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Des propriétaires de chiens «étouffés» par les règles

«Si je veux assurer ma maison, je dois me départir de mes chiens. Pas question.» - Jason Lapointe
Jason Lapointe doit maintenant vendre sa maison ou se départir de ses 21 chiens.
Courtoisie Jason Lapointe
Jason Lapointe doit maintenant vendre sa maison ou se départir de ses 21 chiens.

Un périple de 8 000 km, dont 800 km en pleine toundra, dans une nature sauvage avec un froid glacial. C’est ce qui attend Didier Martens et ses 14 chiens de traîneau. Le départ pour le Yukon est prévu pour septembre et l’arrivée, 8 à 12 mois plus tard.

«Je n’en peux plus des lois du Québec», lance celui qui accuse sa municipalité de lui avoir vendu un permis de chenil au coût de 125 $ annuellement qui «ne [lui] donne aucun droit, mais qui remplit les poches de la municipalité».

C’est la récente décision de ses assurances qui a fait déborder le vase. «J’étais déjà étranglé par toutes les lois et voilà que mon assureur refuse de m’assurer pour mes chiens. Assez, c’est assez!» ajoute l’homme de 60 ans de Girardville, qui se considère comme un itinérant de la forêt boréal en raison de son mode de vie peu conventionnel.

Exaspéré, ce résident du Lac-Saint-Jean pliera donc bagages. Cet exemple à la conclusion surprenante illustre d’autres cas similaires.

Pas d’assurances... pas de permis

Jason Lapointe, un autre passionné de chiens de traîneau, a payé cher pour avoir été honnête. Il doit maintenant vendre sa maison ou se départir de ses 21 chiens nordiques de race Husky. «J’ai informé ma compagnie d’assurances que je vivais avec 21 chiens, explique-t-il. Non seulement mon assurance a refusé d’assurer mes chiens, mais elle a annulé mon contrat pour ma maison. Aujourd’hui, je n’ai plus rien d’assuré. Advenant un feu, je perdrais tout au complet.»

Depuis, celui qui a eu son premier attelage à l’âge de 19 ans assure avoir contacté des dizaines de compagnies, mais aucune n’est intéressée. «Si je veux assurer ma maison, je dois me départir de mes chiens. Pas question. Certains de ces chiens ont été abandonnés par leurs propriétaires, jamais je ne ferai un geste aussi cruel. Ce sont mes amours.»

L’homme de 36 ans fait maintenant face à la municipalité d’Albanel, au nord du Lac-Saint-Jean. «N’ayant pas d’assurances, je n’ai plus de permis de chenil, décrit-il. Et la municipalité m’envoie constamment des constats d’infraction, car je ne respecte pas le règlement municipal d’un maximum de deux chiens et de deux chats ou encore de trois chiens et un chat ou vice-versa, mais de jamais plus de quatre animaux.»

Découragé, M. Lapointe a publié une vidéo de son histoire sur les réseaux sociaux. Il a reçu des centaines de messages d’encouragement et plusieurs autres propriétaires aux prises avec la même problématique à travers le Québec l’ont contacté.

Jusqu’à ce jour, Jason Lapointe a reçu deux constats d’infraction de 280 $ chacun pour ne pas avoir de permis émis par le ministère de l’Agriculture, des Pêches et de l’Alimentation du Québec permettant aux propriétaires de chiens de posséder jusqu’à 49 chiens. Et trois autres constats de 85 $ chacun pour ne pas respecter le règlement municipal.

Il conteste ces montants. «Je me suis informé auprès de la municipalité avant de venir m’établir ici, il y a deux ans, afin de savoir si mes chiens dérangeaient, assure-t-il. Au contraire, on m’a souhaité la bienvenue, moi et mes 21 chiens». Il précise qu’il dépense déjà en moyenne 1000 $ par mois uniquement pour nourrir ses bêtes, sans compter les frais de vétérinaire.

À bout de nerfs, Jason Lapointe a mis sa demeure en vente et songe à aller s’établir dans une municipalité qui voudra de lui et de ses chiens. «Ou encore je vais aller rester dans la forêt sur la terre publique. Personne ne pourra venir m’écoeurer», lance-t-il.

À la MRC de Maria-Chapdelaine, on dit être préoccupé par le dossier. «On veut bien aider M. Lapointe, mais si on accepte de faire une dérogation pour un, on devra le faire pour tout le monde. Chaque municipalité au Québec possède son propre règlement sur les chiens et les chats», explique le porte-parole Christian Bouchard.

