Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Que faire si votre enfant est victime d'intimidation?

Jasmin Roy a observé que les jeunes victimes d’intimidation vont souvent développer les mêmes comportements que les victimes de violence conjugale.
Ridofranz via Getty Images

Les cloches d’école ont recommencé à sonner depuis maintenant deux bonnes semaines. Votre enfant et vous commencez à vous habituer à ce nouvel horaire. Mais vous remarquez que votre rejeton semble triste et isolé. De plus, il dort mal, ne mange pas et tente toujours de trouver des excuses pour ne pas se rendre à l’école. Il se pourrait qu’il soit victime d’intimidation. Mais comment aborder le sujet avec lui? Et surtout, comment l’aider? Voici quelques conseils pour épauler votre enfant de la bonne manière.

L’intimidation, qu’est-ce que c’est?

Il est tout d’abord important de s’entendre sur le terme, qui est devenu un peu galvaudé depuis les huit dernières années (un projet de loi a été adopté à ce sujet en 2012 à l’Assemblée nationale). Il s’agit de comportements inappropriés, voire d’agressions, pouvant prendre plusieurs formes (insultes, agressions physiques, exclusion d’un groupe), mais qui doivent être répétés. C’est le mot-clé, selon Jasmin Roy, de la fondation du même nom.

«Une chicane entre enfants, ce n’est pas de l’intimidation», précise-t-il.

Comment aborder son enfant si on croit qu’il subit de l’intimidation?

«Comment ça se passe à l’école?» est une bonne entrée en matière, avance Geneviève Henry, intervenante psychosociale pour Tel-jeunes et LigneParents.

«Mais il y aura toujours des jeunes qui ne diront rien. Le parent peut se fier sur ce qu’il sent pour poser des questions: ″je sens que tu es triste, est-ce que je me trompe? Qu’est-ce qui te ferait du bien?″ Mais le jeune va s’ouvrir quand il va vouloir. Ça ne sert à rien de le talonner… On invite les parents à respecter le rythme de leur enfant.»

Il arrive d’ailleurs souvent, selon Jasmin Roy, que ce soit l’école qui informe les parents de ce que vit leur enfant.

«Souvent, le jeune ne veut pas inquiéter les parents, il se dit: ″mes parents vont penser que je n’ai pas d’amis, ça va leur faire de la peine″», explique-t-il.

Le fondateur de la Fondation Jasmin Roy a aussi observé que les jeunes victimes d’intimidation vont souvent développer les mêmes comportements qu’une victime de violence conjugale.

Mais si on sent que les choses s’aggravent, on peut toujours lui suggérer de parler à quelqu’un d’autre que ses parents, comme une personne de confiance ou encore Tel-Jeunes.

Comment recevoir une confession?

Si votre enfant se confie à vous à propos de l’intimidation qu’il subit, il est très important de rester calme et à l’écoute, affirme Geneviève Henry.

«Des fois, le premier réflexe qu’on peut avoir, c’est d’être surpris et très impliqué émotivement. Mais quand notre enfant nous confie un secret comme ça, il a besoin qu’on l’accueille. Il faut respirer. Si on panique en tant que parent, ça n’aidera pas le stress que notre enfant peut vivre.»

On évite donc les conseils et les jugements.

Il est aussi important de toujours prendre au sérieux ce genre de confidence, ajoute Jasmin Roy. «On peut vérifier: est-ce que ce sont des gestes répétés ou c’est la première fois que ça arrive?»

Steven Trann, aujourd’hui âgé de 29 ans, a subi beaucoup d’intimidation à l’époque où il fréquentait l’école secondaire. Il se faisait insulter sur ses origines ethniques et sur son orientation sexuelle, et se faisait même menacer de mort. Il a également subi des agressions physiques.

Steven Trann a été victime d'intimidation pendant la majeure partie de son parcours scolaire.
Courtoisie
Steven Trann a été victime d'intimidation pendant la majeure partie de son parcours scolaire.

