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T’es pas raciste... mais la société n’est pas égalitaire

Des inégalités, il y en a partout. Certains peuvent le nier, sauf que c’est la réalité.
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Je compare les journaux, leurs angles sur la situation. Je les lis. Je les épluche. J’écoute la radio, les commentaires. J’entends les cris. Je vois les mêmes images en boucle. J’appelle mes amies au téléphone, on se pose les mêmes questions. On continue de regarder les nouvelles. On sait que ça ne sert à rien, mais on espère tout de même trouver une réponse satisfaisante.

Tout le monde est consterné. Tout le monde pleure, parce que ça ne se peut pas que quelque chose comme ça se passe ici. Impossible! Des tueries dans les écoles, ça se passe aux États-Unis. On est trop gentil pour ça. On regarde les mêmes films, la musique fait fi des frontières, les jeux vidéos voyagent, le Web propage la haine partout sauf ici. Parce qu’on vit dans une bulle, nous autres. Une bulle tellement confortable que c’est difficile d’imaginer qu’il y a autre chose ailleurs. D’autres réalités ici, chez nous.

C’est drôle, parce que je m’en souviendrai toujours de ce jour-là. Même si je n’ai pas vu de sang. J’ai vu. J’ai senti la peur. J’ai été témoin de la panique quand mon amie est devenue un zombie en répétant: «Je ne veux pas mourir.» Je lui ai dit de se calmer. Que c’était une rumeur, que c’est aux États-Unis que ça se passe des trucs comme ça. Je lui ai pris la main, puis les policiers sont arrivés sur la scène.

La panique, la vraie, a embarqué. Je ne voulais pas y croire. Puis j’ai vu… ce que je ne suis pas obligée d’écrire. Depuis, c’est comme ça chaque fois qu’il y a une autre fusillade dans une école secondaire, un centre d’achat, une salle de rédaction. J’aimerais mieux que ça ne m’affecte pas autant, surtout que je n’ai pas été blessée comparativement à d’autres. Mais quand tu as un coeur de chair qui bat, il ne s’arrête pas devant le souvenir de l’horreur.

“On est tous humains après tout, avec un coeur qui ne s’arrête pas de battre devant l’injustice.”

Tout le monde est consterné, tout le monde pleure parce que ça ne se peut pas, d’atteindre comme ça la liberté d’expression, d’enlever la vie à des enfants innocents. Qu’il y ai un, trois, cinq ou cent cinquante morts, ça ne se fait pas. Alors le monde entier pleure ensemble parce c’est inhumain.

Quand une collègue rentre le matin le visage affligé, on comprend, parce que nous aussi, on les a vu les images hier, à l’écran. Même si c’est loin, ça aurait pu se passer ici, ça aurait pu être un neveu, un oncle. On peut tous s’identifier. Ces gens-là sont comme nous. On est tous humains après tout, avec un coeur qui ne s’arrête pas de battre devant l’injustice.

Ce serait drôle de remettre en question le droit légitime des personnes à mobilité réduite de réclamer plus d’accessibilité, dans les transports, les commerces.

Personne ne semble remettre en cause leur demande et revendiquer des études à l’appui. Et si études il y a, bien ça va de soi, alors qu’effectivement il manque probablement de lieux accessibles. Pas besoin d’être en fauteuil roulant pour comprendre ça. Mais pour ceux qui doutent encore, je me souviens être allée à une conférence, un jour, où la femme racontait comment lui était venue l’idée de militer pour plus de rampes d’accès dans les bars et restaurants.

Après un bête accident, elle a dû faire de la rééducation physique et s’est retrouvée en fauteuil roulant. Elle voulait aller aux toilettes. Elle ne pensait certainement pas que ce serait aussi difficile. Puis, après avoir roulé son fauteuil sur une artère principale et s’être vue dans l’impossibilité de pouvoir aller au petit coin parce qu’il fallait soit descendre ou monter une série de marches, elle s’est pissée dessus. Pas d’autres choix que de faire pipi sur elle. C’est là qu’elle a vécu une situation qu’elle ne croyait pas être possible. Dans un monde aussi progressiste, c’était pourtant bien difficile de trouver une toilette en fauteuil roulant.

Heureusement pour elle, elle savait cette situation temporaire. Ce qui fait qu’elle avait de l’espoir de voir les choses changer pour elle. Elle a réalisé que ça devait aussi changer pour les autres.

Si tu n’es pas en fauteuil, tu ne sais pas ce que c’est. On en voit des rampes d’accès et des ascenseurs dans plusieurs établissements. Est-ce que le problème est si gros que ça? Est-ce qu’il est réel?

“Le poids devient trop lourd à porter. On a besoin que d’autres voix se joignent aux nôtres pour ne pas que nos voix s’étouffent dans le silence.”

Si tu n’es pas noir, si tu n’es pas autochtone, si tu n’appartiens pas à une minorité visible, tu ne sais pas ce que c’est. Dans le quotidien. Dans les menus détails de l’intime. On en voit partout, des gens de couleur. Ils semblent bien aller. Est-ce que le problème est bien réel?

Je compare les journaux, leurs angles sur la situation. Je les lis, je les épluche. Le Web aussi. Beaucoup. Quelqu’un a publié un long message censé. Une femme blanche. Je suis touchée. Je me dis que ça ne devait pas être facile pour elle, que le message a dû être réfléchi. Je commente. Elle me répond qu’après avoir lu Toni Morrison, elle a réalisé qu’elle devait agir, parler. Que ça devait changer aussi pour les autres.

Pas besoin d’être une personne de couleur pour comprendre ça. Pas besoin d’en être une non plus pour parler, échanger, apprendre, écouter, oser écrire une publication ou même marcher, parce que ce n’est pas nécessairement plus facile pour nous.

On est rendu à un point ou le poids devient trop lourd à porter. On a besoin que d’autres voix se joignent aux nôtres pour ne pas que nos voix s’étouffent dans le silence.

Merci à celles et ceux qui reconnaissent que ceci n’est pas normal. Merci de vous questionner, de prendre la parole ou même de vous taire pour écouter avec un coeur ouvert. Pour comprendre, changer, évoluer, espérer mieux, avancer. Ensemble!

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