Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

La réforme de l'islam est le meilleur moyen pour vaincre l'islamisme radical

L'islam d'aujourd'hui n'est pas en crise à cause d'une conspiration globale qui cherche à le détruire, comme le prétend l'islamisme.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

L'islam d'aujourd'hui n'est pas en crise à cause d'une conspiration globale qui cherche à le détruire, comme le prétend l'islamisme. Même si une partie de ce constat est réelle, elle n'explique qu'une petite partie de ce problème. Cette crise est beaucoup plus le produit de l'incapacité de l'islam lui-même de se réformer, de se régénérer et de se moderniser. Une incapacité interne qui permet aux acteurs étrangers à s'ingérer dans son espace pour le dominer ou le réformer par la force, car ils estiment que dans son état actuel, il demeure une menace pour eux. Nous, la diaspora musulmane en Occident, vivons dans des sociétés démocratiques où la liberté de pensée est non seulement permise, mais elle est précieusement protégée. Profitons de ce climat démocratique pour requestionner l'islam et le réformer. Il nous appartient d'assumer la lourde responsabilité de laïciser l'islam et de le démocratiser.

À cause du climat de terreur politique et intellectuelle qui est doublement imposé à l'intelligentsia musulmane par le fascisme islamiste et par les dictatures religieuses militaro-policières qui gouvernent la plupart des pays musulmans, les efforts de réforme religieuse initiés à partir de l'espace géographique de l'islam sont fortement handicapés. Pourtant, d'autres expressions, d'autres interprétations et d'autres visions de l'islam, différentes de celles des intégristes sont possibles. Elles sont beaucoup plus solubles dans la démocratie et dans la laïcité occidentale que l'islam wahhabisé que les intégristes cherchent à nous vendre. Par l'intimidation spirituelle et la manipulation de nos sentiments religieux dont ils sont devenus maîtres en la matière, ils ont réussi à convaincre une partie de nos coreligionnaires sans qu'elle se rende compte que leur islam sectaire tente de devenir l'islam tout court, alors qu'un autre islam est possible. Cherchons bien dans notre histoire, nous le trouverons facilement. Il est celui qui a fait la gloire de la civilisation passée dont nous sommes si fiers aujourd'hui.

Cet islam est celui d'Averroès, qui a dit que Dieu est beaucoup trop sage pour nous donner une raison, pour ensuite nous imposer une loi qui la contredit. C'est l'islam de ce même Averroès qui a expliqué, onze siècles avant Oxfam international, la pauvreté de la cité musulmane par l'absence de la contribution des femmes dans sa vie économique. Dans un moment marqué par un intégrisme religieux similaire à celui d'aujourd'hui, il s'est courageusement indigné du fait que les femmes n'ont pas la place qui leur revient dans les sociétés musulmanes de l'époque. C'est l'islam du Qadhi (juge) 'Yadh qui a dit que le Coran n'a jamais ordonné aux femmes de cacher leurs cheveux. C'est l'islam du théologien andalou Al-Chatibi qui disait que les finalités de la charia sont beaucoup plus importantes que ses outils. C'est celui des Mu'tazilites pour qui rien dans la religion ne doit être à l'abri de l'exercice de la rationalité, y compris l'essence même et les attributs de Dieu. C'est l'islam de Fârâbî qui, en traduisant les théories politiques de Platon, avait parlé pour la première fois de la démocratie dans la culture arabo-musulmane. C'est l'islam du sage philosophe abbasside Ibn Al-Muqaffaa' qui disait que même un homme sans religion peut avoir une morale. C'est l'islam d'Avempace qui tout en arrachant la philosophie à la domination de la religion, disait que les hommes peuvent atteindre le bonheur par la science et le raisonnement rationnel pas par l'imagination stérile et la désactivation des sens. C'est dans l'islam des philosophes pas celui des théologiens que réside notre salut. C'est l'islam de la raison pas celui des textes. S'il est permis de discuter l'image même de Dieu et ses attributs, alors que dire des questions du vin, de l'homosexualité et du corps des femmes ? C'est pour continuer à contrôler nos vies et à confisquer nos libertés que les pseudo-théologiens islamistes détestent ces penseurs de lumière dans la civilisation arabe et musulmane. Ils continuent à les combattre en les taxant d'apostasie, car ils savent que leur pensée est capable de nous libérer du joug politico-confessionnel qu'ils nous imposent, qui empoisonne nos vies pendant qu'il les enrichit. Ce sont les descendants de ceux qui ont brulé les livres d'Averroès qui continuent aujourd'hui de détourner l'islam. Leur islam est construit afin de leur permettre de continuer à dominer l'espace musulman et de profiter seuls de ses richesses.

