne, mais saine, avec confiance dans ses capacités, mais aussi conscience de ses limites, à distance des excès, de l'arrogance ou de la honte. Le sujet peut ainsi se regarder, se traiter notamment, avec douceur, bienveillance, indulgence, sans se juger trop sévèrement. Il prendra alors soin de sa personne, comme une gentille maman avec son bébé, tout en se préservant des dangers, à l'instar d'un père protecteur.

La connexion à sa bonté l'aide à devenir psychiquement autonome pour disposer librement de son énergie vitale, orientée vers la construction. Porté spontanément par le plaisir de vivre, il se permettra de goûter sans culpabilité aux plaisirs de la vie, relié aux autres, habitant son présent et enraciné dans l'espace où il a choisi de planter sa tente. Tout à fait à l'opposé, celui qui s'en trouve coupé souffre d'une représentation narcissique écornée, déprimée, dévalorisée, dénutrie. Il ne s'aime pas, manque de confiance en lui, se croit nul, bête, moche, sans valeur et nuisible, aveugle à ses vertus et capacités, souvent bien réelles.

Quand l'individu se sabote et s'interdit le bonheur inconsciemment

De même, au lieu d'utiliser son énergie vitale à construire, à tisser des liens, au lieu de jouir dans la gratitude de celui qu'il est et de ce dont il dispose, il se replie sur lui-même, déconstruisant les fils qui le retiennent à la vie et aux autres. Il aura tendance à se plaindre, à s'interdire le bonheur et, pire encore, à se saboter inconsciemment, à se maltraiter masochistement, à s'offrir en victime, à se rendre malade enfin, répétant incessamment de vieux scénarios d'échec et d'exclusion.

Mais pourquoi s'érige-t-il en bourreau de lui-même? Pour s'auto-punir, expier, poursuivi par la certitude imaginaire d'être coupable, indigne et mauvais. En fait, ce n'est pas l'adulte qui se juge si sévèrement, ni qui se maltraite de la sorte, mais le petit garçon ou la petite fille en lui, affecté par la Dépression Infantile Précoce (D.I.P), consécutive à une carence matricielle ancienne. La D.I.P germe et se développe, en effet, chez tout enfant en détresse, victime directe de désamour, ou témoin de l'affliction d'un proche, ou de la violence entre ses parents, ou conçu pour rafistoler leur couple, ou appelé, pris pour l'autre, à remplacer un frère ou une sœur précédemment disparu(e).

La D.I.P, directement imperceptible, est néanmoins détectable à travers ses deux manifestations majeures: les fantasmes de culpabilité et de mauvaiseté. L'enfant est ainsi convaincu, à l'encontre de toute logique, que le mal qu'il subit ou auquel il assiste est de son fait et de sa faute, dû à sa mauvaiseté foncière, alors même qu'il en est victime. La culpabilité se trouve invariablement du côté de l'être souffrant. Il s'attribue, de surcroît, la mission de réparer les dégâts qu'il est convaincu d'avoir causés. C'est donc la D.I.P, par le biais de ces deux certitudes imaginaires, qui désunit le sujet, le détourne de son intériorité et l'arrache à sa bonté, naturellement présente de façon innée. C'est encore elle qui le fragilise en lui imposant une image dévalorisée et flétrie, en le persuadant d'être nul et laid, mauvais père ou mauvaise mère, inférieur à tous, indigne par conséquent de leur estime et amour.