«Le monde me coupait mon linge, me lançait de la bouffe, un gars est même déjà passé derrière moi pour me raser les cheveux avec son rasoir», raconte-t-il.

On lui a aussi déjà braqué un faux fusil en arrière de la tête. Steven était convaincu qu’il s’agissait d’une vraie arme.

Ce qui le fâchait le plus, quand il racontait ce qui lui arrivait à des membres de sa famille élargie par exemple, c’était quand on lui dictait comment il aurait dû réagir.

«Le monde me disait que c’était de ma faute parce que je n’en avais pas parlé, déplore-t-il. C’est la pire chose que tu peux faire. Ça rend le jeune responsable alors qu’il sent qu’il n’a aucun pouvoir. Je voulais juste me faire dire: ″prends ton temps, si jamais tu as besoin de quelque chose, de parler, je suis là pour toi″. Je voulais juste sentir que j’étais écouté.»

Et après, on fait quoi?

La première chose à faire, selon Jasmin Roy, après une confession, c’est d’aller rencontrer la direction et les professeurs pour travailler en équipe à enrayer cette situation. Il existe maintenant des plans de lutte contre l’intimidation dans toutes les écoles du Québec, en cohérence avec la loi à ce sujet. La commission scolaire doit aussi en être avisée par l’école.

Oui, mais... si notre enfant ne veut pas? On peut s’entendre avec la direction pour que l’enfant ne sache pas que cela vient de ses parents: du personnel de l’école aurait pu observer certains comportements, par exemple.

Geneviève Henry estime toutefois qu’il est important de ne pas briser le lien de confiance qui unit le parent à l’enfant qui s’est confié. «Il faut toujours être transparent avec son enfant. Et accepter de garder un secret, ce n’est jamais une bonne idée. On peut lui dire par exemple: ″ce que tu me décris, c’est trop important, je vais devoir aviser quelqu’un à l’école″.»

Les deux experts s’entendent pour dire qu’il est important que le jeune puisse participer à trouver des solutions.

«Si on veut qu’ils reprenne du pouvoir, il faut qu’il trouve les moyens pour s’aider», précise Geneviève Henry.

On peut donc visiter avec lui le site de Tel-Jeunes, par exemple, qui propose plusieurs pistes de solution.

Steven, lui, avait déjà parlé de sa situation à du personnel de l’école, avant d’en parler à ses parents. On a d’abord cru qu’il exagérait. Quand ses parents s’en sont mêlés, et que les menaces sont devenues plus sérieuses, l’école a finalement décidé d’agir. Steven a proposé de confronter ceux qui l’intimidaient avec un adulte. Et sa tactique a fonctionné.

«C’étaient eux qui ressortaient humiliés du bureau, parce qu’ils n’étaient pas capable de me dire pourquoi ils me faisaient subir ça.»

Valoriser le jeune à la maison

Pendant tout le processus, Jasmin Roy conseille aux parents de rappeler à leur enfant qu’il est aimé.

«L’enfant va être résilient s’il se sent soutenu, aimé, compris dans ses besoins, explique-t-il. S’il se sent dévalorisé à l’école, on le valorise beaucoup à la maison! Ça devient un antidote. On lui rappelle qu’on est là pour lui, qu’on va l’aider.»

Des fois, le plan mis en place par l’école peut s’échelonner sur plusieurs semaines... L’enfant peut trouver le temps long. On doit lui rappeler qu’on est là tout au long du processus.

Et surtout, il ne faut pas baisser les bras, ajoute Steven.

«Les différences, c’est ce qui fait notre force, plus tard! Quand on est ado, on ne pense pas comme ça... Mais aujourd’hui, je ne pourrais pas plus m’en foutre de ce que les gens disent ou pensent de moi!» confie celui qui est aujourd’hui mannequin à ses heures.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.