Au Bureau des assurances du Canada, on précise qu’une compagnie d’assurance peut accepter d’assurer une résidence privée sans être obligé de couvrir les chiens qui y demeure. On ajoute que la compagnie d’assurance a le droit de résilier un contrat d’assurance d’une maison si elle découvre que des chiens habitent sur le terrain, alors que cette information avait été omis d’être transmise par le propriétaire.

“Je ne suis pas un refuge. Je suis juste un passionné de chiens. Je ne reçois pas un sou de personne pour élever mes petits bébés à quatre pattes. Pourquoi ne pas me laisser tranquille. Mon terrain est situé loin du village. Je veux juste la paix.”

- Jason Lapointe

«Les gouvernements semblent oublier un pan de l’histoire québécoise en mettant des bâtons dans les roues aux entrepreneurs, fait-il remarquer. Les chiens de traîneau sont non seulement une activité importante pour l’économie des régions, mais c’est aussi l’ancien moyen de transport de nos ancêtres. Si les lois continuent de prendre en otage les propriétaires de chiens de traîneau, il n’y en aura plus au Québec et les touristes devront faire autre chose comme activité. Ce sera une lourde perte financière pour le Québec, un pays nordique.»

Travailleur forestier, M. Lapointe croit être victime d’un abus de pouvoir de certains élus, car il précise être propriétaire de six chevaux qui galopent quotidiennement sur son terrain de quatre hectares. «Pour les chevaux, tout est ok, mais pour les chiens, rien ne fonctionne. Pas d’assurance responsabilité, pas de permis de chenil, pas le droit à plus de quatre chiens. C’est stressant de toujours vivre avec la menace de recevoir un autre billet d’infraction pour un problème que tu voudrais bien régler mais pour lequel tu ne parviens pas à trouver la solution.»

“On veut bien aider M. Lapointe, mais si on accepte de faire une dérogation pour un, on devra le faire pour tout le monde.”

- MRC de Maria-Chapdelaine

«Je me bats pour moi, pour mes chiens et aussi pour tous les autres propriétaires de chiens de traîneau, fait-il valoir. Ensemble, on devrait être en mesure de faire comprendre le gros bon sens aux gouvernements.»

Il abandonne après une saga judiciaire de 10 ans

Si M. Lapointe garde espoir, Stéphane Gagnon, un autre passionné de chiens, a abdiqué le mois dernier après une saga judiciaire de 10 ans.

«Je suis allé voir la municipalité de Saint-Fulgence (à proximité de Saguenay) pour dire que je vendais ma maison et que je relocaliserais mes chiens d’ici la vente. Ma femme n’était plus capable de supporter la pression de ces guerres d’avocats. Elle m’a supplié de lancer la serviette.»

Au départ, ce sont les sept chiens de race Husky de M. Gagnon qui dérangeaient le voisinage et ce, même si son terrain est immense dans une secteur boisé et que son premier voisin est situé à plus de 500 pieds de l’autre côté de la rue, avec une forêt entre les deux.

En 2008, il reçoit ses premiers constats d’infraction. Il doit trouver un moyen de diminuer le bruit afin d’assurer la quiétude du voisinage. Il construira alors des enclos fermés avec des abris pour la nuit. «Tout le monde, même l’inspecteur municipal, reconnaît que je prends bien soin de mes chiens», se souvient-il.

Même si les bêtes sont «aux anges», la municipalité poursuit ses démarches. «Je me suis débarrassé de mes chiens pour devenir un éleveur certifié de chiens Akita japonais, une race plutôt rare au Québec, dont le prix est de 2500$ à 5000$ la tête», explique M. Gagnon.

Celui qui est né entouré de chiens - son grand-père et son père étaient aussi des éleveurs - bénéficiera d’un silence pendant trois ans. En 2011, l’arrivée d’un nouveau fonctionnaire relancera le débat.

“Pas facile de vivre avec ce stress et ces démarches longues et coûteuses. J’ai renoncé à la bataille à la demande de ma femme.”

- Stéphane Gagnon

L’inspecteur municipal avec d’autres employés de la localité débarquent chez les Gagnon. Il distribue des constats d’infraction pour aboiement des chiens.

Stéphane Gagnon conteste devant les tribunaux les amendes qui s’élèvent alors à plus de 6000 $. «Le juge a statué en ma faveur en me donnant une amende de 700$ au total», raconte-t-il.

Malgré ce jugement, la municipalité continuera de le talonner. Au point où sa femme en deviendra malade, affirme-t-il.

Notons que les chiens de M. Gagnon ont été relocalisés à un km plus loin, chez son frère. Ce dernier possède 30 chiens de traîneau et n’a jamais reçu la visite de l’inspecteur municipal, car il détient les permis et les assurances requis en raison d’un droit acquis.

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