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La question à 1000$: pourquoi Hydro-Québec a tant de surplus d’électricité?

En 2018, la société d'État a dû déverser 10 térawattsheure. C'est l'équivalent de la consommation d'un million de résidences américaines pendant un an.

Hydro-Québec a fait la une d’à peu près tous les médias dans les dernières semaines, en raison de la question des trop-perçus auprès de ses clients, une somme qui s’élèverait à un 1,5 milliard de dollars. Une autre question de démesure concernant la société d’État, qui revient souvent dans l’actualité, concerne les fameux surplus d’électricité. Mais qu’est-ce que c’est en fait... et pourquoi Hydro-Québec en a autant? C’est ce qu’on vous explique dans cette vidéo (plus haut).

Le directeur des communications de la société d’État le dit clairement: en 2018, Hydro-Québec a dû déverser 10 térawattsheure (TWh). «C’est l’équivalent d’un million de résidences aux États-Unis... Leur consommation pendant une année», illustre Serge Abergel.

Hydro-Québec considère donc que ses surplus se chiffrent à 10 TWh. Mais pour le directeur académique de l’Institut de l’Énergie Trottier, un institut de recherche affilié à Polytechnique Montréal, Hydro-Québec devrait plutôt chiffrer son surplus à environ 35 TWh, en comptant ses exportations.

«Pour moi, les vrais surplus, c’est la capacité de production d’Hydro-Québec par rapport à la demande au Québec, tranche Normand Mousseau. Donc tout ce qui est exporté, on pourrait le considérer comme un surplus, parce qu’Hydro-Québec, initialement, a été fondé pour produire de l’électricité pour les Québécois.»

“On a de l'énergie pour quasiment deux Québec!”

- Christine Beaulieu, comédienne et auteure de la pièce J'aime Hydro

La comédienne et auteure Christine Beaulieu, qui a plongé tête première dans ce sujet pour l’écriture de sa pièce J’aime Hydro, fait aussi remarquer que toute l’eau qui dort dans nos réservoirs représente aussi des surplus importants. Cette quantité d’eau, le PDG d’Hydro-Québec s’est avancé à la chiffrer l’an dernier: 140 TWh. Quand on sait que le Québec consomme 172 TWh par année, cela représente un gros «surplus» potentiel.

La comédienne et auteure Christine Beaulieu, pendant une représentation de sa pièce J'aime Hydro
David Mendoza Helaine
La comédienne et auteure Christine Beaulieu, pendant une représentation de sa pièce J'aime Hydro

«C’est énorme... On a de l’énergie pour quasiment deux Québec!» signale la comédienne.

Mais... pourquoi?

Une fois qu’on vous a assommés avec tous ces chiffres, la question qui vous vient à l’esprit, c’est (peut-être): mais pourquoi donc est-ce qu’Hydro a construit toutes ces installations?

La réponse courte, c’est que le marché énergétique en est un de prévisions, puisque des installations comme des barrages peuvent prendre plus de 15 ans à construire.

«Pour bien comprendre, il faut regarder en arrière, au début des années 2000, explique Serge Abergel, porte-parole d’Hydro-Québec. On a des perspectives de croissances importantes au Québec. On a aussi la volonté d’en faire plus pour l’exportation. À ce moment-là, il est décidé de construire des centrales hydroélectriques avec des réservoirs, pour produire davantage. Depuis ce temps-là, 14 centrales hydroélectriques sont construites au Québec.»

“Hydro-Québec n’est pas compétitive, elle ne réussit pas à vendre ses surplus. Elle en vend, mais c’est à très bas prix, [...] ça ne couvre pas les prix de production.”

- Alain Saladzius, président de la Fondation Rivières

Le hic, c’est qu’au cours des années 2000, l’industrie du gaz de schiste s’est développée. Et cela a fait baisser considérablement le prix du gaz naturel.

«Ç‘a été graduel: une industrie de production d’électricité à partir du gaz naturel s’est développée aux États-Unis, à de meilleurs prix, précise le président de la Fondation Rivières, Alain Saladzius. Donc Hydro-Québec n’est pas compétitive, elle ne réussit pas à vendre ses surplus. Elle en vend, mais c’est à très bas prix, c’est moins de 4 cents du kwh; ça ne couvre pas les prix de production.»

«Le problème, c’est que comme le plan d’Hydro-Québec était valide jusqu’en 2016, on n’a pas arrêté de construire, renchérit Normand Mousseau. On avait fait des promesses aux régions, on voulait faire du développement sur la Côte-Nord, avec la Romaine, on voulait maintenir des équipes au travail. En sachant pertinemment que ça serait des pertes, mais en pelletant le problème par en avant.»

Et tous ces développements ont des conséquences dramatiques sur les milieux naturels. Oui, on peut qualifier l’hydroélectricité de «propre», quand on la compare à d’autres, mais elle n’est pas parfaite non plus, souligne Christine Beaulieu.

«Sous le prétexte que c’est une bonne énergie, on a tendance à avoir la sympathie de tout le monde et à continuer de vouloir faire un prochain barrage… On noie quand même des centaines de kilomètres carrés de territoire, on vient mettre du béton à quatre endroits dans une rivière... Il y a des impacts environnementaux!»

Un problème de transport

Une autre embûche dans notre volonté d’exporter de l’électricité, c’est le transport. On manque de lignes de transport pour acheminer notre énergie vers les États-Unis, par exemple.

Hydro-Québec a déjà conclu un contrat pour acheminer 9,45 TWh d’hydroélectricité par année pendant 20 ans au Massachusetts, dont les revenus sont estimés à environ 10 milliards $US. Mais le problème, c’est que le plan initial, qui était de faire passer cette électricité à travers le New Hampshire, a été refusé par cet État. Le nouveau scénario, c’est de passer par le Maine. Il reste encore plusieurs autorisations à obtenir pour Hydro-Québec, mais la société d’État est confiante.

Prochaine étape: 2022

Pour l’instant, Hydro-Québec ne prévoit pas d’autres installations, affirme Serge Abergel.

«Mais une fois que c’est dit, en terme d’efficacité énergétique, est-ce qu’on va être capable de pouvoir dégager davantage d’énergie? ajoute-t-il. L’horizon, c’est 2022: on va se pencher sur la prochaine étape. Est-ce qu’on fait quelque chose, et si oui, qu’est-ce qu’on fait? Et c’est important de bien le planifier, parce que construire une installation hydroélectrique, c’est 15 à 20 ans. Donc, c’est important d’être très prévoyant.»

Justement, en terme d’efficacité énergétique, il reste beaucoup à faire, croient Alain Saladzius et Christine Beaulieu.

«Au Québec, on est dans une situation unique à travers le monde, note la comédienne. Personne au monde n’est en surplus d’énergie renouvelable!»

Et ça se voit, partout, fait-elle remarquer. Regardez les ponts et les édifices, la nuit: ils sont tous éclairés.

«Les Québécois peuvent en faire plus, mais il faut pour ça qu’on les aide avec la technologie, croit Serge Abergel, d’Hydro-Québec. Ça pourrait être par exemple de réduire à certains moments de la journée, où le réseau est très sollicité, le chauffage de quelques degrés, pendant peut-être 15 minutes, mais suffisamment pour nous créer de la marge de manoeuvre, et avec ça, on pourrait peut-être en exporter davantage. C’est ce grand projet-là qu’on regarde pour les années à venir... la technologie pourrait nous aider à en faire davantage avec le réseau qu’on a, ici, aujourd’hui.»

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