Pourquoi délaisser cet islam des lumières, rationnel, tolérant, humaniste, scientifique, progressiste, urbanisé et surtout démocratisable pour adopter cet islam wahhabite, bédouin, réfractaire, réactionnaire, fossilisé, passéiste et violent ? L'islam que l'islamisme a construit est fasciste dans son discours et barbare dans son action. Le wahhâbisme, son incarnation la plus dangereuse et la plus détestable, est l'expression religieuse la plus réactionnaire des temps modernes. Parmi son clergé, il y a des théologiens qui sont convaincus que la terre n'est pas ronde, mais plate, qu'elle ne tourne pas autour d'elle-même ni autour du soleil et qu'aucun homme n'est allé sur la lune. Pour eux, toutes ces vérités scientifiques sont des constructions discursives occidentales, car selon leur interprétation du Coran rien de tout cela ne peut être possible. Comment pourrions-nous accepter qu'une telle médiocrité intellectuelle prenne le contrôle de nos vies ? Si le néo-hanbalisme, dont certains parmi nous s'obstinent à imiter, était porteur de progrès et de morale, l'Arabie Saoudite serait aujourd'hui au même niveau de développement que le Japon, la Chine ou les États-Unis. Pourtant, en dépit de la première réserve mondiale de pétrole que son sous-sol contient, c'est un des pays les plus corrompus politiquement, les plus réfractaires au changement social, et dont la vie culturelle est d'une extrême médiocrité.

L'islamisme est l'expression la plus éclatante de l'incapacité de l'islam moderne à sortir de la culture des mythes et des légendes pour entrer dans l'ère de la science et de la technologie rationnelles modernes. Il est aussi en même temps l'obstacle le plus dangereux et le plus infranchissable pour qu'une transformation de cette nature s'opère facilement et paisiblement.

Sortons donc de notre enfermement religieux et regardons le monde comme il est, pas comme les Frères musulmans, les wahhabites et les salafistes essaient de nous le montrer. La manne pétrolière démesurée et les énormes dividendes du pèlerinage musulman sont utilisés pour propager cet islam moyenâgeux au lieu d'être dépensés pour développer les pays musulmans, les sortir de la pauvreté et construire les fondements de leur progrès scientifique et technologique.

L'islam, tel que professé actuellement par l'islamisme politique et les autres orthodoxies traditionalistes, n'a plus rien à offrir ni aux musulmans ni au reste de l'humanité.

L'Occident nous offre un environnement de liberté de pensée et des cadres d'études sophistiqués. Pourquoi ne pas les utiliser pour moderniser l'islam et le laïciser au lieu de professer aveuglement une foi pré-moderne, figée dans le temps et qui reproduit des manifestations religieuses qu'une partie importante de nos sociétés d'adoption considère comme dépassées et archaïques. Sans nous apporter nécessairement la paix intérieure que nous cherchions, puisqu'elle est fondée essentiellement sur le repli sur soi et parfois sur la haine de l'autre, cette foi wahhabite choque nos concitoyens occidentaux et les incite à nous isoler. Il est triste de délaisser cette chance de vivre notre temps pour s'enfermer dans une religiosité passéiste pré-moderne et hostile à la pensée critique des temps présents. Une religion qui complique la vie sociale de ses adeptes, au lieu de leur offrir la sérénité spirituelle qu'ils cherchent, se transforme en un fardeau très lourd, voire impossible à porter. Inutile de continuer à ignorer l'évidence. L'islam, tel que professé actuellement par l'islamisme politique et les autres orthodoxies traditionalistes, n'a plus rien à offrir ni aux musulmans ni au reste de l'humanité. Il m'est extrêmement difficile d'accepter et de comprendre que le Dieu que nous vénérons voudrait que nous sacrifiions nos vies et que nous gâchions celle de nos enfants pour nous conformer à des pratiques religieuses qui ne sont même pas requises des croyants.

Finalement, il faut accepter qu'en Occident, il soit permis de critiquer les religions, voire de les attaquer. C'est d'ailleurs le blasphème ou plutôt la remise en question de la spiritualité qui a permis de révolutionner la pensée moderne et qui a mis fin à l'arbitraire totalitaire des religions. C'est cette remise en question que les islamistes dénoncent qui était à l'origine de la révolution scientifique et technologique qui gère nos vies au quotidien. Pourquoi donc rester à l'abri de ce mouvement de changement mondial ? Rien dans la démocratie n'est et ne doit être au-dessus du débat. L'islam n'est pas et ne devrait pas être une exception. Contrairement à l'islam des théologiens qui ne peut être que totalitaire, l'islam des philosophes est réformable et démocratisable. Ce travail de réforme religieuse avec le débat philosophique, théologique et social qui l'accompagnera doit se faire, quels que soient les risques et les sacrifices. C'est là que réside le salut de l'islam et des musulmans aujourd'hui. Il n'y a pas d'autre issue.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Mai 2017

Les billets de blogue les plus lus sur le HuffPost

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.