Ne pas être soi par peur de déplaire

Cette désertion de l'intériorité se compense comme sur les deux plateaux d'une même balance, par une sur-occupation, un sur-investissement du dehors, de l'espace extérieur, des objets et des personnes, dès lors exagérément idéalisés; amour, réussite, pouvoir, argent. L'adulte, ainsi coupé et dépossédé de son trésor intérieur, devient psychologiquement affaibli, dépendant des autres, par contre magnifiés à l'excès, quelquefois pervers et manipulateurs, tentant de le rassurer quant à sa valeur, pour mieux le dominer. Hyper-sensible à leurs jugements, il sera autant avide de leurs marques d'affection qu'épouvanté par la moindre remontrance, autant attiré par la fusion qu'effaré par la rupture. Au lieu de se sustenter à ses sources profondes, il quémandera des gouttelettes d'amour, toujours insuffisantes évidemment, vue l'étendue de sa pénurie narcissique. Obnubilé par le souci de recouvrer son innocence et sa bonté, il utilisera préférentiellement son énergie vitale à expier en cherchant des verges pour se faire fouetter ou s'imposera d'être parfait, pourchassé par un moi idéal hypertrophié.

Ces deux mécanismes le forcent surtout à cacher son être profond, voire à le sacrifier dans le but de plaire, conforme aux attentes parentales et aux normes sociales. Etre soi, vrai, différent des autres, percevoir la vie et le monde par référence à ses valeurs, agir enfin guidé par son désir propre, embrase instantanément ses craintes infantiles de déplaire et d'être mauvais, sa peur de nuire à ceux qu'il chérit, de les décevoir, de les délaisser. Dire non, frustrer, fixer des limites, et, pire encore, s'affirmer en défendant ses intérêts, apparaît à ses yeux comme des agressions, des fautes, l'exposant à des représailles. Le besoin impérieux de reconquérir son innocence et sa bonté, le maintient donc dans la position de l'éternel enfant thérapeute, gentil, sauveur, altruiste justement, voire parfois servile et complaisant.

Guérir, renouer avec sa bonté, rétablir la dialectique des contraires

Comment renouer dès lors avec sa bonté profonde? Comment réussir à s'aimer, à se regarder avec bienveillance? Livrer une lutte sans merci contre ses deux fantasmes de culpabilité et de mauvaiseté, expier pour obtenir l'absolution, s'épuiser à devenir parfait, se sacrifier aux autres pour décrocher une attestation d'impeccabilité, tous ces prétendus remèdes s'avèrent bien pires que le mal qu'ils sont censés guérir. C'est la D.I.P, consécutive à une carence matricielle ancienne, qui divise le sujet, qui inocule le divorce, la dissociation dans son psychisme; qui clive les divers pans de son identité plurielle. C'est, par conséquent, cette fracture originaire qu'il conviendrait de repérer et de réparer, pour parvenir à s'unifier. Guérir, renouer avec sa bonté ne signifie pas déraciner sa D.I.P, tâche évidemment impossible, mais rétablir la dialectique des contraires. Il s'agit, autrement dit, de cesser de dresser l'un contre l'autre, de façon manichéenne et rédhibitoire, le bien et le mal, le positif et le négatif, le bon et le mauvais, le blanc et le noir; le dedans et le dehors, le vide et le plein, l'obscurité et la lumière, l'amour et la loi. Aucune de ces valeurs n'existe en absolu, sans lien avec son opposé, lui servant positivement de garant mais aussi de limite.

Renouer avec sa bonté nécessite un pèlerinage dans son histoire personnelle et transgénérationnelle pour retrouver son enfant intérieur oublié et apprivoiser les fantômes du passé. Ce cheminement implique l'intégration de l'imperfection, de son versant ombreux, de ses deux côtés mauvais et coupable, du fait d'avoir jadis souffert. Vivre pleinement dans la pluralité de ses visages consiste à marcher sur ses deux jambes, la gauche et la droite, avec ses forces et ses faiblesses, un peu moins au dehors et dans les apparences, mais un peu plus au dedans, meilleur avec soi, mais moins bon avec les autres, donc moins dépendant d'eux. Aimer son prochain comme soi-même... pourquoi pas? Mais pas davantage!

Le nouveau livre de Moussa Nabati, "Renouer avec sa bonté profonde", est paru le 20 avril.

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© Editions Fayard

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