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Seinbiose: de nouvelles prothèses mammaires sur mesure conçues au Québec

L'initiative offre une autre option aux reconstructions mammaires suivant un cancer du sein, mais y avoir accès reste complexe.
Courtoisie - Centre de recherche du CHU de Québec

Pour Josée, une des 40 participantes au projet de recherche Seinbiose, c’est un rêve qui devient réalité. Le projet de recherche réalisé par l’équipe en oncologie et épithésie du CHU de Québec offre une autre option prometteuse à la reconstruction mammaire.

Depuis 2004-2005, elle a fait face à deux diagnostics de cancer du sein. Lors du premier, Josée (dont nous tairons le vrai nom par souci de confidentialité) a eu de la chance et n’a pas perdu son sein. Mais à la deuxième récidive, elle a dû subir une ablation et des traitements de chirurgie. Pour elle, pas de reconstruction mammaire envisagée. Elle a donc commencé à faire des recherches à propos des prothèses externes. Dans la cinquantaine et avec une bonne poitrine, il était difficile de trouver un modèle adéquat, qui ne serait pas trop lourd et inconfortable pour elle. Et le hic, c’était que la plupart d’entre eux n’étaient pas adaptés au corps de chaque femme.

Après beaucoup de recherche, Josée était toujours déterminée à trouver la perle rare et s’est rendue en 2008 à la World Conference on Breast Cancer, à Winnipeg. Parmi les sommités sur les lieux, elle y a rencontré Louise Desmeules, épithésiste québécoise au CHU de Québec, qui se lançait alors dans les prothèses mammaires sur mesure.

De gauche à droite: Annie Laverdière, épithésiste et membre de l'équipe de recherche, Louise Desmeules, épithésiste, et le Dr Gaston Bernier, chef médical en médecine dentaire en oncologie et épithésie
Courtoisie - Centre de recherche du CHU de Québec
De gauche à droite: Annie Laverdière, épithésiste et membre de l'équipe de recherche, Louise Desmeules, épithésiste, et le Dr Gaston Bernier, chef médical en médecine dentaire en oncologie et épithésie

Une profession méconnue… et pas reconnue

C’est entre autres la présence de Louise Desmeules - elle-même survivante du cancer - au sein de l’équipe du Dr Gaston Bernier, chef médical en médecine dentaire, en oncologie et épithésie au CHU de Québec, qui a permis d’«aider à comprendre qu’il y avait énormément de Québécoises qui souffraient en silence de l’inconfort des prothèses industrielles», a confié Dr Bernier en entrevue. «On s’est mis à réfléchir sur une innovation à l’intérieur du service. [...] On devait développer une expertise du côté des nouvelles technologies, [de] l’impression 3D et [de] la numérisation 3D. [...] En 2009, c’était encore un rêve et ça suscitait beaucoup d’espoir chez les victimes du cancer du sein.»

Après avoir envoyé Louise en Angleterre pour étudier ce qui s’y faisait dans le domaine, organisé plusieurs levées de fonds et reçu plus de 108 000 $ en financement de la part de la Fondation cancer du sein du Québec, le projet s’est concrétisé.

Un exemple du résultat après la conception et la mise en place d’une prothèse mammaire externe autocollante.
Courtoisie - Centre de recherche du CHU de Québec
Un exemple du résultat après la conception et la mise en place d’une prothèse mammaire externe autocollante.

Depuis, Josée s’est jointe aux 39 autres femmes qui ont testé les prothèses mammaires externes Seinbiose de 2016 à 2018, grâce à l’équipe en oncologie et épithésie du CHU de Québec. En entrevue avec HuffPost Québec, elle a témoigné que cette option légère, confortable et bien de chez nous a eu un résultat très satisfaisant et prometteur pour le futur des femmes québécoises; elle offre une prothèse mammaire externe autocollante, conçue sur mesure à partir de l’autre sein et complètement adaptée au corps de la patiente.

Malheureusement, la profession d’épithésiste est encore très peu connue, malgré le fait qu’elle soit présente au Québec depuis plusieurs années. «Les épithésistes, ici au CHU de Québec, c’est une réalité dans mon service médical en oncologie depuis 2000», témoigne le Dr Bernier. «Ça fait 19 ans qu’on se bat pour faire voir au ministère [de la Santé] l’avantage que cette profession-là soit reconnue. On n’est pas les seuls au Canada; à Toronto, à l’hôpital de Sunnybrook, il y a deux ou trois épithésistes qui sont à l’emploi du gouvernement ontarien. Eux ont le droit à leur titre d’emploi, même s’ils ne sont pas beaucoup.»

Pas de remboursement pour le moment

Un des enjeux que ce genre de projet rencontre, c’est le financement. «Pour une prothèse mammaire en silicone industrielle, qui n’a aucune adaptation, qu’on prend par catalogue, on parle d’un coût d’autour de 700 $. Pour ça, il y a un programme de remboursement quand même partiel, qui a été bonifié en 2017-2018. Pour les prothèses mammaires sur mesure, il n’y a rien qui est prévu au ministère de la Santé pour le moment», affirme le Dr Bernier.

«Notre estimation du coût dans un contexte de réseau de la santé où on économise sur la nécessité de générer un profit, c’est autour de 5000 $. Si on compare aux chirurgies de reconstruction autogène [ndlr: «en utilisant les tissus de la patiente elle-même»], on parle de 30 000 $ de coûts de matériel, et on n’a pas le coût de l’anesthésiste, des infirmières… On parle des coûts de l’hospitalisation, de la chirurgie elle-même. La chirurgie de reconstruction est complètement couverte.»

Et les femmes qui veulent se procurer une prothèse mammaire sur mesure sont plutôt laissées à elles-mêmes. «Encore une fois, à Toronto, il y a un programme qui permet à certaines Ontariennes d’avoir une prothèse mammaire sur mesure, dans un des hôpitaux sur le cancer en Ontario», déclare le médecin.

La phase 2 du projet s’amorcera cet automne. Elle servira à régler certains problèmes techniques, à s’organiser «pour ne pas perdre de la qualité, mais augmenter la fréquence», avance M. Bernier.

«On est très fier d’avoir répondu à un besoin orphelin, d’avoir imaginé une solution québécoise. [...] Ce qu’on aimerait beaucoup, c’est d’être capable de faire bénéficier le plus grand nombre de Québécoises de cette nouveauté-là.»

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