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Pourquoi il faut rouvrir au plus vite le compte Twitter de Donald Trump

La tweetomatie est-elle devenue la nouvelle arme de la démocratie américaine?
NurPhoto via Getty Images

Le récent bannissement du président défait américain Donald Trump de Twitter ainsi que de Facebook, suite à l’invasion du Capitole le 6 janvier dernier par des centaines de ses sympathisants, pose question dans la grande démocratie américaine. Au-delà du succès trumpien, qui marquera la fin de son mandat hollywoodien, de cette action qu’il a appelé de ses vœux, on peut s’interroger sur les conséquences à court et moyen terme d’une telle décision.

Les 88 millions d’abonnés du compte Twitter @realDonaldTrump sont désormais perdus sans la parole de leur gourou politique et médiatique. Mais sûrement pas pour longtemps. En tout cas, au vu des réactions depuis 24 heures, force est de constater que la “tweetomatie” fera date dans l’histoire contemporaine de la politique et de la gouvernance mondiale.

En effet, connu pour ses excès, ses mensonges, ses attaques virulentes, sa haine, Trump n’en est pas à son galop d’essai sur les réseaux sociaux et cela ne devrait pas l’arrêter. C’est aussi un pionnier. Car c’est probablement le premier leader mondial qui a autant usé et abusé d’un réseau social, au point de devenir l’un des plus grands influenceurs mondiaux.

Twitter n’a eu que peu à y redire pendant quatre ans, mais sentant désormais le vent du boulet, ses dirigeants se permettent dorénavant de clouer le bec à Trump, maintenant qu’il remet en cause clairement les principes de la démocratie américaine, en contestant depuis deux mois, chaque jour que Dieu fait, les résultats du scrutin du 3 novembre. N’en attendait-on pour autant pas moins de ce dernier? Il faut reconnaître que Twitter a pu jouir du spectacle et s’offrir une promotion mondiale comme jamais.

“Depuis 4 ans, Twitter a pu jouir du spectacle et s’offrir une promotion mondiale comme jamais.”

Mais maintenant, n’est-ce-pas une violation flagrante de la liberté d’expression que de fermer son compte, dans un pays où la règle est de pouvoir quasiment tout dire sans complexes et sans limites? N’y aurait-il pas des intérêts politiques derrière qui arrangeraient le réseau social, censé être totalement indépendant? Essayer de faire taire Trump l’a toujours servi.

Car aussi chaotique soit la fin spectaculaire de son mandat, Trump marquera l’histoire par la méthode. Jamais une diplomatie internationale n’aura été insufflée, dictée via un réseau social, devenu indispensable à la Maison-Blanche ces dernières années, dans la conduite de la politique américaine et donc du monde. Assis confortablement dans son canapé, au milieu des dorures et des fioritures, il a suffi que Donald Trump bombarde ses tweets pour orienter les relations internationales, faisant fi via l’écran de son téléphone du droit international comme du multilatéralisme, et imposer au fond dans une tweetologie effrénée sa vision d’une géopolitique transactionnelle, qui a signé le grand retour du bilatéralisme.

Le mouvement pourrait-il être réversible avec l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche, dont on peut douter de l’habileté à manipuler de tels instruments? Pas sûr. À l’heure des drones, l’accélération de la gestion d’une politique virtuelle, avec la pandémie de COVID-19, s’est faite d’autant plus facilement que tous les grands sommets, les visites officielles et d’État sont tombés à l’eau en 2020. Et nous en avons encore au moins pour un an. Occuper, comme l’a fait Trump, l’espace virtuel et le temps par cette politique cybernétique pourtant erratique, a su quand même séduire 70 millions d’Américains qui ont tout de même voté pour lui le 3 novembre dernier.

Quoi qu’on en dise, Trump a bousculé la politique comme jamais et d’autres leaders dans le monde, au nom de leur intérêts personnels l’emportant sur l’intérêt général, pourraient suivre le mouvement. Et pas que les dirigeants populistes du moment, de Jaïr Bolsonaro, à Narendra Modi, en passant par Viktor Orban.

“Jamais une diplomatie internationale n’aura été dictée via un réseau social, devenu indispensable à la Maison-Blanche ces dernières années dans la conduite de la politique américaine et donc du monde.”

Au-delà des excès de Donald Trump une fois encore, l’écarter des réseaux de cette manière, car l’on parle d’un bannissement “permanent”, ne pourrait que renforcer le camp de ses aficionados, qui seront pour les quatre prochaines années de plus en plus remontés, entretenus confortablement par leur leader maximo dans la certitude d’un grand complot mondial ourdi contre lui. Trump saura au combien exploiter cette victimisation pour revenir au premier plan par d’autres moyens modernes ou post-modernes. Vendredi, il accusait déjà le réseau de vouloir “museler la liberté d’expression”, ce qui objectivement est une réalité. Pour autant, afin de poursuivre le combat à mort qu’il est prêt à engager, il pourrait rapidement à tout le moins reprendre les grands meetings glorifiants dont il raffole, et dont il ne s’est jamais privé en pleine campagne présidentielle et en pleine pandémie, malgré une situation sanitaire catastrophique.

Nous assistons, en quelques jours aux États-Unis, non seulement à un risque de dégradation de l’unité déjà fragile du pays, ainsi qu’à une censure, sans procès, sur la base d’un délit d’opinion, qui devrait inquiéter le monde entier. Ce n’est pas que du show. Les personnages de bande dessinée, de cartoons et autre comics, n’étaient pas inspirés cette semaine par un nouveau spectacle de Broadway au Capitole. Ces gens, avec la mise à mort médiatique qui s’engage contre Trump, pourraient bien devenir très dangereux.

Et comme à chaque mort symbolique, Trump a toujours ressuscité, on peut s’interroger sur l’urgence en démocratie de faire rouvrir au plus vite le compte Twitter de ce dernier, afin qu’il puisse au moins cracher sa violence, plutôt que de la contenir pendant les quatre ans à venir, et risquer de voir le pays basculer dans les prémices d’une guerre civile.

Il est déjà clair que le trumpisme survivra, notamment via la tweetologie. Mais l’une des missions premières de Joe Biden sera bien d’essayer de réenraciner la pratique politique dans la réalité au plus vite, et dans le concret. C’est peut-être là, malgré les critiques le visant sur son âge depuis des mois, l’un des principaux avantages de la “maturité” du nouveau président élu.

Ce texte a été publié originalement sur le HuffPost France.

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