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Réemploi: les dons inutilisables font plus de mal que de bien

Chaque année, Renaissance dépense des centaines de milliers de dollars pour détruire les dons inadéquats de façon éco-responsable.

«Donnez-nous ce que vous donneriez à un ami.» C’est le mot d’ordre de l’organisme à but non lucratif Renaissance, qui finance des programmes de réinsertion sociale en revendant des articles usagés. Mais à voir certains des dons avec lesquels il doit composer, on se demande si on a vraiment besoin de ce genre d’amis.

Vêtements tachés ou troués, cosmétiques utilisés, appareils défectueux... Sur les près de 20 000 tonnes de dons reçus annuellement par l’organisme, quelque 15% se retrouvent à l’enfouissement parce qu’ils sont inutilisables. Une opération qui nuit à la mission sociale de l’OBNL, puisqu’elle doit dépenser chaque année des centaines de milliers de dollars pour se départir de tout ce matériel de façon sécuritaire et écoresponsable.

«Si je reçois une table qui a juste trois pattes, une tasse dont l’anse est cassée ou une cafetière défectueuse, je ne peux pas revendre ça à quelqu’un. Alors il faut que je m’en débarrasse», déplore Éric St-Arnaud, directeur général de Renaissance.

Et l’OBNL ne se contente évidemment pas de tout mettre sur le bord de la route le jour de la collecte des ordures. Conscient du volet environnemental de sa mission, Renaissance fait des pieds et des mains pour valoriser ou recycler le plus d’invendus possibles.

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«Il faut qu’on fasse le tri nous-mêmes et qu’on trouve des partenaires pour recycler tout ça. J’ai un partenaire qui prend l’électrique, un autre qui prend l’électronique, un autre le métal...» énumère M. St-Arnaud.

Il y a quelques années, l’organisme a même investi plusieurs milliers de dollars pour se procurer une machine qui broie les meubles de bois inutilisables afin d’en faire des copeaux de bois. La matière est ensuite rachetée par des compagnies qui peuvent s’en servir pour produire de la bioénergie, par exemple.

«En plus, ça évite des émissions de gaz à effet de serre parce que ça prend moins de place dans les camions, donc on sauve des voyages», s’enthousiasme-t-il, visiblement fier de sa trouvaille.

À tout ça s’ajoutent les coûts occasionnés par les gens qui traitent le centre de dons comme s’il s’agissait d’un écocentre et qui y laissent des produits toxiques ou dangereux.

«Si vous décidez de faire le ménage de votre maison et que vous m’apportez une demi bouteille de Windex et un restant d’huile à moteur, je ne peux pas aller mettre ça dans les ordures! Je dois payer une compagnie pour m’en départir de façon sécuritaire», rappelle M. St-Arnaud.

Il raconte même avoir dû reconduire à la SPCA des animaux vivants abandonnés dans les centres de dons.

Le problème du textile

Quand on lui demande ce qu’on devrait faire de nos bobettes usées ou de nos vieux t-shirts tachés de peinture, Éric St-Arnaud admet à contre-coeur qu’il préfèrerait ne pas les recevoir.

Chaque année, Renaissance reçoit et trie plus de 8 600 tonnes de vêtements de seconde main.
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Chaque année, Renaissance reçoit et trie plus de 8 600 tonnes de vêtements de seconde main.

Chez Renaissance, où les vêtements et textiles représentent 50% des dons reçus, ce qui ne trouve pas preneur en boutique est vendu à la livre (pour moins de 2$) ou en énormes ballots de 1000 lbs pour une centaine de dollars.

Et ces acheteurs, qu’en font-ils? Certains sont exportés, d’autres sont rachetés par des designers écoresponsables qui réutilisent la matière pour en faire de nouveaux vêtements ou accessoires. Mais Éric St-Arnaud avoue que Renaissance en sait très peu sur ce qui advient de ces textiles lorsqu’ils quittent ses installations.

Même si Renaissance jette moins de 1% des vêtements reçus, on peut donc malheureusement assumer qu’une certaine partie de ce qui est vendu en gros finit par atterrir au dépotoir. Parce que le recyclage des textiles n’existe virtuellement pas.

«Présentement, des solutions pour le textile de fin de vie, il n’y en a pas sur la planète», déplore celui qui siège également à la Table de concertation pour la récupération et le réemploi du textile.

Ce n’est pas tout à fait exact. Des solutions existent, même si elles en sont encore à leurs balbutiements. L’OBNL Certex, un centre de revalorisation du textile qui emploie des personnes handicapées dans ses installations de Saint-Hubert et de Terrebonne, explore plusieurs avenues.

En plus d’exploiter une friperie, l’entreprise d’économie sociale fabrique notamment des chiffons industriels avec quelque 15% des vêtements que lui remet la population. Mais ils doivent être faits à au moins 65% de coton, afin d’être suffisamment absorbants.

Les vêtements faits de fibres synthétiques, eux, sont acheminés à une cimenterie de Joliette et sont brûlés pour en faire de l’énergie. Une solution imparfaite, puisqu’elle émet du CO2, mais qui évite au moins à l’usine d’utiliser du charbon.

Le véritable recyclage de textile est complexe. Comme la plupart des vêtements sont faits d’un amalgame de matière, il faudrait pouvoir les détricoter ou les détisser pour obtenir des fibres assez longues pour faire de nouveaux tissus. Or, aucune technologie ne permet cela à l’échelle industrielle, souligne Recyc-Québec.

On doit donc se rabattre sur le défibrage, aussi appelé effilochage. Mais le procédé ne donne que des fibres très courtes, pour lesquelles il existe peu de débouchés.

La Presse canadienne

La solution? C’est peut-être Martine Ouellet qui l’avait, du moins en partie. En 2018, alors qu’elle était députée de Vachon, la péquiste avait présenté un projet de loi qui aurait permis l’utilisation de textiles recyclés post-consommation pour le rembourrage de meubles. La pratique a été interdite au Québec en 1969, notamment parce qu’on craignait la présence de pathogènes nuisibles à la santé humaine dans les textiles usagés. Le projet de loi est toutefois mort au feuilleton quelques semaines après sa présentation à l’Assemblée nationale.

Mais pour Éric St-Arnaud, la priorité absolue demeure de favoriser le réemploi, puisque de nombreux vêtements en bon état se retrouvent encore aux poubelles.

La Ville de Montréal a d’ailleurs promis de s’attaquer au problème, en interdisant aux fabricants et aux détaillants de jeter des vêtements en bon état. La Table de concertation sur la récupération et le réemploi du textile, dont font partie Renaissance et Certex, a d’ailleurs présenté un mémoire dans le cadre des consultations publiques sur le Plan directeur de gestion des matières résiduelles 2020-2025. Elle souhaite convaincre la Ville d’assouplir les règlements encadrant les boîtes et les centres de dons pour augmenter le nombre de points de collectes sur son territoire.

À VOIR: Le recyclage, un procédé toujours mal compris?

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